Adieu le jeu de possession prôné avec succès par Vladimir Petkovic, bienvenue dans la verticalité de Murat Yakin! Au soir du parcours contrasté de l'équipe de Suisse en Ligue des Nations avec trois défaites pour commencer et trois victoires pour conclure, le constat est bien là: la Suisse a changé de style.
Cette «révolution» est incarnée par Breel Embolo. Désormais incontournable avant-centre de l'équipe, le Bâlois sonne la charge avec sa puissance presque phénoménale. Pour l'exploiter pleinement, Murat Yakin demande à ses joueurs d'allonger beaucoup plus le jeu. «Je connais très bien Breel. Il a débuté avec moi à Bâle, rappelle Murat Yakin. J'avoue que le voir aujourd'hui comme un véritable no 9 me surprend quelque peu. Il avait commencé en 8, puis en 10. Il a joué aussi sur les côtés. Mais le débat est clos. Breel est notre avant-centre.»
Et Haris Seferovic désormais condamné à chauffer le banc! Le Lucernois est le grand perdant de ce rassemblement de septembre alors qu'il avait été le match-winner contre le Portugal à Genève le 12 juin dernier avec son but de la tête d'entrée de jeu. Une preuve de plus que tout peut aller très vite dans le football...
Murat Yakin estime aujourd'hui que le Lucernois, en mal de temps de jeu avec Galatasaray, n'a plus le coffre pour interpréter comme il l'entend ce rôle d'attaquant de pointe. Son registre n'est d'ailleurs pas le même que celui d'Embolo. Mais pour ne pas le «perdre» avant la Coupe du monde, le sélectionneur se rendra prochainement à Istanbul pour lui expliquer ce qu'il attend désormais de lui: une sorte de «super-sub» comme sans doute Olivier Giroud avec l'équipe de France.
Deux doutes encore à lever
D'ici le 24 novembre et la rencontre contre le Cameroun, que la Suisse devra impérativement remporter pour avoir une chance de devancer la Serbie dans un duel qui s'annonce impitoyable pour la deuxième place du groupe derrière l'intouchable Brésil, Murat Yakin devra encore lever deux doutes. Noah Okafor, absent contre l'Espagne et la République tchèque, conserve-t-il toujours une longueur d'avance sur Ruben Vargas qui l'a fort bien remplacé tant à Saragosse et à Saint-Gall? Et peut-il raisonnablement se priver au coup d'envoi de Denis Zakaria si le Genevois s'affirme ces prochaines semaines à Chelsea?
Sinon, tout roule pour cette équipe de Suisse qui a eu la chance de pouvoir compter lors de ses trois derniers matches sur des gardiens d'exception. A Genève, Jonas Omlin avait dégoûté les attaquants portugais. A Saragosse et à Saint-Gall, Yann Sommer a repris la main pour signer deux performances exceptionnelles. En Espagne, il a réussi un arrêt prodigieux dans le temps additionnel sur une frappe de Soler. A Saint-Gall, il a détourné un penalty de Tomas Soucek qui avait été pourtant bien frappé. «Une grande équipe a besoin d'un grand gardien», sourit Murat Yakin.
Une statistique presque affolante
Aujourd'hui, Yann Sommer présente une statistique presque affolante: il n'a pas été battu sur les cinq derniers penalties tirés contre lui dans le jeu en équipe de Suisse. Après les deux ratés de Sergio Ramos en 2020 et de Jorginho en 2021, Tomas Soucek a pu mesurer toute la difficulté de tromper le portier de Gladbach, dont le refus à l'ultime seconde de s'engager cet été à Nice a littéralement déchiré le coeur de Lucien Favre.
«Yann sortait d'une saison 2021/2022 difficile avec Gladbach, glisse Murat Yakin. Là, il est à nouveau en confiance et cette confiance, elle grandit de match en match.» Le sélectionneur aurait sans doute rêvé d'évoluer en équipe de Suisse avec un tel gardien. «J'ai eu la chance de jouer devant Jörg Stiel et Pascal Zuberbühler qui avaient une très grande personnalité», se souvient-il toutefois.
Mais il a l'élégance de ne pas relever que Yann Sommer n'évolue pas vraiment dans le même monde que ses deux prédécesseurs, capables souvent du meilleur mais parfois du pire. Le sélectionneur nourrit de plus en plus l'intime conviction qu'un tel gardien, si la réussite lui sourit toujours comme à Saint-Gall avec deux frappes tchèques sur ses montants, peut vous hisser sur le toit du monde.