Médaillé de bronze olympique, vice-champion du monde 2019 et 18e performeur de l'histoire sur 200 m 4 nages, Jérémy Desplanches a dû s'avouer vaincu devant un autre Suisse (Noè Ponti) samedi à Budapest dans sa discipline fétiche. Loin de s'inquiéter de ce «revers», il confie un plaisir enfin retrouvé après de très longs mois de doute.
«Je n'aime pas le terme de burn-out, mais c'est bien de cela qu'il s'agissait»: Jérémy Desplanches a souffert plus qu'il n'a voulu le laisser entendre après les délices de son podium olympique de 2021. «Je pense que ça a commencé en janvier 2022, après que j'ai attrapé pour la première fois le Covid», souligne le Genevois de 29 ans.
«J'ai aussi souffert d'une mononucléose en même temps. Et c'était un Covid très long. J'ai fait régulièrement des bilans sanguins, et ce n'est qu'en juin ou juillet de cette année que j'ai commencé à mieux me sentir», explique-t-il dans un entretien téléphonique accordé à Keystone-ATS.
«Je suis d'un naturel très optimiste, et j'étais motivé à faire en sorte que tout se passe pour le mieux. Mais c'est impossible à gérer quand tu pratiques un sport d'endurance. Je devais constamment me battre pour retrouver un niveau tout juste décent, et j'étais sans cesse freiné par mes soucis de santé. C'était horrible», lâche-t-il.
«Une façon de me protéger»
«Je n'aime pas me plaindre, et j'ai vraiment essayé de m'en sortir seul. Mais au bout du compte, après un an à me forcer tous les matins à me convaincre que ça allait mieux alors que j'étais l'ombre de moi-même à l'entraînement, c'était très dur. Mon optimisme m'a sûrement détourné de la réalité», glisse-t-il.
«Quand tu te blesses, tu sais que c'est de ta faute : tu as fait un mauvais mouvement, tu t'es mal nourri, tu as fait une bêtise. Mais là, il n'y avait rien à faire. D'ailleurs, le Covid et la mononucléose ont été si virulents que de petites traces y figuraient encore dans mes analyses il y a un mois», assure-t-il.
«C'est hallucinant comme ça m'a «couché». Heureusement que ça n'est pas arrivé juste avant les Jeux de Paris, car ça aurait été impossible de m'y battre», poursuit le champion d'Europe 2018, qui a tout fait pour ne pas révéler l'ampleur des dégâts. «Le cacher était aussi une façon de me protéger», concède-t-il.
Couché mais pas coulé
Mais «je vais beaucoup mieux, et j'en suis très, très content», se réjouit Jérémy Desplanches, qui s'est marié le 19 août avec sa compagne de longue date Charlotte Bonnet. Et qui n'a guère prolongé la lune de miel : «Le 28 août, j'étais déjà de retour dans les starting blocks à poursuivre mon rêve olympique», lâche-t-il.
«Couché» mais pas coulé, le Genevois a donc appris à relativiser ses contre-performances de 2022 (4e place aux Européens, élimination en demi-finale des Mondiaux) et de 2023 (nouvelle élimination en demi-finale mondiale, à Fukuoka fin juillet). «Vu le contexte, je n'aurais pas pensé être aussi rapide à Fukuoka», rappelle-t-il.
Jérémy Desplanches avait nagé en 1'58''00 en séries au Japon, son meilleur temps depuis son record de Suisse établi en finale des JO 2021 (1'56''17). Soit six centièmes au-dessus de la limite qualificative pour les JO de Paris (1'57''94), limite qu'il n'a pas encore décrochée.
Le Genevois a ainsi réalisé 1'59''87 samedi en Coupe du monde à Budapest, où il a été devancé par l'autre médaillé de bronze olympique de 2021 – sur 100 m papillon – Noè Ponti (1'59''70). «S'il y a un nageur suisse susceptible de me battre sur 200 m 4 nages, c'est Noè. Il est très polyvalent», souligne-t-il.
«Mais j'étais le seul finaliste de Budapest à ne pas être rasé» et donc affûté, précise Jérémy Desplanches, qui s'était montré bien plus lent une semaine plus tôt à Athènes pour son retour aux affaires (2'01''25). «J'espérais bien sûr réussir la limite pour Paris, mais je suis tout de même satisfait», assure-t-il.
Le Genevois ne fait pas de cette limite olympique une obsession, même s'il estime qu'une douzaine de nageurs au monde seulement sont capables de la décrocher. Sa joie de nager retrouvée, il se réjouit de pouvoir enchaîner les compétitions et d'y retrouver peu à peu ses automatismes et ses sensations.
«J'avais validé très tôt mon ticket pour les JO de Tokyo, et l'attente avait été longue», d'autant plus à la suite du report d'un an des derniers Jeux d'été en raison de la pandémie. «Là, j'ai vraiment l'occasion de monter en puissance jusqu'aux JO de Paris», dernier grand rendez-vous de sa carrière.
Paris 2024, le point d'orgue
Cette montée en puissance passera par Doha, qui accueillera des Mondiaux en grand bassin à des dates peu ordinaires, en février. «Ces Mondiaux constituent une grosse source d'interrogation. Je pense qu'une médaille y sera plus abordable qu'aux JO ou dans des championnats du monde «normaux»», assure-t-il.
«Mais est-ce que je ne vais pas saborder ma saison si je prépare ces Mondiaux à fond ?», se demande-t-il. «Je dois y réfléchir. Le champion d'Europe 2021 (réd: l'Espagnol Hugo Gonzalez) n'était ainsi pas parvenu à se qualifier pour la finale des Jeux de Tokyo» deux mois plus tard, se souvient-il.
«Le but sera d'être en très bonne forme à Doha, mais sans être à 1000 %», précise-t-il. «Je ferai une très petite pause à Noël, un, deux ou trois jours, avant de repartir de plus belle. Depuis que je me sens mieux, je n'ai à nouveau plus que les JO 2024, point d'orgue et dernière compétition de ma carrière, en tête».