Yvon Mvogo «Si je veux titiller Yann Sommer, il faudra franchir un step»

Nicolas Larchevêque

19.12.2023

Portier du FC Lorient, Yvon Mvogo a également défendu la cage de l’équipe de Suisse en 2023, et plutôt deux fois qu'une. Le Fribourgeois de 29 ans s’est confié à «blue Sport», évoquant ses ambitions en sélection, les résultats en dent de scie de la Nati cet automne, ainsi que la concurrence avec les autres gardiens helvétiques.

Yvon Mvogo a rejoué avec la Nati cette année, une première depuis 2021.
Yvon Mvogo a rejoué avec la Nati cette année, une première depuis 2021.
IMAGO/justpictures.ch

Nicolas Larchevêque

Novembre 2022. A quelques jours de s’envoler pour le Qatar, Yvon Mvogo se blesse à un genou avec le FC Lorient et est contraint de renoncer à la Coupe du monde. «Celle-là m'a vraiment fait mal», reconnaît ainsi le gardien fribourgeois dans un entretien accordé à «blue Sport». Mais «conscient de ses qualités et de ses forces, surtout mentales», le portier de 29 ans ne lâche rien et revient sur le devant de la scène.

Récompense de son abnégation, Mvogo retrouve la cage de l’équipe de Suisse à deux reprises en 2023 (contre Andorre en septembre et la Roumanie en novembre) dans le cadre des qualifications à l’Euro 2024, une première depuis 2021 et un match amical contre le Liechtenstein (succès 7-0). Il ambitionne désormais une place dans le groupe qui défendra les couleurs de la nation l’été prochain en Allemagne et souhaiterais à plus long terme s’affirmer «comme portier numéro 1» de la Nati. Mais pour que cela se concrétise, «il faudra franchir un step en club prochainement». Interview.


Yvon Mvogo, qu’avez-vous ressenti au moment de retrouver une place de titulaire en équipe de Suisse ?

«C’est toujours une fierté, ça signifie vraiment beaucoup pour moi. Comme j'avais manqué la Coupe du monde, c'était une grande revanche sur la vie de pouvoir de nouveau porter ce maillot, ne pas seulement être convoqué mais pouvoir aussi jouer en match officiel. Pour cela, je tiens aussi à remercier le FC Lorient. Sans eux et sans les prestations que je leur ai livrées week-end après week-end, ça n'aurait pas été possible. C’est toujours un immense plaisir et un immense bonheur de retrouver les copains, comme je les appelle à chaque interview. Ce sont des mecs que j'adore retrouver. On passe très peu de temps ensemble, 8 ou 9 jours durant les phases internationales, mais qu'est-ce qu'on aime se retrouver, partager des bons moments ensemble et, bien sûr, défendre les couleurs du pays.»

La Nati a traversé un automne difficile, en terminant à la 2e place de son groupe de qualifications pour l’Euro. Les critiques envers l’équipe et le sélectionneur Murat Yakin n’ont pas manqué, que ce soit dans la presse ou de la part du grand public. Comment avez-vous vécu cela, vos coéquipiers et vous ?

«En tant que footballeur professionnel et surtout en tant que joueur de l'équipe fanion, tu en prends conscience. On en parle tout le temps dans les médias et, même si tu ne les lis pas, tes proches vont t'en parler. On a vu tout ça, mais c'était important de faire corps parce qu'avant tout on est une équipe, que ce soit dans les bons, comme dans les mauvais moments. Ce serait facile si tu vas toujours vers le haut, sans jamais descendre. Tout le monde aimerait une vie comme cela. Il y a de temps en temps des épisodes un peu moins positifs, mais le plus important était vraiment de rester ensemble, montrer qu'on était soudé. Il n'y a que nous qui pouvons changer la donne, que ce soit aux yeux du grand public ou même de jeunes spectateurs. Montrer qu’ils peuvent continuer à compter sur nous et qu’ils peuvent continuer de nous supporter, dans les bons comme dans les mauvais moments. Je tiens d’ailleurs à remercier les fans de l’équipe nationale parce qu’ils nous ont toujours soutenus.»

