L'analyse de Delétraz
Sport automobile: une année 2018 riche en émotions 

ATS

13.12.2018

Le millésime 2018 du sport automobile s'est avéré riche en grands crus. De Lewis Hamilton titré pour la cinquième fois en formule 1 à Sébastien Buemi enfin vainqueur des 24 Heures du Mans, sans oublier une course de formule E à Zurich, les passionnés se sont régalés.

Pour évoquer ces divers événements, ainsi que d'autres, rien ne vaut le regard d'un spécialiste. En l'occurrence, celui du Genevois Louis Delétraz, pilote de formule 2 qui a conduit pour la première fois une formule 1 le mois dernier à Abou Dhabi.

Pilote de formule 2, Louis Delétraz a conduit pour la première fois une F1 le mois dernier à Abou Dhabi.
Pilote de formule 2, Louis Delétraz a conduit pour la première fois une F1 le mois dernier à Abou Dhabi.
Keystone

Louis, la saison de F1 a été marquée par le duel entre Hamilton et Vettel. Qu'est-ce qui a fait la différence en faveur du pilote anglais ?

"Hamilton s'est montré extrêmement fort. Mercedes n'avait pas vraiment la meilleure voiture, car Ferrari évoluait au moins au même niveau, voire un peu mieux. Mais Lewis a connu une saison incroyable. En 21 courses, je n'ai pas le souvenir d'une erreur de sa part. Il a pris les points quand il le fallait, même en partant de loin."

Et votre avis sur Vettel ?

"Sebastian et Ferrari ont commis beaucoup d’erreurs, souvent dues à la pression mise par Hamilton et Mercedes. Le tournant s'est produit en Allemagne, quand Vettel est sorti alors qu'il menait. Il a ainsi lâché 32 points, les 25 de la victoire et les 7 inscrits en plus par Hamilton. Mentalement, il a pris un gros coup. Une telle faute, commise à la maison, cela a été dur à encaisser. Mais j'estime aussi que les médias ont été trop sévères avec lui. On a tendance à oublier que c'est un quadruple champion du monde, une légende de notre sport."

La révélation de la saison, c'est Charles Leclerc ?

"Clairement. Ce qu'il a réussi avec Sauber est incroyable. Leur voiture était meilleure que celle des saisons précédentes, grâce au boost amené par la collaboration avec Alfa Romeo et Ferrari. Mais cela n'enlève rien à ses mérites. Je suis certain qu'il va mettre la pression sur Vettel l'an prochain."

Au volant d'une F1

Comment avez-vous abordé votre premier contact en piste avec une F1 lors des tests Pirelli de fin de saison ?

"Je me suis préparé à fond, tant physiquement que techniquement. Plusieurs pilotes m'ont dit qu'il s'agissait de la chance d'une vie, et je ne voulais pas la rater. Sur le plan physique, une F1 demande beaucoup plus qu’une F2 au niveau cardio, ainsi que pour la nuque et les abdominaux. Par contre, les bras souffrent moins, grâce à la direction assistée. Il n'y en a pas en F2, où le volant est bien plus lourd. Il a aussi fallu beaucoup travailler avant pour comprendre la voiture, et notamment le volant et sa multitude de touches. Il y a environ 350 choix différents sur le volant pour régler divers éléments ! J'ai donc dû me plonger dans le vaste manuel d'utilisation lors des semaines qui ont précédé le test."

Quels ont été les retours du team au terme de la journée ?

"Très bons, ils ont été contents de mon travail et du feedback que j'ai pu apporter. Physiquement, j'ai aussi très bien tenu le coup. Je suis resté huit heures dans la voiture et j'ai effectué 117 tours du circuit, avec différents types de pneus. Tout a donc été positif, et j'espère que cette expérience ne restera pas sans suite. Je vise une place de troisième pilote. Je travaille déjà aussi pour Haas sur le simulateur. Et, point important, je dispose désormais de la super licence."

