«Bötschi questionne» Cédric Wermuth: «Je ne désire pas en parler publiquement»

Bruno Bötschi

12.4.2019

Cédric Wermuth au sujet des enfants: «Je trouve qu’on ne devrait pas leur donner l’illusion d’un monde parfait. Je tiens à ce que mes enfants prennent conscience qu’ils mènent une vie privilégiée».
Cédric Wermuth au sujet des enfants: «Je trouve qu’on ne devrait pas leur donner l’illusion d’un monde parfait. Je tiens à ce que mes enfants prennent conscience qu’ils mènent une vie privilégiée».
Keystone

Cédric Wermuth est l’un des Conseillers nationaux les plus pointus du PS. Il souhaite désormais entrer au Conseil des Etats. L’Argovien de 33 ans parle de sexisme au Palais fédéral, de ses qualités d’homme au foyer ainsi que de ses deux filles.

Il est presque 9h30 du matin au restaurant Atrio situé au cœur de la Gare centrale de Zurich: le portable du journaliste sonne: «Le train a actuellement 6 minutes de retard» – «Pas de souci, j’attends».

Cédric Wermuth apparaît quelques minutes plus tard. Il porte un sac à dos sur ses larges épaules. Bon, attaquons tout de suite les nombreuses questions car notre temps est compté.

Monsieur Wermuth, je vais vous poser un maximum de questions auxquelles vous devez répondre le plus rapidement et spontanément possible au cours de la prochaine demi-heure. Si l’une des questions ne vous convient pas, dites simplement «Je passe».

Très bien, je ne suis pas de nature sensible.

Quel a été le moment le plus triste de votre existence?

La mort de ma mère, il y a maintenant cinq ans. Elle a été longuement malade.

Comment avez-vous fait face à ces émotions douloureuses?

J’ai du mal à gérer ce genre de processus. J’ai d’abord réagi en étant sur la défensive et replié sur moi-même, puis nous en avons parlé en famille, chose qui s’est révélée bénéfique et primordiale.

Êtes-vous bon perdant?

Pas spécialement.

De quoi avez-vous peur?

Cela va paraître banal, mais depuis que nous sommes devenus parents, ma plus grande crainte est qu’il arrive quelque chose à nos enfants, que nous puissions les perdre. C’est n’est pas une véritable peur, je le sais bien, mais ce scénario horrible me hante souvent.

Étiez-vous un fils à maman?

Non.

Pourriez-vous encore faire une éloge à votre mère en quelques mots?

Ma mère était une des personnes les plus chaleureuses que j’aie pu connaître. Elle a toujours été un modèle pour moi et m’a transmis énormément de choses importantes aujourd’hui encore, comme mon bilinguisme. Ma mère est encore régulièrement présente dans ma vie, par exemple lorsque je regarde des albums de photos de famille avec mes enfants.

Merci. Voilà, nous en avons terminé avec le passé et ses souvenirs. Passons à quelques questions axées sur le présent, sur la famille.

Comment allez-vous un jour expliquer à vos enfants les injustices régnant dans ce bas monde?

J’essaie déjà de leur expliquer cela aujourd’hui. Notre fille aînée, qui a quatre ans, est une fan des manifestations. Nous avons déjà été à un cortège du 1er mai, nous avons défilé à la «Marche des femmes» en Suisse et aussi pris part à une manifestation en faveur du climat. J’explique aux enfants la raison de ma présence au Palais fédéral, et ce que j’y fais. Mon aînée m’a récemment demandé pourquoi la faim et la pauvreté existaient. Je trouve qu’on ne devrait pas donner l’illusion d’un monde parfait à nos enfants. Je tiens à ce qu’ils prennent conscience qu’ils mènent une vie privilégiée. Ils ne doivent donc pas éprouver des sentiments de culpabilité mais savoir que cela implique une certaine responsabilité.

Avez-vous certaines valeurs précises que vous souhaiteriez inculquer à vos enfants?

