A quelques heures des trois coups de la plus longue année de son histoire avec le tour préliminaire de la Coupe du monde 2022 et la phase finale de l'Euro, une interrogation, qui peut paraître gênante, se dessine autour de l'équipe de Suisse: Vladimir Petkovic et ses joueurs n'ont-ils pas les yeux plus grands que le ventre?
Incapable de gagner une seule des huit rencontres qu'elle a jouées en 2020, l'équipe de Suisse aborde l'échéance de jeudi en Bulgarie, déjà capitale dans le duel qu'elle entend livrer à l'Italie pour la qualification directe de la Coupe du monde 2022 au Qatar, avec ses belles certitudes: celles d'une formation capable d'imposer son jeu avec une possession basse et un contre-pressing parfois redoutable.
De Vladimir Petkovic à Denis Zakaria en passant par Haris Seferovic, le discours tenu depuis vendredi est le même. Il est sans cesse répété que cette équipe de Suisse ne doit redouter aucun adversaire.
Pas d'exploit XXL
La question est de savoir si ce discours est fondé. La simple lecture des résultats le fragilise. Avant de vivre une année 2020 «blanche» avec ses quatre défaites contre l'Ukraine, la Croatie, l'Espagne et la Belgique, Vladimir Petkovic et ses joueurs n'avaient pas été en mesure d'«écrire l'histoire» pour reprendre leurs propres termes.
En 2016, il y a eu à Saint-Etienne la défaite malheureuse aux tirs au but face à la Pologne en huitième de finale de l'Euro. Elle a précédé deux ans plus tard l'élimination au même stade à Saint-Pétersbourg lors de la Coupe du monde face à la Suède dans une rencontre que les Suisses avaient oublié de jouer. Entre ces deux phases finales, on ne doit pas occulter non plus la défaite à Lisbonne en 2017 face au Portugal dans la «finalissima» du groupe pour la Coupe du monde 2018 qui avait contraint la Suisse de disputer un barrage contre l'Irlande du Nord, victorieux, certes, mais au cours duquel elle n'avait pas témoigné de la maîtrise espérée.
Bien sûr, il y a eu la victoire contre un Portugal orphelin de Cristiano Ronaldo au Parc Saint-Jacques à Bâle en août 2016, celle contre la Serbie à Kaliningrad lors de la Coupe du monde et le soir de grâce de Haris Seferovic en novembre 2018 face à la Belgique à Lucerne. Mais les deux premières ont été gommées par l'échec de Saint-Pétersbourg dont on ne dira jamais assez combien il fut mortifiant et la troisième par la défaite 3-1 à Porto face au Portugal lors de la demi-finale de la Ligue des Nations.
Ce rappel conduit à un constat: la Suisse n'a pas réussi ces dernières années un exploit XXL, à l'image de celui de l'Islande en 2016 à l'Euro face à l'Angleterre ou celui de la Russie deux ans plus tard face à l'Espagne.
Pas de rôle majeur dans les grands championnats
Avec celle des résultats, une autre vérité donne du corps à l'interrogation initiale: il n'y a pas parmi les vingt-trois joueurs sélectionnés pour la rencontre de jeudi un homme qui tient un rôle majeur dans l'un des cinq grands championnats étrangers. Remo Freuler est peut-être celui qui a marqué le plus les esprits avec l'Atalanta avant que son expulsion en huitième de finale aller de la Ligue des Champions contre le Real Madrid jette un voile sur sa saison.
A Arsenal, Granit Xhaka est un titulaire indiscutable, mais son club n'est toujours pas capable de figurer parmi les quatre premiers. A Liverpool, Xherdan Shaqiri glisse de plus en plus vers le bout du banc. En Allemagne, Yann Sommer et Nico Elvedi, malgré quelques performances de choix, traversent une saison bien morose à Mönchengladbach. Celle de Manuel Akanji à Dortmund est sans doute plus joyeuse. Il serait cependant hasardeux de prétendre que le Zurichois crève l'écran tous les samedis.
S'il ne colle pas tout à fait à la réalité, ce discours conquérant a du bon. Jeudi face à la Bulgarie, Vladimir Petkovic et ses joueurs se lanceront dans la bataille avec l'intime conviction d'être les meilleurs. Face à une équipe en souffrance depuis des années, ils sauront déployer leur jeu pour entamer cette campagne du bon pied. Portés par leurs certitudes, par leur aplomb aussi, ils se refuseront d'être aussi minimalistes que l'équipe d'Ottmar Hitzfeld il y a dix ans lors du dernier match de la Suisse à Sofia, sanctionné par un triste 0-0 pour les adieux en sélection d'Alex Frei et de Marco Streller.
Avec Vladimir Petkovic, la Suisse sait désormais comment manoeuvrer face à un adversaire de la trempe de la Bulgarie. Il s'agit d'un véritable acquis qu'il convient de relever. A entendre le sélectionneur et ses joueurs, d'autres, beaucoup plus marquants, devraient suivre très vite.