A 71 ans, sa parole est toujours attendue. Ottmar Hitzfeld, l'un des cinq entraîneurs à avoir enlevé la Ligue des Champions avec deux clubs, évoque pour Keystone-ATS la reprise de la Bundesliga.
Et aussi les conséquences de la pandémie de COVID-19 sur un sport qui, dit-il, a versé dans bien des excès. Pour l'ancien sélectionneur de l'équipe de Suisse, le football ne sera plus le même que celui du monde d'avant.
Ottmar Hitzfeld, que vous inspire la reprise de la Bundesliga samedi?
«Comme sportif, j'ai accueilli cette nouvelle avec une immense joie. Rien ne s'opposait à cette reprise si les joueurs et les clubs suivaient scrupuleusement les mesures de protection édictées par les instances sanitaires. Il ne faut pas oublier que 55'000 personnes en Allemagne vivent du football. Bien des places de travail seraient en danger si la Bundesliga et la 2e Bundesliga ne reprenaient pas. Des clubs auraient connu la faillite si la saison avait été arrêtée. Et pour la population, cette reprise du football a valeur de symbole dans les temps difficiles que nous connaissons. Je la vois un peu comme une éclaircie qui va faire du bien à tout le monde.»
Cette reprise se fera toutefois à huis clos. Jouer dans un stade vide est-il si difficile?
«Les joueurs se nourrissent habituellement de la pression du public. Mais ils doivent désormais rechercher en eux cette adrénaline qui fait la différence. C'est un immense défi qui se présente pour eux. A l'entraîneur aussi de les aider à réaliser ce travail mental en multipliant les entretiens individuels.»
Quels effets ont et auront la pandémie du coronavirus sur le football?
«Toutes les personnes qui vivent du football doivent en quelque sorte se réinventer. Il faut trouver un nouveau modèle économique pour supporter le huis clos et pour anticiper la perte éventuelle de sponsors. Le football doit désormais retrouver le sens des réalités. Le temps des transferts insensés doit être révolu. Les joueurs ne doivent plus se cacher derrière des agents qui demandent l'impossible avant de signer un contrat. Mais je veux croire que cette crise va permettre à des acteurs raisonnables du football de s'imposer pour remettre de l'ordre dans la maison.»
L'heure n'est-il pas de se tourner pleinement vers la formation?
«Absolument. Il faut trouver des voies nouvelles et l'une d'entre elles commande de miser bien davantage sur la relève. Les clubs doivent mieux prospecter le marché intérieur. Je pense que de nombreuses équipes vont présenter un nouveau visage assez rapidement. Mais la question est de savoir si ce recours à la formation sera toujours de mise quand des temps meilleurs reviendront.»
Mais la situation traversée aujourd'hui par le football ne vous effraie-t-elle pas?
«Non, même si je suis soulagé d'être à la retraite depuis six ans. Aujourd'hui, le job de l'entraîneur est vraiment très complexe, très ardu, en raison du cahier des charges qui peut être le sien. Prenons la reprise de la Bundesliga: après une telle coupure, il y a fort à parier que de nombreux joueurs vont se blesser pour placer très vite les entraîneurs dans des situations impossibles. Pour revenir à mon cas personnel, mettre un terme à ma carrière en 2014 après la Coupe du monde au Brésil fut un choix judicieux. Je ne vis plus sous la pression des résultats. Je peux vraiment profiter du football comme un spectateur privilégié. Même si j'ai connu de très grands moments dans ma carrière, le fait de pouvoir aujourd’hui me promener tous les jours avec mon épouse l’esprit libre n'a pas de prix.»