Assurément. Et précisément parce que nous avons deux filles, je tiens à leur faire savoir qu’elles ont le droit de mener une vie heureuse et égalitaire en matière de droits. Qu’il est juste de s’engager pour une cause et primordial de lutter contre les injustices. Je voudrais également leur dire de s’engager en faveur des autres.

Cédric Wermuth sur sa candidature au Conseil des États: «Une telle campagne électorale a également un impact sur la famille. J’avoue que sans son engagement et sans ma famille, ce ne serait tout simplement pas possible»
Cédric Wermuth sur sa candidature au Conseil des États: «Une telle campagne électorale a également un impact sur la famille. J’avoue que sans son engagement et sans ma famille, ce ne serait tout simplement pas possible»
Keystone

Dans quelle sorte de monde vos enfants doivent-ils grandir?

Ils doivent pouvoir évoluer dans un monde à l’abri d’une menace future de changement climatique. Lorsque j’en discutais auparavant sur les podiums, on considérait toujours que le réchauffement climatique affecterait déjà la prochaine génération. La naissance de mes filles m’a permis de mettre un visage sur la prochaine génération. Elles doivent pouvoir grandir dans un monde sans avoir à se battre pour s’affirmer uniquement parce qu’elles sont des femmes. Dans un monde où les écarts considérables entre pauvres et riches n’existeront plus. C’est mon rêve, même si je suis bien conscient que les chances de les voir grandir dans un tel univers sont infimes.

Priez-vous avec vos enfants?

Non.

Chantez-vous sous la douche?

Oui, au grand regret de ma famille.

Dans votre appartement, tout vient de chez IKEA?

Non, mais il y en a aussi.

Quels livres trouve-t-on sur votre table de chevet?

Il doit y en avoir une vingtaine, car j’en lis souvent plusieurs en parallèle. Mon épouse se plaint régulièrement que la pile ne fait qu’augmenter plutôt que diminuer.

Quels autres objets se trouvent sur votre table de chevet?

Mon portable, mes écouteurs, un paquet de mouchoirs car toute la famille est actuellement enrhumée, diverses revues et une lampe.

Elle doit être vraiment grande cette table de nuit.

Mais non. J’empile.

Quand avez-vous dormi pour la dernière fois à la belle étoile?

J’ai dormi sous tente en août dernier. Vraiment à la belle étoile, c’était il y a bien longtemps, cela doit faire sept ou huit ans, quand nous nous sommes connus avec ma femme. Nous dormions sur la terrasse du toit chez elle.

Votre somnifère?

J’ai beaucoup de mal à m’endormir, alors je passe souvent des heures à regarder toutes sortes de séries sur Netflix ou des films sur YouTube.



Votre parade contre le fameux coup de pompe de 17 heures?

Ma sieste de midi. J’essaie autant que possible de faire une sieste éclair de 20 minutes.

Sur votre chaise de bureau?

S’il le faut, alors ça va aussi. Un autre moyen de lutter contre le coup de fatigue de 17 heures, c’est le café. Je présente les symptômes d’une consommation excessive de caféine.

Qu’est-ce que vos amies et amis aiment chez vous?

Ma générosité je crois, et c’est aussi très important pour moi-même.

Au regard de votre succès, vous est-il parfois difficile de prendre au sérieux votre adversaire politique?

Ce n'est en fait pas difficile du tout, car l’adversaire est trop grand. Et quoi qu'il en soit, je considère mes réussites jusqu’à présent comme modestes.

Qu’a dit votre épouse lorsque vous lui avez annoncé votre candidature à l’automne au Conseil des États?

Si je devais répondre maintenant, il serait exagéré d’affirmer qu’elle était complètement enthousiaste à cette idée. Une telle campagne électorale a également un impact sur la famille. J’avoue que sans son engagement et sans ma famille, ce ne serait tout simplement pas possible.

Vous affirmez être un homme sensibilisé à la parité des sexes. Qui ou quoi vous a sensibilisé à cette question?

Premièrement, ma mère, et deuxièmement, les femmes présentes au sein du PS. Elles m’ont amené à lire des ouvrages de littérature féministe. Enfin troisièmement mes filles. Dès que l’on devient père, la question de l’égalité salariale prend par exemple une dimension très personnelle.

