Les finances de l'ASF sont amorties pour quelques mois. Mais son président Dominique Blanc explique que le retour du football est indispensable avant l'année prochaine.
Dominique Blanc enchaîne les dossiers urgents. Après avoir entériné l'annulation de la saison du football amateur la semaine passée, le président de l'Association suisse de football (ASF) doit s'atteler à pérenniser les structures du football national. Celles-ci peuvent survivre à quelques mois sans matchs, explique-t-il par téléphone à Keystone-ATS.
Jeudi dernier, l'ASF a décidé d'annuler la saison de football amateur. Comment cette décision a-t-elle été mûrie?
«Elle a été impulsée par les treize associations régionales, qui sont très proches des clubs. Elles ont pris la température au sein de leurs régions et ont proposé au Comité central d'annuler la saison. Cela a été adopté. L'immense majorité des clubs ne voulait plus jouer. Il faut dire qu'il n'y avait plus de place pour le faire pour le football amateur, ce n'était plus possible. Et ce indépendamment des risques sanitaires. Nous avons attendu les annonces du Conseil fédéral pour entériner cette décision, qui avait alors plus de poids.»
Pourquoi avoir choisi une annulation de saison, sans montée, ni descente? Un club comme Yverdon-Sport, premier de Promotion League, est directement pénalisé.
«Car cela est conforme au règlement. Une compétition doit aller à son terme pour être validée. Et il faut noter qu'excepté en Promotion League, on avait joué au maximum la moitié de la saison dans toutes les divisions. Comment peut-on prédire comment se seraient terminé les championnats? Il y a de toute façon des déçus, comme Yverdon, et nous respectons cette amertume. Mais si on commence à faire des exceptions, il n'y a plus de règles. Il faut garder l'esprit du sport, et cela fait partie de son incertitude.»
A-t-on une idée de la date de reprise de la prochaine saison?
«Nous n'en avons aucune idée pour l'instant. Les incertitudes sur l'évolution de la pandémie de coronavirus restent très grandes. Nous sommes en contact étroit avec l'Office fédéral du sport. Il y a actuellement trois scenarios possibles: nous ne jouons pas du tout la saison prochaine, nous reprenons cet automne ou nous reprenons au printemps prochain. Nous nous préparons pour ces trois scenarios.»
La Coupe de Suisse va-t-elle aller à son terme, sachant que Bavois (Promotion League) est encore en lice mais ne peut poursuivre son championnat?
«On ne peut pas le dire à ce stade. Elle pourrait se jouer, mais il n'y a aucune certitude. Nous planchons sur différents scenarios. L'ASF se doit de respecter l'équité sportive. On ne peut pas imaginer qu'une équipe professionnelle affronte une équipe d'un autre niveau, alors que celle-ci ne joue plus.»
Pourrait-elle donc se poursuivre sur la saison prochaine?
«C'est un des scenarios imaginés, oui. Mais nous n'avons pas encore pris de décision.»
Comment se portent les finances de l'ASF au regard de la crise que nous traversons?
«Pour l'instant, les finances de l'ASF tiennent le choc. Si on ne joue plus et nous n'enregistrons pas de recettes jusqu'à la fin de l'année, nous pourrons nous retourner. En revanche, nous sommes en train d'évaluer le pire cas possible, qui consisterait à ce que l'interruption se poursuive encore un an, jusqu'à juin 2021. Dans ce cas-là, on demandera d'autres mesures. Car la plus grande partie de nos recettes proviennent du sponsoring et des grandes compétitions internationales. Nos sponsors principaux attendent une contre-prestation qu'il n'est pas possible de leur fournir. Dans le pire des cas, nos recettes pourraient baisser de moitié et il s'agirait alors de prendre des mesures drastiques pour sauver le football suisse. Il faudrait chercher des ressources pour maintenir les structures en place, car tout ce qui a trait au département technique et à la formation ne peut pas être mis en danger. Cela impacterait tout le football suisse, de la base jusqu'au sommet.»
Le football de base serait-il durement touché?
«Les clubs amateurs locaux ont certains soucis financiers, mais ils sont a priori moins menacés. Les associations régionales, elles, ont une santé financière acceptable mais sans football, il faudra les soutenir incontestablement, pour ne pas les laisser se déstructurer. Le football professionnel, lui, devra être sauvé si on ne joue pas, car les moyens qu'il investit touche tout le football.»
Heinrich Schifferle, président de la SFL, dit que tout le football suisse a besoin de 200 à 250 millions de francs. Qu'est-ce que ce chiffre signifie réellement?
«C'est le «worst case» absolu. Il dépend aussi du moment à partir duquel on pourra reprendre avec des spectateurs dans les stades. Mais sur cette somme, environ 85% concernent uniquement le secteur professionnel. Cela dit, il convient de noter qu'il ne s'agit pas de demander à l'Etat de garantir des revenus de joueurs aux salaires exorbitants. Il ne s'agit pas de gaspiller les deniers publics.»
Quelles sont les options qui se présentent pour couvrir ces pertes?
«L'argent, on le trouvera. Pour le football professionnel, l'idée n'est pas d'investir à fonds perdus. Plutôt, il s'agira de contracter un prêt remboursable. Mais nous avons besoin de l'aide des institutions pour garantir ce prêt.»
Quelle est la position de l'ASF quant à une éventuelle reprise du football professionnel?
«La décision de la SFL sera respectée par l'ASF. A savoir qu'une reprise est indispensable, si elle est possible sanitairement.»