«Lost Place» Le Grandhotel Waldlust, demeure effrayante

Marco Krefting, dpa

1.12.2020

Une serre abandonnée, une épave de voiture ou un ancien hôtel: le sud de l’Allemagne regorge d’endroits abandonnés. Les fans de «lost places» savent faire ressortir leur charme.

Un lit à baldaquin doré, une salle de bains aux carreaux roses dont le plafond s’effrite, des bougeoirs argentés brillants disposés sur les tables de la salle de réception – le charme du début du siècle dernier est encore visible. Mais les décennies qui se sont écoulées depuis lors se remarquent aussi.

Des décennies durant lesquelles le temps s’est arrêté au Grandhotel Waldlust à Freudenstadt, en Forêt-Noire. Et c’est justement pour cette raison que ses vieux murs connaissent un regain de popularité, en tant que «lost place» – lieu abandonné.

«Au Waldlust, on peut voir non seulement ce qui a été oublié, mais aussi les éléments architecturaux préservés», explique Herbert Türk de l’association Denkmalfreunde Waldlust. Depuis quelques années, il tente de redonner vie au vieil hôtel, par le biais de manifestations artistiques et culturelles, mais aussi à travers ceux qui apprécient à sa juste valeur ce cadre autrefois noble.

Moyennant une certaine somme pour contribuer à la préservation du bâtiment classé, les photographes amateurs peuvent visiter les lieux. Mais la villa est également proposée pour des projets sur commande. «Souvent pour des magazines vintage», précise Herbert Türk.

Dans une pièce de l’ancien Grandhotel Waldlust, classé parmi les «lost places», se trouve une table de massage.
Dans une pièce de l’ancien Grandhotel Waldlust, classé parmi les «lost places», se trouve une table de massage.
Uli Deck

Les vieux murs ont presque le même aspect qu’à l’époque où la noblesse européenne et les stars internationales du cinéma allaient et venaient. Afin de conserver cette impression, l’association rénove ici et là le strict nécessaire. «Nous prenons soin d’utiliser des peintures minérales, par exemple», explique Herbert Türk. «En 1900, il n’y avait pas de peinture à dispersion.»

Un lieu qui attire toutes sortes de visiteurs

Il y a quelques années, ce lieu spécial ainsi créé a séduit des cinéastes pour le tournage du film d’horreur «Bela Kiss: Prologue». «Cet endroit est ensuite devenu un lieu de tournage prisé, se souvient Herbert Türk. Depuis lors, le Waldlust n’est plus une adresse réservée aux initiés.» La ZDF a suivi avec le thriller «Und tot bist Du!» dont l’intrigue se déroule en Forêt-Noire , tandis que des groupes de musique sont venus tourner des clips et que des «chasseurs de fantômes» se sont mis en quête de vibrations paranormales, comme le rapporte le président de l’association.

D’innombrables amateurs de «lost places» ont également afflué. Avant la pandémie de coronavirus, des visites guidées accueillant une cinquantaine de personnes étaient organisées deux fois par semaine, indique Herbert Türk. Les lieux à l’abandon ont quelque chose de différent. Depuis que le Waldlust est étiqueté «lost place», il figure en troisième position sur une liste non officielle de sites allemands depuis le début de l’année, affirme Herbert Türk. C’est pourquoi un tri est mis en place: «Nous veillons à ne pas arriver à une tendance trop inflationniste.»



Les lieux autrefois très fréquentés à travers le monde qui sont désormais délabrés, recouverts de poussière et abandonnés attirent avant tout les photographes et les youtubeurs. Benjamin Seyfang en fait partie. Originaire de Metzingen, il immortalise des «lost places» depuis plusieurs années et a déjà publié un livre de photographies présentant des clichés pris dans le sud-ouest de l’Allemagne, notamment une épave de voiture tapissée de mousse, des voûtes de cave ou encore une pièce dans laquelle une canne est posée contre le mur.

L’ex-RDA compte davantage de lieux abandonnés que sa région d’origine, concède-t-il. «Mais il n’y a pas autant de monde qui vient dans le Bade-Wurtemberg.» C’est pourquoi les lieux ne sont pas autant pris d’assaut que dans la Ruhr, par exemple, explique-t-il. La recherche de «lost places» implique également un travail d’enquête au sujet de leur localisation. Sur les forums tels que le groupe Facebook géré par Benjamin Seyfang, qui compte plus de 4000 membres, des photos de visites sont assidument publiées, mais généralement, aucune répose n’est donnée à ceux qui demandent des adresses.

Secrets et intrusions

Benjamin Seyfang possède même sur son ordinateur des photos que personne n’a jamais vues auparavant, en partie parce qu’il aime étudier tout d’abord le contexte des lieux. «Il y a aussi des photos que je n’ai pas publiées pour protéger les sites.» Le photographe voit d’un œil pragmatique le fait que d’autres lieux tels que l’hôtel Waldlust soient pour ainsi dire vendus sous l’étiquette de «lost places». «C’est comme les grottes touristiques qui sont délibérément sacrifiées et rendues accessibles à des foules entières. C’est pour cela que d’autres lieux restent secrets.»

On trouve toutefois de nombreuses photos sur Internet. Et avec un peu de patience, il est possible de savoir où aller. On peut ainsi localiser des hôpitaux et des piscines à l’abandon, où tout a été laissé en plan. Ou encore d’autres hôtels historiques le long de la Schwarzwaldhochstraße. «Je ne pense pas être à court d’endroits», assure Benjamin Seyfang. En ce moment, il s’intéresse à un cimetière de voitures qui se trouverait quelque part en Forêt-Noire.

Les accidents qui se produisent entre des murs en décomposition et les intrusions sont des questions qui reviennent fréquemment à propos des «lost places». Se faufiler à travers une clôture ou escalader un mur fait partie de leur charme, avoue Benjamin Seyfang, qui souligne qu’il est important de ne rien casser. C’est également la règle la plus importante de son livre: «N’emporte rien d’autre que tes photos et ne laisse rien d’autre que tes empreintes.»



Herbert Türk affirme ne pas avoir rencontré de problèmes majeurs au Waldlust, même si de temps à autre, une fenêtre se brise. «Ça fait mal. D’autant plus que certaines ne peuvent plus être remplacées par des modèles originaux.» Cependant, les chasseurs de «lost places» font généralement très attention à ne rien détruire, affirme-t-il. Même ceux qui entrent par effraction éprouvent généralement «un profond respect pour l’endroit». Et même si la pandémie freine actuellement l’afflux et les projets de développement de l’offre culturelle de l’hôtel, Herbert Türk y voit du positif: «Cela permet au Waldlust de rester un "lost place" pendant une année de plus.»

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