Succès mérité pour Buemi

Changeons de discipline. Que vous inspire la victoire de Sébastien Buemi aux 24 Heures du Mans ?

"Il l’attendait depuis longtemps, surtout après la déception subie en 2016, et mérite ce succès. Je suis très content pour Seb, qui est un ami. J'admire son parcours : il a gagné dans beaucoup de catégories différentes, sauf en F1 où il n'avait pas le matériel adéquat. Mais quoiqu’il touche, ça va toujours très vite."

Le Mans et l'endurance, est-ce quelque chose qui serait susceptible de vous intéresser à l'avenir ?

"Je rêve des 24 Heures depuis longtemps ! J'ai grandi avec cette course quand mon père était au départ. Je vais sans doute y participer un jour, mais pas tout de suite. Actuellement, le seul petit regret, c'est que les victoires se jouent presque uniquement entre les deux Toyota. J'espère que le nouveau règlement, qui entrera en vigueur en 2021 et rapprochera les bolides des voitures de série, ramènera de grands constructeurs en WEC."

Un bon show

L'année a aussi été marquée par la course de formule E à Zurich. Quel est votre avis sur ce championnat ?

"Leur concept est différent. Cela dynamise le sport automobile d'une autre façon. Le show proposé est bon, mais ce n'est absolument pas comparable à la F1 en ce qui concerne les performances. Et je ne suis pas persuadé que le tout électrique soit l'avenir unique de l'automobile."

Avez-vous déjà eu l'occasion de prendre le volant d'une formule E ?

"Non, mais j'ai fait du simulateur pour Venturi. L'évolution de la technologie depuis quatre ans m'impressionne. Maintenant, avec la nouvelle voiture Gen2 qui permettra de faire une course sans changer de monoplace au milieu, les performances ne seront pas forcément bien meilleures. Seb m'a dit que la nouvelle batterie était beaucoup plus lourde. Les pilotes devront donc économiser de l'énergie et ne pourront pas rouler tout le temps à fond."

Voir une course automobile en Suisse après une telle attente, cela vous a-t-il réjoui ?

"Oui, cela constitue quand même un grand pas en avant. Mais la loi interdit toujours les courses en circuit. Pourtant, courir avec des voitures électriques n'est pas moins dangereux qu'avec des véhicules à essence. J'espère que cette première ouvrira les mentalités. L'idéal serait évidemment d'avoir un circuit permanent en Suisse."

Crash impressionnant

L'une des images de l’année a sans nul doute été l'incroyable vol plané de Sophia Flörsch en formule 3 à Macao. Qu'en avez-vous pensé ?

"J’ai été très impressionné quand j'ai reçu la vidéo sur What's App. Ce n'était pas drôle à voir. Vu le crash, j'ai pensé que c'était fini pour elle. C'est hallucinant de constater qu'elle s'en est heureusement sortie sans trop de casse. Cela démontre aussi que les voitures sont solides grâce aux coques en carbone. Il faut aussi rendre hommage à la FIA, qui a fait un très bon job en ce qui concerne la sécurité. Après, on sait aussi que le circuit de Macao est dangereux. Même si le tracé se situe en ville, cela va plus vite qu'à Monaco par exemple."

Sur un plan personnel, quel bilan tirez-vous de votre saison en formule 2, achevée au 10e rang du championnat ?

"L'objectif de gagner une course n’a pas été réalisé. La saison a alterné entre hauts et bas. J'ai connu une bonne période en été, avec deux podiums à Monaco et au Castellet. Mais on a lâché beaucoup de points suite à des problèmes techniques ou des erreurs de notre part. Mais le dernier week-end s'est avéré positif, puisque j'ai terminé deux fois sixième. Et ensuite, après le test F1, j'ai enchaîné avec trois jours de tests F2 au terme desquels j'ai signé le meilleur temps. C'était une bonne façon de finir l'année."

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