Le verrou suisse est bien de retour au Qatar. Sur le terrain avec une équipe dont la grande force réside dans son organisation défensive, et dans les coulisses également avec une communication cadenassée à double tour avant la rencontre capitale de vendredi contre la Serbie.
Le capitaine Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri, les deux buteurs du succès 2-1 de Kaliningrad lors de la Coupe du monde 2018, ne s'exprimeront pas avant les retrouvailles contre la Serbie. A J-2, le département de communication de l'Association Suisse de Football (ASF) a désigné Djibril Sow pour le point presse quotidien. Jeudi lors de la conférence de presse d'avant-match organisée sous l'égide de la FIFA, c'est Yann Sommer qui sera au côté de Murat Yakin.
L'ASF précise, par ailleurs, que Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri ne traverseront pas la zone mixte après la rencontre. Elle est prête à assumer les conséquences financières d'une telle décision puisque «retenir» ainsi deux joueurs juste après le coup de sifflet final s'inscrit contre le règlement de la FIFA.
«Nous ne voulons parler que de football»
«Nous ne voulons parler que de football», martèle depuis des jours Pierluigi Tami. Le directeur des équipes nationales précise que l'ASF et la Fédération serbe se sont rencontrées ce printemps au plus haut niveau pour prôner l'apaisement avant cette rencontre. «Le volet politique qui peut exister autour de ce match ne nous intéresse pas, poursuit le Tessinois. Pour nous, il ne s'agit que de sport.»
Pierluigi Tami et l'ASF ne peuvent pas tenir un autre discours, aussi lénifiant soit-il, sous peine de remettre des braises sur un feu qui ne s'est jamais éteint. Le 22 juin 2018, Granit Xhaka, avec cette frappe splendide de la 52e minute qui avait répondu à l'ouverture du score d'Alksandar Mitrovic, et Xherdan Shaqiri, avec ce rush fantastique dans le temps additionnel, n'avaient pas seulement donné une victoire sans prix à leurs couleurs.
Les deux hommes avaient, surtout, humilié les Serbes en leur rappelant quelles étaient leurs racines. Ils avaient, ainsi, mimé l'aigle albanais lors la célébration de leur but pour s'exposer à la fois aux foudres d'un adversaire qui n'a jamais admis l'indépendance du Kosovo et à des sanctions de la FIFA.
L'aveu de Granit Xhaka
Des mois plus tard, Granit Xhaka devait avouer que cette soirée de Kaliningrad l'avait littéralement vidé. «Ce match nous a coûté beaucoup trop de forces», reconnaissait-il.
Pour Xherdan Shaqiri et lui, c'est comme si la Coupe du monde s'était achevée ce 22 juin sur le coup des 23h00. Victimes d'insultes nourries pendant des jours sur les réseaux sociaux, ils furent, en effet, tous les deux bien transparents tant face au Costa Rica (2-2) lors du dernier match de poules à Nijni Novgorod que lors du huitième de finale (0-1) face à la Suède à St-Pétersbourg.
«J'ai 30 ans aujourd'hui. Je suis devenu quelqu'un de plus calme», indique Granit Xhaka. Cette sagesse qui vient avec l'âge l'aidera sans doute à aborder la rencontre de vendredi avec la hauteur nécessaire. Il sait toutefois que le «blackout» total décrété par l'ASF ne les mettra pas, Xherdan Shaqiri et lui, à l'abri des provocations adverses.
La première est venue jeudi dernier avec la divulgation de la photo d'un drapeau serbe intégrant le Kosovo posé dans le vestiaire de l'équipe de Serbie avant son match contre le Brésil. Une sorte de mise en bouche qui annonce, peut-on craindre, le pire.