Merci, c’était sympa. Il est temps désormais de passer à des questions encore plus délicates, Monsieur Wermuth.

Après l’annonce de votre candidature, vous avez essuyé des critiques. On vous a notamment traité de «lady killer».

Je me suis naturellement posé la question de savoir si j’étais réellement ce genre de type. Après moult réflexions, j’en ai conclu que ma candidature était parfaitement justifiée. Je comprends cependant toutes les personnes qui ont soutenu ma concurrente Yvonne Feri. Soit parce qu’Yvonne est une excellente Conseillère nationale, soit parce qu’elles ont intentionnellement voté pour une femme. J’aimerais parallèlement souligner que le PS argovien envoie toujours, depuis mes débuts au Conseil national, une délégation hommes-femmes équilibrée à Berne, et pendant longtemps, les femmes étaient même majoritaires. De plus, nous avons avec Pascale Bruderer une Conseillère nationale PS depuis presque huit ans. Ma candidature est donc tout à fait légitime.

Pourquoi n’adhérez-vous pas personnellement aux principes que vous professez en politique?

Qui affirme cela? Bien sûr que j’essaie de m’y tenir. Je le dis clairement: nous devons sans cesse nous poser cette question, que l’on soit un homme ou une femme. C’est absolument essentiel et justifié. J’ai renoncé pour ce motif il y a deux ans à une candidature au gouvernement argovien: le PS comptant déjà un élu masculin au Conseil d'Etat avec Urs Hofmann, j’ai par conséquent laissé le champ libre à Yvonne Feri.

Cédric Wermuth au sujet de son côté coquet: «certainement dans ma coiffure, et le pire est avant chaque élection, c’est-à-dire précisément maintenant, lorsque je dois sélectionner des photos de moi-même. Mon épouse décide actuellement quelle photo va figurer sur l’affiche».
Cédric Wermuth au sujet de son côté coquet: «certainement dans ma coiffure, et le pire est avant chaque élection, c’est-à-dire précisément maintenant, lorsque je dois sélectionner des photos de moi-même. Mon épouse décide actuellement quelle photo va figurer sur l’affiche».
Keystone

Militez-vous en faveur des quotas?

Oui, car c'est seulement lorsque des quotas seront instaurés, que la question de genre ne se posera plus. Il ne faudra pas débattre sans cesse s’il est légitime de présenter la candidature d’une femme ou d’un homme.

Qu’est-ce qui vous inspire?

Je suis en train d’effectuer un tour à travers l’Argovie et vais à la rencontre de personnes qui m’invitent chez elles. L’expérience de gens qui vous racontent leur histoire est très enrichissante. Les individus qui s’élèvent contre les conventions, à l’instar de la nouvelle députée du Congrès américain Alexandria Ocasio-Cortez, sont également des sources d’inspiration pour moi. Il est primordial de s’opposer de temps à autre aux règles établies, lorsque cela sert une cause noble et importante. Je souhaiterais parfois également avoir un tel courage.

Que font les femmes mieux que les hommes?

Je ne sais pas si les femmes sont globalement un peu meilleures que les hommes. Dans le milieu politique, je constate toutefois qu’elles effectuent un travail plus minutieux.

Et que font les hommes mieux que les femmes?

Ils savent mieux se mettre en valeur.

Planifiez-vous d’agrandir la famille?

C’est encore une longue discussion à l’ordre du jour (il rit). Je crois qu’à 33 ans, il est encore trop tôt pour se prononcer de manière définitive.

Comment conciliez-vous carrière et éducation des enfants?

Je n’y arrive pas du tout. Parlement et famille sont difficilement compatibles. Il s’agit pour nous d’un projet familial incluant les grands-parents.

Vous avez deux enfants et votre épouse est également active professionnellement. Quel pourcentage de votre temps consacrez-vous à la garde des enfants et aux tâches ménagères?

Ce n’est certainement pas un partage à 50-50.

Concrètement, quelle est votre contribution au niveau de leur encadrement?

