Messi à Paris Les clubs européens irrités

ATS

11.8.2021 - 16:05

11.8.2021 - 16:05

Loin de la liesse parisienne, l'Europe du football voit dans l'arrivée de Lionel Messi le signe d'un accroissement des inégalités. Elle s'inquiète de l'hégémonie financière du Paris Saint-Germain dans un marché dérégulé «qui profite aux plus forts».

Si la France salive d'impatience avant d'observer son nouveau joyau à l'oeuvre en Ligue 1, les autres grands pays européens se veulent plus mesurés. En Angleterre notamment, nombre de titres de presse soulignent mercredi le caractère «absurde» de ce coup de tonnerre sur le marché du football.

«Comment est-ce possible que le plus grand joueur de sa génération n'ait pas le contrôle de sa carrière?» s'étonne le Guardian. «Peut-être» car Messi était «la dernière chose pure et bonne dans un monde de transactions et de fraude», reprend le quotidien, désabusé.



Le rôle du Qatar

«Quand la Fifa et l'UEFA vont-elles décider de réguler clairement la question de savoir si un Etat peut posséder un club de football?» s'interroge pour sa part le Corriere dello Sport en Italie. En Espagne, El Mundo, en allusion au slogan du Barça ("mes que un club"), verse dans l'ironie dépitée: «Le PSG, plus qu'un club: le bras sportif du Qatar.»

Le PSG et ses riches propriétaires qatariens (QSI) sont dans l'oeil du cyclone, après les arrivées successives de Sergio Ramos, Achraf Hakimi, Georginio Wijnaldum, Gianluigi Donnarumma et Messi, quasiment tous gratuitement car en fin de contrat, mais dont les salaires élevés – environ 40 millions d'euros annuels nets pour Messi selon la presse – interrogent, dans un contexte d'assouplissement du fair-play financier (FPF).



Promesse de réforme

Ce mécanisme européen visant à empêcher les clubs de dépenser plus qu'ils ne gagnent a été assoupli après l'irruption de la pandémie, laissant plus de marge aux grosses écuries. Ceci dans l'attente d'une «réforme» promise par l'UEFA à partir de la rentrée.

«Ce que l'UEFA voulait éviter avec le dérèglement est finalement quand même arrivé», pointe Raffaele Poli, responsable de l'Observatoire du football au CIES de Neuchâtel. «Cette crise sanitaire a poussé encore plus vers cela, vers une dérégulation du marché qui profite aux plus forts, à ceux qui ont des capitaux leur permettant d'investir».

Bloqué par d'immenses difficultés financières et un règlement de la Liga moins souple qu'en France concernant les masses salariales, le FC Barcelone a ainsi dû abandonner sa superstar. Cela malgré un accord avec le joueur moyennant selon lui un salaire divisé par deux.



Le PSG «anticoncurrentiel» ?

Et lorsqu'il a fallu trouver un candidat pour le futur de «La Pulga», le PSG a embrayé en quelques heures à peine: «Tout est allé très vite», a reconnu Messi lui-même. «Nous suivons le FPF depuis le premier jour», s'est défendu le président du PSG Nasser Al-Khelaïfi mercredi. «Avant de faire quoi que ce soit, notre équipe financière vérifie tout. Nous avions la capacité de faire signer Messi selon le FPF et nous suivrons toujours les règles».

Plusieurs grandes écuries européennes froncent les sourcils , dénonçant une «pratique anticoncurrentielle», comme Oliver Kahn, l'ancien gardien de l'Allemagne actuellement dirigeant au Bayern Munich. «J'apprécie tous les joueurs (du PSG). La question sera de savoir si cela fonctionnera, si cela s'harmonisera», a-t-il pointé, assurant que le Bayern était toujours parvenu à «équilibrer ce désavantage de concurrence».

Le feuilleton Messi au PSG suffira-t-il à constituer un signal d'alerte pour faire réagir les instances du football ? Pas certain. «Ils ne veulent pas empêcher les actionnaires des clubs d'injecter de l'argent frais alors que certaines équipes sont au bord de la faillite», remarque Raffaele Poli, soulignant que le PSG et Al Khelaïfi ont été les principaux partisans de l'UEFA pour réprimander les douze clubs mutins ayant tenté de créer une «Super Ligue» fermée au printemps.

«Le déficit opérationnel du PSG est absolument sans comparaison avec les autres clubs européens ces dernières années», reprend-il. «Si ça ne les a pas empêchés de participer aux compétitions dans le passé, ce n'est pas maintenant» que ça va commencer.

ATS