Natation Desplanches: Nice, la cité de labeur

ATS

14.5.2019 - 07:05

Voilà plus de cinq ans que Jérémy Desplanches s’est exilé à Nice. C’est dans l’austère Bassin Olympique Camille Muffat qu’il passe le plus clair de son temps et se construit patiemment.

Le Genevois sait apprécier le Château, à la vue imprenable sur la Baie des Anges, ou la fameuse Promenade des Anglais. Mais c’est loin de ces paysages de cartes postales que le 18e homme le plus rapide de tous les temps sur 200 m 4 nages (1'56''86) s'entraîne, dans une zone industrielle au nord-ouest de la ville, avec les JO de Tokyo 2020 comme objectif ultime. «Les lieux touristiques, je les fais surtout découvrir aux amis qui viennent me rendre visite.» Ou aux journalistes et photographes désireux de le faire poser dans un cadre plus glamour...

Le Genevois n’a il est vrai guère l’occasion de s’attarder dans les rues de la cinquième plus grande ville de France. C’est à 7h tapantes qu’il se jette pour la première fois de la journée dans le bain. Six jours sur sept, 49 semaines sur 52, en plein air en hiver – certes avec une eau chauffée à 29°- comme en été. «Le réveil est compliqué. Avec Charlotte (réd: Bonnet, sa compagne et l’une de ses partenaires d’entraînement), on n'est pas trop du matin», sourit-il.

Dix heures de sommeil, plus une sieste

«Mais franchement, je kiffe ce que je fais. C'est certainement aussi le cas car je n'ai pas commencé trop jeune à m'entraîner autant», réfléchit Jérémy Desplanches, qui aura 25 ans le 7 août. «Quand j'étais junior, je trouvais des milliers d'excuses pour ne pas m'entraîner. J'aurais pu commencer plus tôt à travailler dur, mais je n'en pourrais probablement déjà plus», assure-t-il.

Le grand blond (1m89) a ainsi pu garder une «énergie intacte», comme aime à le souligner son coach Fabrice Pellerin. Et de l'énergie, il en a bien besoin. Car les neuf nageurs du groupe de l'Olympic Nice Natation avalent quelque 5000 m par séance. La première fois entre 7h et 9h, la deuxième entre 16h30 et 18h30, avec – comme le jour de cette rencontre – la redoutée série de sprints de 10 x 50 m en plat de résistance.

«C'est peu par rapport à la moyenne», assure Jérémy Desplanches. Mais suffisamment pour lui en faire baver: «Pendant la préparation, je dors dix heures par nuit et fais une sieste l'après-midi. Alors que quand je suis en vacances, je peux dormir quatre heures par nuit et péter le feu», s'amuse-t-il, lui qui a tout de même trouvé la force de s'astreindre avec le sourire à une séance photos/vidéo de près de deux heures au sortir de son entraînement matinal!

Un choc au départ

Jérémy Desplanches ne valait «que» 2'03''90 sur sa distance fétiche lorsqu'il a choisi de poser ses valises à Nice en 2014. Il a vécu un choc à son arrivée. «Fabrice m'avait accepté à l'essai pour une semaine, qui fut dure pour mon ego. J'avais des attentes, j'étais quand même champion de Suisse. Mais j'étais derrière tout le monde à l'entraînement, derrière les filles, et bien derrière», rigole-t-il.

Le déclic s'est toutefois rapidement produit, en décembre de la même année. «Je me suis rendu compte qu'il se passait quelque chose lors des Mondiaux en petit bassin à Doha. Le petit bassin, ce n'est pas mon truc, mais j'avais fini 19e du 100 m 4 nages. J'étais content. Dès le débriefing, Fabrice m'a expliqué qu'on pouvait désormais viser des demi-finales, voire des finales. Je n'imaginais pourtant pas avoir le potentiel pour aller plus vite», narre-t-il.

«J'avais eu une petite larme en me rendant compte que Fabrice croyait en moi. Je m'étais alors dit que je n'allais pas m'entraîner pour rien pendant 20 ans. J'ai d'abord visé les demi-finales, puis les finales. Ca s'est fait graduellement», souligne le Genevois, dont la confiance s'est construite sous la tutelle bienveillante et complice d'un coach qui prône la pratique des quatre nages.

Une carrière déjà réussie

Adepte de la micronutrition («on trouve de moins en moins de vitamines, de fer et de minéraux dans les aliments traditionnels»), Jérémy Desplanches poursuit sereinement sa progression, même si son meilleur temps sur 200 m 4 nages date de l'été 2017. «J'ai beaucoup appris l'an passé. Je me suis entraîné avec les Européens comme seul objectif. Pas dans le but d'y faire un bon temps, mais pour y gagner la course. C'est cela qui m'a permis de m'imposer», juge-t-il.

Bien dans sa tête et dans sa peau, le Genevois estime avoir déjà réussi sa carrière avec ce titre européen, le premier de l'histoire pour la natation masculine helvétique. «Quand j'étais junior, je n'avais pas la prétention d'être champion de quoi que ce soit. Mais ce titre européen n'est pas une finalité», ajoute le demi-finaliste des JO 2016 et finaliste des Mondiaux 2017. «J'en veux plus. Je suis prêt à m'entraîner corps et âme et à manger des steaks, des pâtes et des carottes pendant un moment encore.»

Sa discipline et son talent lui autorisent tous les espoirs. «Je ne débarquerai pas en Corée du Sud (réd: où auront lieu les Mondiaux du 12 au 28 juillet) comme un simple outsider, mais comme un candidat aux médailles», affirme d'ailleurs un Jérémy Desplanches qui a posé un nouveau jalon samedi à Budapest. Le Genevois y a signé, lors des Champions Swim Series, le troisième meilleur temps de sa carrière (1'57''01) pour s'imposer devant le champion du monde en titre Chase Kalisz. Alors même qu'il a tout juste recommencé à travailler sa brasse...

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