Je ne peux pas la chiffrer exactement, mais j’essaie de compenser au mieux en dehors des sessions parlementaires. Durant les sessions, qui représentent chaque année douze semaines, je suis à Berne et ma femme, secondée par les grands-parents et la crèche, s’occupe vraiment de tout.

Vous êtes très pointilleux avec votre date de naissance. On peut en effet lire sur votre site Internet: «Je suis né le 19.02.1986 à 10h53 à Jegenstorf (BE)».

L’heure n’est pas si primordiale, mais ma mère me l’a toujours rappelée. C’était important à ses yeux et c’est pourquoi je crois que ça l’est aussi pour moi.

Lisez-vous votre horoscope?

Non.

Quelles sont vos lectures chez le coiffeur?

J’espère à chaque fois trouver un exemplaire du magazine «Geo». Je ne lis rien d’autre, car je dois lire, ou plutôt je peux lire déjà tellement de choses chaque jour. Raison pour laquelle je suis heureux de pouvoir disposer d’une demi-heure de calme.

Où transparaît votre côté coquet?

Certainement dans ma coiffure, et le pire est avant chaque élection, c’est-à-dire précisément maintenant, lorsque je dois sélectionner des photos de moi-même. Mon épouse décide actuellement quelle photo va figurer sur l’affiche. Je n’y arriverais jamais seul, car aucune des photos sur lesquelles j’apparais ne me satisfait.



Éprouvez-vous fondamentalement de la sympathie pour les gens?

Oui, sinon je ne militerais pas comme politicien social-démocrate.

Les Suisses sont-ils maintenant plutôt appréciés ou impopulaires à l’étranger?

Tout dépend de la situation et doit être nuancé, comme c’est aussi le cas pour d’autres nations.

Quel complexe d'infériorité typiquement helvétique vous énerve?

C’est plutôt la prétention des Suisses qui m’énerve, le fait que l’on se surestime régulièrement à l’échelle mondiale.

Vraiment un brave type, ce Cédric Wermuth. Et toujours pas de retournement de veste.

Avez-vous déjà trouvé la meilleure excuse à invoquer lors de séances ennuyantes?

Oui ... euh, non. On est toujours tenté d’invoquer les enfants, mais je trouve cela moralement difficile, si bien que je ne le fais pas. Je ne suis par contre pas certain que les autres ne le fassent pas dans la mesure où ce genre d’excuse n'est pas remis en question.

Le travail manuel le plus difficile que vous ayez effectué jusqu’ici?

Débarrasser la cave de mes parents suite à une inondation survenue il y a quelques années.

De quoi êtes-vous fier?

De notre famille.

De quelles illusions ne vous laissez-vous pas déposséder?

Que mon engament politique amène un changement au sein de la société.

Quel sujet d’envergure préoccupe Cédric Wermuth?

Les inégalités.

Quel thème électoral sensible pourrait vous faire perdre votre sang-froid?

Les inégalités politiques et les thèmes liés à la migration me rendent vite très émotif.

Quel était le sujet de votre dernier entretien téléphonique avec la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga?

Nous parlons le plus souvent franchement lorsque nous avons une conversation. La dernière fois, nous avons discuté de son éventuel changement de département au Conseil fédéral.

Fondamentalement, pensez-vous que le PS devrait être plus radical?

Je n’affirme pas que le radicalisme est bon ou mauvais en soi, mais je trouve que le PS devrait encore souligner davantage le fait qu’il propose des alternatives sociales. Sur ce plan, ma réponse est oui.

La dernière fois que vous avez porté une rose à la boutonnière?

Hum, ... une rose? Probablement lors de la dernière célébration du 1er mai.

Cédric Wermuth (à droite) sur les manières d’un autre temps dans la politique suisse: «Regardez simplement les dirigeants des partis et des fractions. Le modèle dominant est celui d’un homme blanc âgé doté d’une bonne situation et aux valeurs bourgeoises».
Cédric Wermuth (à droite) sur les manières d’un autre temps dans la politique suisse: «Regardez simplement les dirigeants des partis et des fractions. Le modèle dominant est celui d’un homme blanc âgé doté d’une bonne situation et aux valeurs bourgeoises».
Keystone

Á combien de grèves du climat avez-vous participé au cours des derniers mois?

