Un règlement pour l'équité, une bataille pour la dignité: la double championne olympique du 800 m Caster Semenya a entamé la course la plus difficile de sa carrière, devant le Tribunal arbitral du sport.
Elle espère faire invalider le règlement de la Fédération internationale (IAAF) imposant aux femmes produisant beaucoup de testostérone de prendre des médicaments. Elle est entrée sans rien dire dans les locaux du TAS, à Lausanne, en faisant le V de la victoire, entamant une semaine qui devrait changer le reste de sa carrière. Et potentiellement l'histoire de son sport.
La bataille judiciaire et médiatique a commencé dès le premier jour des audiences. L'instance dirigeante de l'athlétisme a ainsi sorti un communiqué dans lequel elle assure avoir le soutien de certains experts du TAS. «Une violation flagrante relative à la confidentialité (des débats, NDLR) orchestrée dans le but d'influencer l'opinion publique», selon les avocats de Semenya.
Parmi ces experts appelés par l'IAAF figurent David Handelsman, professeur d'endocrinologie reproductive à l'Université de Sydney, et le Dr Angelica Hirschberg, professeur de gynécologie obstétrique à Stockholm. En réponse à ces accusations, le TAS a autorisé Caster Semenya à diffuser à son tour les noms des experts qui témoigneront en sa faveur, ce qu'elle fera mardi.
Le règlement mis en place par l'IAAF est au coeur des débats: il impose aux femmes «hyperandrogènes» de faire baisser avec des médicaments leur taux de testostérone pour participer aux épreuves internationales, sur les distances allant du 400 m au mile (1609 m).
«Aujourd'hui est un jour très très important» pour l'équité des compétitions, a estimé le patron de l'athlétisme Sebastian Coe, flanqué de deux avocats, avant d'entrer dans le TAS. «La valeur fondamentale de l'IAAF est la promotion des jeunes filles et des femmes en athlétisme et c'est ce que nous venons défendre ici. Les règlements que nous introduisons sont là pour protéger le caractère sacré d'une concurrence loyale et ouverte.»
«Incontestablement une femme»
De son côté, Semenya, triple championne du monde (2009, 2011, 2017) et double championne olympique du 800 m (2012, 2016), assure être «incontestablement une femme». Soutenue par la Fédération sud-africaine, elle dénonce ces règles, destinées selon elle, à la «ralentir».
«Elle demande à être respectée et traitée comme n'importe quel autre athlète», ont souligné ses avocats la semaine dernière. «Son don génétique devrait être célébré, pas faire l'objet de discrimination.»
L'audience doit durer cinq jours pour se terminer vendredi, «un processus assez long pour le TAS», selon Matthieu Reeb, le secrétaire général du tribunal suprême en matière de sport. «Nous espérons pouvoir rendre une décision finale avant la fin du mois de mars», a-t-il ajouté.
«C'est une affaire spéciale qui implique beaucoup de preuves scientifiques. C'est inhabituel. Ce qu'il va se passer, je ne suis pas capable de dire mais, à coup sûr, ce sera important. L'objectif est vraiment de rendre une décision avant les Championnats du monde» (29 septembre-6 octobre, à Doha).
La Sud-Africaine n'est pas la seule athlète qui pourrait être affectée: les médaillées de bronze et d'argent sur 800 m aux JO de Rio en 2016, Francine Niyonsaba (Burundi) et Margaret Wambui (Kenya), ont également été confrontées à des questions sur leur taux de testostérone.