14 mars 1978: le jour où le signe indien fut enfin brisé pour les clubs suisses. Pour la première fois, une formation de LNA parvenait, en effet, à éliminer une équipe de Bundesliga dans une compétition européenne.
Dans un Hardturm en folie avec une affluence record de 30'000 spectateurs qui ne sera plus jamais approchée, les Grasshoppers se sont imposés 1-0 devant l'Eintracht Francfort en quart de finale de la Coupe de l'UEFA après s'être inclinés 3-2 à l'aller. Cette qualification avait une saveur très particulière dans la mesure où les Allemands avaient éliminé le... FC Zurich au deuxième tour grâce à leurs succès 4-3 et 3-0.
Avec un seul étranger, le libéro allemand Jonny Hey, mais avec des joueurs suisses qui devaient réaliser de très belles carrières à l'image de Roger Berbig, de Roger Wehrli, de Raimondo Ponte, de Heinz Herrmann, du Rudolf Elsener et de Claudio Sulser, les Grasshoppers ont livré un combat homérique. Après l'ouverture du score de Ponte à la 33e minute sur un penalty provoqué par Elsener, ils ont subi un ascendant total. Le corner score – 11-2 – traduit bien la domination de l'Eintracht.
Un gardien en état de grâce
Seulement, les Allemands, qui étaient emmenés par ses deux champions du monde Bernd Hölzenbein et Jürgen Grabowski, sont tombés sur un gardien en état de grâce. Successeur du légendaire René Deck après avoir livré et gagné un duel fratricide avec Hans Stemmer qui partait pratiquement sur la même ligne que lui, Roger Berbig devrait disputer ce soir-là le match de sa vie. Il réussissait notamment un arrêt incroyable à la 87e minute qui devait susciter l'enthousiasme de Walter Lutz, alors le journaliste alémanique le plus influent. «Roger Berbig a réussi quelque chose d'invraisemblable sur une reprise de la tête qui était tout simplement inarrêtable», écrivait-il ainsi dans les colonnes du «Sport».
Après un tel exploit, les Grasshoppers pouvaient aborder la demi-finale contre Bastia sans nourrir le moindre complexe. Ils battaient les Corses 3-2 au match aller avant malheureusement de trébucher au match retour dans l'enfer de Furiani. Sur une pelouse à la limite du praticable et dans une ambiance torride, les Zurichois cédaient sur une frappe croisée imparable du stratège Claude Papi. Le rêve était passé en ce 12 avril. La finale, que devait remporter le PSV Eindhoven, se fera sans eux.
«Je n'oublierai jamais ce match en Corse, se souvient Roger Berbig. On voyait des gens tirer des coups de feu depuis les tribunes. J'ai senti le souffle du public derrière mes buts. Les gens étaient à moins d'un mètre de moi. C'était une atmosphère de guerre. On sentait toute une île derrière cette équipe. Nous avions tous peur. Se qualifier lors de ce match retour était tout simplement impossible !»