Á quatre.

Que faites-vous concrètement pour freiner le changement climatique?

Je trouve que c’est une très mauvaise question.

Pourquoi?

Le changement climatique ne peut pas être freiné par un renoncement individuel, mais seulement en instaurant des règles sociales. En ce sens, je considère la réflexion morale voulant que chacun soit responsable du réchauffement climatique comme fondamentalement fausse. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille renoncer à cette lutte. Notre famille par exemple habite dans une coopérative d'habitation labellisée Minergie-Eco, nous pratiquons le car sharing et achetons nos légumes directement chez les agriculteurs.

Un des sujets brûlants cette année concerne les relations entre la Suisse et l’UE. Pouvez-vous nous expliquer en deux ou trois phrases votre position par rapport à l’accord-cadre?

Un accord-cadre avec l’Union européenne est par principe juste. Il faut cependant honorer trois conditions. Primo: les mesures de protection salariales doivent être respectées. Secundo: l’orientation démocratique du pays doit être conservée. Tertio: le service public, c’est-à-dire les allocations d’Etat, ne doivent pas être touchées.

L’UDC désire attirer des particuliers fortunés ainsi que des entreprises grâce à une faible fiscalité. Et cela même si le parti revient constamment à la charge avec des initiatives contre l’immigration. Sont-ils schizophrènes ou quoi?

Á un haut point même. On ne peut pas sans cesse prétendre vouloir avoir tous les sièges sociaux d’entreprises sur notre territoire mais ne pas vraiment vouloir accueillir de nouveaux travailleurs chez nous. Le principal facteur d’immigration en Suisse est l’essor économique du pays.



La logique prédominante est cependant simple: si la situation des entreprises est bonne, celle des citoyens le sera également.

C’est exactement l’inverse. Si la situation des citoyennes et citoyens est bonne, et que le pays s’appuie sur une démocratie stable, cela profitera également aux entreprises. En matière de fiscalité, nous vendons aujourd’hui un hôtel cinq étoiles au prix d’un hôtel Aldi ou Lidl. Cela me met en colère. Nous devons finalement mettre fin à cette soumission. Cette mentalité nous vient du Moyen-Age, affirmant que nous étions tributaires des seigneurs féodaux qui nous distribuaient de temps à autre tout juste quelques miettes, de quoi survivre.

Les entreprises payent toujours moins d’impôts, alors que le citoyen toujours plus. Le PS peut-il devenir à nouveau le représentant des petites classes dans le futur?

L’expression «à nouveau» mentionnée dans votre question est erronée car je crois que le PS l’a toujours été. Nous ne l’avons peut-être pas toujours communiqué de manière claire et n’avons pas accordé assez d’attention à cette question. Si nous l’avions fait, je pense que le nombre d’électeurs soutenant notre parti serait encore plus important. Je suis d’accord avec le fait qu'il faut accorder davantage d’importance à ce sujet.

Votre définition: où commence la pauvreté selon vous?

C’est une excellente question. Elle commence à mon avis lorsque mes possibilités financières m’empêchent de participer à la vie de la société. Il est absurde de comparer, comme le fait l’UDC parfois, que tous les Suisses sont riches par rapport aux citoyens du Burkina-Faso. Si l’on ne peut pas envoyer son enfant à un camp de ski ou s’accorder une soirée cinéma avec ses amis, la liberté individuelle est entravée. C’est pourquoi j’applique déjà la notion de «pauvreté» à de tels cas.

Où doit s’arrêter la richesse?

Je ne comprends pas pourquoi mes études en sciences politiques et mon poste de Conseiller national m’offrent un salaire supérieur à une menuisière ou un infirmier. Des salaires supérieurs à ceux des Conseillères et Conseillers fédéraux ne sont pas justifiables. Et je n’arrive plus du tout à expliquer qu’il existe des fortunes dont le montant surpasse allègrement les sept chiffres.

Avez-vous un ami qui soit pauvre?

