Rétrospective
Changement de règne: 2018, l'année des Young Boys

Par Valentin Schnorhk/Keystone-ATS

18.12.2018

Certes, les Young Boys ont perdu la finale de la Coupe de Suisse contre Zurich (2-1), mais c'est bien là le seul échec d'une année dorée: un titre de champion et un deuxième qui se profile avec 19 points d'avance en tête du classement de Super League.

Sur la scène nationale, le changement de règne semble acté: exit Bâle, place au nouveau roi, qui a vaincu une malédiction de 31 ans sans trophée.

YB a aussi découvert la Ligue des Champions avec un entraîneur inexpérimenté, Gerardo Seoane, lequel a succédé à Adi Hütter. Un tableau de chasse qui porte notamment la signature d'un homme: le directeur sportif Christoph Spycher, rencontré par Keystone-ATS quelques jours avant la dernière sortie de l'année de YB (victoire 4-1 à NE Xamax dimanche).

Christoph Spycher, quelle est la clé des succès de YB?

"On ne peut pas tout résumer en une phrase. En 2017, nous avons essayé de changer la philosophie du club, en laissant partir certains anciens joueurs. Ils n'avaient peut-être plus tellement cette volonté de se sacrifier pour gagner. Nous avons voulu créer une nouvelle dynamique avec des jeunes pleins d'énergie. Prendre des joueurs qui n'ont rien à voir avec l'histoire de YB était aussi important. Ils n'ont pas été marqués par cette réputation qui veut que le club perde tous les matchs décisifs. Il fallait se débarrasser de ça. Et enfin, c'est le travail de beaucoup de personnes pour le bien du club et pas uniquement pour eux-mêmes."

Lorsque vous recrutez Loris Benito, Kevin Mbabu ou Djibril Sow, ce sont des joueurs qui ne sont pas parvenus à s'imposer à l'étranger. Vous avez voulu miser sur ce côté "revanchard"?

"Non, pas vraiment. Nous cherchons surtout des joueurs qui correspondent à un profil défini. Certains revenaient d'un échec à l'étranger, mais nous avons aussi pris des joueurs qui ont flambé en Suisse, comme Fassnacht ou Nsame. Nous nous concentrons sur le potentiel du joueur, sur ce qu'il peut développer. Et il y a aussi la qualité de la personne: le caractère est primordial dans le choix final. Ce doit être quelqu'un qui est clair dans sa tête. Il doit mesurer l'équilibre entre son intérêt individuel, sa carrière et le bien du club, le sacrifice dont il devra faire preuve."

En tant que directeur sportif, accordez-vous de l'importance au jeu produit?

"Dans le choix de l'entraîneur, c'est un critère important. Il faut que cela colle avec le club. Si le public est venu au stade ces derniers temps, c'est aussi parce qu'il a pris du plaisir à voir une équipe spectaculaire, qui joue vers l'avant. Il fallait que le nouvel entraîneur ait cette volonté de produire un jeu offensif. Nous voulons être dominants et spectaculaires."

Lorsqu'il a fallu remplacer Adi Hütter, Gerardo Seoane était-il le choix numéro un?

"Nous avons défini un profil assez tôt. Il y avait pas mal de candidats sur la liste. Compte tenu des informations que nous avions de Lucerne, Seoane était dessus. Mais ce n'était pas forcément le premier choix, car on ne fait pas de classement. Dans les discussions, nous avons été convaincus à 100% par sa façon d'être, de communiquer. Il avait des idées très claires sur YB. C'est aussi quelqu'un qui aime travailler avec les autres. Au final, c'était peut-être un choix courageux, au vu de son maigre pedigree, mais la question n'était pas d'être "bien vu", plutôt d'être convaincu."

Ce n'était pas facile pour lui d'arriver dans une équipe déjà championne.

"De l'extérieur, on pouvait penser que le groupe était si fort que n'importe qui pouvait le diriger et gagner. Mais ce n'était pas le cas. Car, après la finale de Coupe, j'ai constaté que l'équipe était vidée. Il fallait recharger ses batteries pour qu'elle soit prête à faire des efforts supplémentaires. Gagner un titre, c'est une chose, le confirmer, c'est plus difficile. Nous avons dit dès le début que l'équipe devrait s'investir plus. Et l'entraîneur a fait un sacré travail pour qu'on en soit là à ce stade de la saison."

Comment analysez-vous l'inversion de tendances en Super League? Y a-t-il eu un changement de règne entre Bâle et vous?

"Il y a deux raisons pour l'expliquer: YB n'a jamais été aussi fort qu'aujourd'hui et les adversaires ne sont pas aussi bons que ce qu'ils ont pu être par le passé. Mais il ne faut pas parler d'une nouvelle ère. La situation financière est telle qu'elle est: si Bâle en est là aujourd'hui, c'est parce qu'il a créé quelque chose depuis 2002, avec beaucoup de titres. Il a bâti une entreprise, un club qui est le meilleur en Suisse. Si une autre équipe gagne le titre comme on l'a fait, c'est un miracle. On est certes sur la bonne voie pour le confirmer. Mais il faut continuer dans la même direction et agir sur ce qu'on est en capacité d'influencer. Et après on regarde ce que ceux qui ont plus de moyens font. S'ils font la même chose que nous, il est probable qu'on finisse derrière."

Beaucoup d'argent va entrer dans les caisses grâce à la Ligue des Champions. Quels sont les pièges à éviter?

"On ne va pas changer de stratégie. Le budget reste identique. L'important est de devenir indépendant de nos propriétaires, en mettant de l'argent de côté en vue compenser notre déficit structurel. Notamment si on devait rater une qualification européenne. Les propriétaires m'avaient donné trois ans pour remettre YB dans les chiffres noirs. On y est arrivé en 2017 et 2018 sera aussi une bonne année. Mais, dans le foot, on ne peut pas tout planifier: il y a des risques."

On imagine qu'il y a beaucoup de sollicitations pour vos joueurs.

"On veut bien vendre des joueurs dans les grands championnats. Mais on n'est pas prêts à les laisser partir pour des prix ridicules. Si on nous propose 3-4 millions pour un joueur-clé, je n'ai même pas envie de réfléchir. Car les gens doivent comprendre qu'un joueur d'YB a de la qualité et une bonne mentalité. Cela a été démontré par nos résultats."

Quels sont les objectifs à moyen terme?

"Il faut toujours être une équipe qui joue la tête de la Super League. On ne peut pas dire qu'on veut être cinq fois de suite champion, mais on doit être dans les premiers. On veut aussi pratiquer un foot offensif et être une adresse intéressante pour les jeunes joueurs talentueux. Avec eux, on est courageux et on les accompagne dans leur développement. Pour finalement les transférer dans les grands championnats."

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