Enseigner le hockey à distance, voilà le pari audacieux imaginé par Doug Boulanger. Depuis son salon transformé en patinoire synthétique, le coach québécois spécialisé dans les habilités distille ses cours à 60 élèves du monde entier.
«Théo, fais attention à ta main gauche! Alex, ramène ta palette plus rapidement. Good job boys.» En direct sur le programme de visioconférence Zoom, Doug Boulanger observe ses nombreux élèves et prodigue ses conseils pendant que le défenseur de Genève-Servette Simon Le Coultre s'astreint au même exercice que les plus jeunes.
Sur l'écran, ce sont des dizaines de jeunes qui piaffent d'impatience de suivre leur leçon. Ils viennent de Suisse, d'Italie, de Slovénie, de Lituanie et des Etats-Unis, voilà pourquoi Doug Boulanger alterne entre le français et l'anglais lorsqu'il présente chaque exercice et qu'il corrige les erreurs. «Ce projet d'e-coaching, je l'ai en tête depuis plus d'une année, explique le Québécois domicilié dans le canton de Vaud. Cette crise du COVID-19 a accéléré le processus.»
Prêt en 24 heures
Et accéléré est le bon terme, puisque le skills coach a mis 24 heures pour monter ses cours et sa structure en ligne. «Patrick Kucera (réd: ancien gardien de LNA et LNB) m'a parlé de Zoom et on a immédiatement fait les tests, explique celui qui travaille aussi bien avec des jeunes qu'avec des professionnels. J'ai contacté Simon Le Coultre pour voir si c'était jouable et on a pu lancer ça samedi 21 mars. Et quand lui fait l'exercice, cela me permet de regarder les gars et de les corriger immédiatement.» Pendant six semaines à raison de trois cours hebdomadaires les lundis, mercredis et samedis, les jeunes hockeyeurs vont pouvoir parfaire leur technique sans bouger de leur lieu de confinement.
Bien évidemment, il faut un peu de place pour s'entraîner dans le salon. «Mais certains ont des installations incroyables, jubile Doug Boulanger. J'ai un élève qui est en Valais et qui s'est mis sur son balcon avec les Alpes en toile de fond, c'est magnifique. D'autres sont dans leur grenier aménagé. C'est un peu le système D. Ceux qui ne veulent pas rayer leur parquet peuvent par exemple coller des petits tampons sur leur canne et leur puck comme on le fait sous les meubles pour ne pas faire de marques.»
Contraints de rester enfermés chez eux, les enfants ont tendance à s'ennuyer. Là, ils ont un rendez-vous avec des objectifs à atteindre. «C'est dur d'être off pendant six mois, appuie l'enseignant. Tout n'est pas encore parfait, mais franchement je suis surpris par l'enthousiasme des jeunes. J'ai notamment des petits de 4-5 ans qui sont à fond et qui tiennent le rythme. Les gars de National League font des petits cadeaux et on propose des concours sur les réseaux sociaux.»
Les pros s'y mettent
Pour préparer ses cours, Doug Boulanger prend deux heures chaque jour à réfléchir aux exercices adéquats à faire selon les catégories d'âge. «Là j'ai préparé la séance avant avec Simon, glisse-t-il. L'autre jour j'ai eu la chance d'aller dans un magasin de sport à Kirchberg et on a pu faire les cours avec Aurélien Marti (Fribourg-Gottéron et futur Luganais) et Colin Gerber (Berne). Pour les jeunes, c'est motivant de voir des pros enchaîner les mêmes exercices qu'eux.»
Dans le rôle du «cobaye», Simon Le Coultre a apprécié l'expérience. «Il fallait trouver un moyen de continuer à s'entraîner, raconte le défenseur de Genève-Servette. Alors quand Doug m'a proposé ça, j'ai tout de suite accepté. A Genève, on a relâché la pression. Certains profitent de se reposer ou de passer du temps en famille, d'autres s'entraînent beaucoup. Le club nous a permis de prendre chez nous du matériel de la salle de force.»
Samedi, Doug Boulanger distillera ses cours en direct avec un joueur pro depuis un fitness lausannois, ouvert uniquement pour lui. «On va aussi faire des exercices de cardio, conclut-il. Il ne faut pas perdre le rythme en ce moment. Il y a un certain maintien à faire en plus des habilités techniques à travailler.»
Le COVID-19 a imposé des contraintes inédites à l'ensemble de la société. Certains ont trouvé un moyen de transformer cette sombre période en opportunité à saisir.