Plusieurs. Je suis ami avec des personnes bénéficiaires de l’aide sociale. J’ai également noué des amitiés avec des personnes vivant hors d’Europe, comme par exemple au Burkina-Faso, dans des pays où la pauvreté prend une toute autre dimension.

Le cadeau le plus généreux que vous ayez jamais offert?

Je ne désire pas en parler publiquement.

Vous êtes plutôt porte-monnaie ou bourse?

Porte-monnaie.

Et à quel endroit du corps le placez-vous?

La plupart du temps dans mon sac à dos ou alors dans la poche arrière droite de mes jeans.

L’objet le plus émouvant que vous emportez en route dans votre porte-monnaie?

Mon porte-monnaie est relativement exempt de toute émotion.

Hormis vous, le Parlement compte encore 199 Conseillères et Conseillers nationaux et 26 membres aux États. Combien d’entre eux tutoyez-vous?

En dehors de la salle du Parlement, on se tutoie tous curieusement, à quelques rares exceptions près.

Ces exceptions sont-elles plutôt issues de la droite ou de la gauche?

Plutôt de la droite.

Avec quel politicien UDC partiriez-vous volontiers sur une île déserte?

(Il rit) Si possible avec aucun.

Les manières d’un autre temps sont-elles monnaie courante dans la politique suisse?

Beaucoup, beaucoup... , des masses. Regardez simplement les dirigeants des partis et des fractions. Le modèle dominant est celui d’un homme blanc âgé doté d’une bonne situation et aux valeurs bourgeoises.

Le débat sur le sexisme inspiré par le mouvement «Metoo» a-t-il été un thème abordé au Palais fédéral?

Ce sujet a simplement été abordé parmi d’autres. La prise de conscience face au sexisme et au harcèlement sexuel au sein du Parlement actuel n’est malheureusement que trop peu considérée.

Les Conseillères nationales Lisa Mazzone (les Verts) et Mattea Meyer (PS) ont déclaré en janvier dans une «interview accordée au journal WOZ» que des incidents sexistes au Parlement survenaient toujours.

Je dois honnêtement avouer que j’ai été horrifié lorsque j’ai entrevu l’ampleur du problème. Au sein du groupe parlementaire, la question du «sexisme au Parlement» a immédiatement été traitée par le PS. Simultanément, on peut dire que le Parlement n’est d’ordinaire pas un lieu particulièrement néfaste, mais malheureusement, il véhicule l’image réelle d’une société sexiste.

Lisa Mazzone a clairement nommé les quatre Conseillers nationaux UDC Adrian Amstutz, Albert Rösti, Thomas Aebi et Toni Brunner, qui ont tenus des propos méprisants à son égard.

C’est exact, les réactions à l’encontre des jeunes femmes du Parlement sont considérablement sexualisées, et ce malheureusement encore au quotidien. La collaboration s’avère nettement meilleures lors des réunions des commissions fédérales, qui se déroulent dans un cadre presque formel.

Incroyable mais malheureusement vrai: le Parlement suisse constitue un bon exemple des humiliations auxquelles les femmes sont encore exposées au travail en raison de leur sexe uniquement.

Cédric Wermuth sur le sexisme: «Le Parlement n’est d’ordinaire pas un lieu particulièrement néfaste, mais malheureusement, il véhicule l’image réelle d’une société sexiste».
Cédric Wermuth sur le sexisme: «Le Parlement n’est d’ordinaire pas un lieu particulièrement néfaste, mais malheureusement, il véhicule l’image réelle d’une société sexiste».
Keystone

Quel changement doit intervenir pour que les femmes aient davantage d’influence au Parlement après les élections d’automne?

Les électeurs de la coalition rouge-verte doivent élire des femmes. La part de femmes au sein de la fraction PS s’élève actuellement à 60%. Les partis bourgeois doivent finalement également effectuer une part de leurs devoirs.

Avortement — oui ou non?

Si c’est un libre choix de chaque femme, alors oui.

Prostitution — oui ou non?

Il s’agit d’une des questions auxquelles il est extrêmement difficile de répondre. J’avoue que ma décision ne cesse de varier. Je n’arrive toujours pas à savoir quelle solution est la meilleure.

