F91 Dudelange – Qarabag, ou quand un match de football anodin vire à l'incident diplomatique: jeudi à Luxembourg, un drone arborant un drapeau de la région séparatiste du Haut-Karabakh a fait complètement dérailler le match de Ligue Europa.
30e minute de jeu. Alors que les Luxembourgeois, menés 2 à 0, voient les trois points s'envoler, c'est précisément vers le ciel que les yeux se lèvent dans le stade Josy-Barthel.
L'objet de toutes les attentions? Un drone téléguidé depuis le toit du club de tennis voisin, selon le journal L'Essentiel, qui porte un drapeau de la région séparatiste du Haut-Karabakh, rattachée à l'Azerbaïdjan mais à majorité arménienne.
Initialement basé à Agdam, une ville située dans ladite région mais désertée depuis le conflit sanglant des années 1990 entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, le club de Qarabag joue depuis à Bakou.
L'arbitre interrompt la rencontre rapidement après l'apparition de l'engin et somme les équipes de retourner aux vestiaires.
Mais les Azéris, piqués au vif par la provocation, se saisissent du ballon et improvisent une séance de tir au drone, sans parvenir à abattre l'engin.
Les supporters de Qarabag envahissent alors le terrain, tandis que le pilote du drone continue à les narguer en faisant descendre l'engin de quelques mètres, avant de le faire brusquement remonter.
Dans les tribunes, commencent à fuser des «N'importe quoi!» dépités.
Excuses officielles
Présent au match, le ministre luxembourgeois des Sports Dan Kersch se saisit du micro du speaker et présente ses excuses pour cette «provocation politique».
«C'est à titre spontané qu'il (le ministre Dan Kersch) a pris l'initiative de s'excuser pour l'incident», a précisé vendredi auprès de l'AFP un membre de son cabinet.
«Il a essayé d'apaiser la réaction des joueurs de l'équipe adverse pour ne pas hypothéquer la venue de Dudelange là-bas (à Qarabag) pour le match retour (12 octobre) et de permettre au match de reprendre», a ajouté cet officiel.
Mais pendant le match, sur le compte Twitter anglophone de Qarabag, le club publie une vidéo d'une cavalière brandissant un drapeau azéri, accompagnée d'une légende univoque: «Le #Karabakh est une des anciennes régions historiques de l'Azerbaïdjan!!!«.
Une vingtaine de minutes plus tard, sur le même réseau social, Dudelange tente d'apaiser les esprits.
«Nous nous excusons auprès de nos invités d'Azerbaïdjan. Nous n'avons rien à voir avec cette provocation. Nous allons tirer ça au clair», indique le F91.
Une enquête ouverte
Le drone s'éloigne finalement, et le match reprend après une trentaine de minutes d'interruption. Dudelange s'incline finalement 1-4.
Sur les réseaux sociaux, des premières rumeurs font état d'une action commanditée par des nationalistes arméniens.
Une piste qui se confirme peu avant minuit, quand un groupe revendique les faits sur sa page Facebook.
«Cette action a été menée par nos jeunes de Belgique», écrit le First Armenian Front, selon la retranscription effectuée par le journal Luxemburger Wort. Sur la photo qui accompagne la publication, quatre hommes posent avec un drone et un drapeau de la région séparatiste.
«Avec cette campagne, nous avons voulu montrer au plus grand nombre de personnes que Qarabag n'appartient pas à l'Azerbaïdjan», poursuit le FAF sur le réseau social.
Une enquête a été ouverte par la police luxembourgeoise.
Et l'UEFA ?
Vendredi midi, les auteurs des faits n'avaient «pas encore été interpellés», ont affirmé les forces de l'ordre à l'AFP.
L'affaire a été abondamment commentée dans les médias du Grand-Duché.
«Au coup d'envoi, le F91 avait statistiquement 91% de chances de rejoindre les seizièmes (de finale de la Ligue Europa, ndlr)... au coup de sifflet final, on s'en fout», estime Le Quotidien.
«Le sport était secondaire ce soir», renchérit le Luxemburger Wort.
Les regards se tournent désormais vers l'UEFA, qui devrait ouvrir une enquête sur cet incident.