Après presque deux années loin du nord de Londres, Tottenham va prendre possession de son nouveau stade mercredi contre Crystal Palace, avec l'idée de relancer sa saison et de passer à la vitesse supérieure. Un doux rêve?
Avec 62'062 places, la nouvelle enceinte est la deuxième plus grande d'Angleterre pour un club, derrière Old Trafford (près de 75'000), mais, très important dans ce coin de Londres, devant l'Emirates Stadium du rival Arsenal (60'260). Après plusieurs mois de retard et des dépenses imprévues, le nouveau White Hart Lane, pour l'instant appelé Tottenham Hotspur Stadium en attendant un contrat de naming, aura coûté environ un milliard de livres.
La nouvelle enceinte comprendra une boutique de 2000 mètres carrés (record européen) et un terrain rétractable aux normes NFL, pour accueillir au moins deux matches par saison de football américain sur les dix prochaines années. Il y aura aussi une micro brasserie et une tribune sud «Mur blanc» de 17'500 places dessinée pour ressembler au maximum au «Mur jaune» de Dortmund.
«Un gros risque»
«Ce stade est le meilleur du monde, nous pouvons le confirmer maintenant», s'est ébahi le manager Mauricio Pochettino. «Chaque élément est le meilleur que j'ai vu dans ma vie, on ne peut pas le comparer à quoi que ce soit d'autre. C'est un projet incroyable, ça va être fantastique pour l'avenir du club.»
Vraiment? Etant donné le coût du stade, l'avenir du club ne s'annonce pas si rose. Sur le modèle de son voisin Arsenal, obligé de vendre ses meilleurs joueurs pendant une dizaine d'années pour financer son Emirates Stadium, Tottenham va sans doute devoir se serrer la ceinture sportivement pour rembourser son bijou.
«Il est fort probable que nous soyons confrontés à une situation de type Arsenal, dans laquelle les coûts de remboursement du stade seront la priorité dans leurs décisions financières», analyse Rob Wilson, économiste du sport à l'université de Sheffield Hallam, interrogé par l'AFP.
Investissement gigantesque
«C'est un investissement gigantesque, le plus gros réalisé par un club de Premier League», insiste Tom Cannon, professeur à l'université de Liverpool. «Manchester United a un gros stade, mais il a été construit (et amélioré) à travers les années. Manchester City a aussi eu accès à des fonds publics. Le vrai comparateur est l'Emirates Stadium, mais c'était alors un bien plus petit investissement. La vérité, c'est que c'est un gros risque pour Tottenham.»
Les clubs se financent selon trois leviers: les recettes aux guichets, les droits TV et le merchandising. Les recettes de billetterie vont augmenter, «mais pas assez» pour faire progresser le club financièrement, détaille le Pr Cannon. Quant à la renommée mondiale et ses produits dérivés, «le stade n'a aucune influence là-dessus et les Spurs sont les moins visibles et connus à l'international», insiste-t-il.
Pire pour les droits TV: ils dépendent des performances sportives. «En Angleterre, il y a un Big Six, donc les Spurs doivent investir (dans leur effectif) pour se qualifier pour la Ligue des champions», explique-t-il. «Il faut être en Ligue des champions pour se permettre de financer ce stade.»
Recrutement limité
Conséquence, les Londoniens «vont être fortement limités dans leurs dépenses»: «Je ne les vois pas suivre une stratégie différente de celle d'Arsenal», insiste-t-il. A vrai dire, les Spurs ont déjà en partie pris la même voie: ils n'ont pas recruté l'été dernier, ni cet hiver, une première dans l'histoire de la Premier League.
«Il va donc falloir sortir un lapin de son chapeau financier», estime le Pr Cannon. «La solution pourrait être l'arrivée d'un investisseur de type Abramovitch ou de type arabe. Le stade a été conçu pour attirer des investisseurs richissimes. Ce genre d'investisseurs veut dépenser dans du glamour, pas dans des briques et du mortier. Cela pourrait être la solution miracle: un investisseur du Moyen-Orient, de Russie ou d'Asie.»
En attendant un éventuel acquéreur pour succéder aux actuels propriétaires britanniques, Tottenham n'aura pas le luxe de prendre son temps pour s'installer dans son nouveau stade. Incapables de gagner depuis le 10 février, les Spurs ont besoin de points dans la course à la C1. Maintenant plus que jamais.