Libéralisation des drogues — oui ou non?

Oui.

Pour conclure, nous allons à nouveau revenir sur des demandes plus sympathiques mais pas moins audacieuses: voici quelques questions d’ordre psychologique pour Monsieur Wermuth.

Votre occupation lorsque vous êtes seul?

YouTube.

Quelle star internationale trouvez-vous désirable?

Érotiquement parlant ou simplement désirable?

C’est à vous de décider.

Je souhaiterais avoir la modestie de Roger Federer. Je voudrais aussi pouvoir être comme lui si j’étais aussi célèbre. Mais je crains de ne pas pouvoir le faire.

Votre idéal de beauté?

Je reste très dans la moyenne.

Avez-vous déjà pleuré à cause d’une femme?

Oui, à plusieurs reprises, mais heureusement cela fait déjà un bout de temps. La dernière fois probablement lors de la naissance de notre seconde fille.

Et au Palais fédéral?

Non.

Quel coin du canton d’Argovie me feriez-vous visiter si nous avions une demi-journée à disposition?

Je vous emmènerais certainement visiter la Maison des artistes et l’ancienne église paroissiale de Boswil près du lieu où j’ai grandi. Nous irions ensuite voir le tilleul de Linn puis le château d'eau dans les environs de Brugg.

Quelle partie de votre seconde patrie, l’Italie, est la plus belle?

Le lieu d’origine de ma grand-mère, dans le Trentin-Haut-Adige.

Et pour terminer, voici encore notre grand test de talent ...

... oh non.

Cher Cédric Wermuth, vous allez à présent évaluer votre talent en attribuant les points ainsi: de 0 point – aucun talent à 10 points – incroyable talent. Votre talent de social-démocrate?

Sept points. Je suis un pur social-démocrate convaincu, émotionnellement et intellectuellement. Je suis cependant souvent trop impatient à l’égard des institutions parlementaires.

Comme acteur?

Sept points aussi. Un politicien doit aussi être capable de garder son calme même s’il bouillonne de colère intérieurement. Les talents de comédien sont un avantage dans de telles situations. Réussir en tant qu’acteur sur scène? Je n’y crois pas.

Comme homme au foyer?

Je repasse mieux que ma femme, mais elle est plus douée pour le nettoyage. J’estime donc mon talent dans ce domaine à sept, non, à huit points.

En tant que Conseiller fédéral?

Zéro. Je suis heureux que d’autres personnes occupent cette fonction. Il est indispensable de connaître ses limites personnelles, les miennes seraient outrepassées comme Conseiller fédéral.

Auriez-vous envie un jour de ne rien dire durant toute une semaine?

Absolument, c’est pourquoi je me réjouis aussi du moment où ma vie ne fera plus partie de l’espace public et que d’autres priorités primeront.

Le journaliste de «Bluewin» Bruno Bötschi s'adonne régulièrement à ce jeu de questions-réponses avec des célébrités dans le cadre de sa chronique «Bötschi questionne». Il dispose d'une grande expérience en matière d'entretiens. Il écrit pour le magazine «Schweizer Familie» depuis de nombreuses années la série «Traumfänger» (l'attrape-rêve). Ainsi, il a demandé à plus de 200 personnalités quels étaient leurs rêves d'enfant. Le livre compilant tous ces entretiens a été publié par Applaus Verlag à Zurich. Il est disponible dans toutes les librairies.
Le journaliste de «Bluewin» Bruno Bötschi s'adonne régulièrement à ce jeu de questions-réponses avec des célébrités dans le cadre de sa chronique «Bötschi questionne». Il dispose d'une grande expérience en matière d'entretiens. Il écrit pour le magazine «Schweizer Familie» depuis de nombreuses années la série «Traumfänger» (l'attrape-rêve). Ainsi, il a demandé à plus de 200 personnalités quels étaient leurs rêves d'enfant. Le livre compilant tous ces entretiens a été publié par Applaus Verlag à Zurich. Il est disponible dans toutes les librairies.
zVg
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