«Le grand objectif était de se qualifier pour l'Euro. Bien sûr qu'on aurait aimé le faire avec la manière, dans un groupe où normalement on devait terminer en tête et, si on fait attention à ce que dit la presse, gagner tous nos matches facilement. Mais encore une fois, la réalité du football est toute autre. En tant que protagoniste de ces rencontres-là, on avait toujours à cœur de tout donner pour pouvoir gagner, mais tout ne se passe pas toujours comme prévu. On est quand même qualifié pour l'Euro, qui est une chose très importante. Et l'équipe de Suisse aura un tout autre visage à l'Euro cet été, j’en suis persuadé.»

Quelles sont vos ambitions avec la Nati ?

«C’est bien sûr de participer au prochain Euro et de vraiment batailler pour avoir le plus de minutes possible, comme j'ai déjà pu en avoir en ce début de saison. Ce qui viendra, viendra, mais mon objectif numéro un, c'est d'être dans le groupe qui participe à l'Euro l'été prochain en Allemagne.»

Pour un «petit» pays, la Suisse peut se targuer d’avoir plusieurs gardiens de grandes qualités comme vous, mais aussi Yann Sommer, Gregor Kobel ou encore Jonas Omlin (actuellement blessé), pour ne citer qu’eux. Comment vivez-vous cette concurrence en sélection nationale ?

«Franchement, j’adore ce genre de concurrence parce que, de un, il faut savoir que tous ces mecs sont de super mecs avec qui on peut discuter de tout et rien. On ne parle pas seulement de football. Et de deux, ce sont de super gardiens. On est toujours à se challenger que ce soit en équipe de Suisse ou en club, chacun répondant présent tous les week-ends. C’est une concurrence qui est saine et très fair-play. Il n'y a pas de coup bas ou de non-dit. C'est vraiment très simple et chacun pousse l'autre le plus haut possible. C'est pour ça que la Suisse peut se vanter d'avoir de nombreux gardiens, et pas seulement nous quatre. Il y a encore cinq ou six autres derrière qu’on peut citer comme gardiens de grande qualité. C'est aussi le travail de la fédération, de Patrick Foletti (ndlr : entraîneur des portiers de la Nati depuis 2011) et d'autres entraîneurs de gardiens qui font un très bon boulot en Suisse. Cela a permis de faire exporter cette qualité helvétique à l'étranger et de faire la renommée de l’équipe de Suisse.»

Le portier numéro 1 de l’équipe, c’est aujourd’hui Yann Sommer. Il a réussi son début de saison avec l’Inter Milan, signant notamment 14 «clean sheet» en 21 matches, toutes compétitions confondues. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

«C’est inspirant pour n'importe quel gardien. Yann est une personne que j'adore, aussi en dehors du terrain. C’est vraiment quelqu'un de très humble. En sachant tout ce qu'il a déjà vécu dans sa grande carrière, il arrive à garder les pieds sur terre. Il est toujours ouvert à la discussion, même quand il fait des erreurs. Il ne va jamais pointer du doigt les autres, il va d'abord se concentrer sur lui et chercher à savoir ce qu’il aurait pu mieux faire ou non. En travaillant avec quelqu'un comme lui et en évoluant à ses côtés, tu ne peux qu’apprendre. Tu ne peux que lui dire chapeau quand tu vois sa carrière et de quoi il est encore capable aujourd'hui. C’est juste fantastique, il le mérite. Il a réussi à s'incorporer dans un collectif (de l’Inter) très soudé et déjà très fort, tout en amenant aussi sa touche.»

Ambitionnez-vous d’être un jour le gardien numéro 1 de la sélection nationale ? Que faut-il pour dépasser Yann Sommer dans la hiérarchie ?

«Il y a une certaine hiérarchie qui est respectée jusqu'à présent, mais tout peut être chamboulé à tout moment. Chacun voudra se battre pour être à l'Euro et pour être, plus tard, le numéro 1 de l'équipe nationale. Je ne vais pas encore parler trop d'avenir, mais c’est sûr que je pense pouvoir m'affirmer comme potentiel numéro 1 en équipe nationale. Mais pour pouvoir aller titiller Yann, je pense qu'il faudra franchir un step en club prochainement. Je suis totalement concentré sur Lorient, focus à faire une très bonne saison et à pouvoir maintenir le club (en Ligue 1), mais c’est certain que j’ai aussi des ambitions personnelles. Pour qu'elles se concrétisent, dont l'équipe suisse fait partie aussi, il faudra passer un step supplémentaire, mais on a encore le temps d'en parler dans un avenir proche.»