Ils ont interdiction de naviguer depuis plus d'un mois. Thomas Koechlin et Martin Dougoud se contentent de garder la forme en attendant des jours meilleurs.
Les deux compères genevois ont choisi la France – Pau en l'occurence – pour poursuivre leur progression en slalom. Leur regard est déjà tourné vers l'été 2021 et les JO de Tokyo, pour lesquels ils ont décroché leur qualification il y a plus de six mois.
«On essaie de faire ce qui se rapproche le plus de notre sport. Je fais du gainage, des tractions, des pompes, et je cours une heure par jour», lâche Martin Dougoud (kayak mono). «Thomas a installé une salle de musculation dans son garage. C'est notre 'fight club', mais on y respecte les règles d'hygiène élémentaires», souligne-t-il.
«De mon côté, je suis plus fatigué qu'en temps normal. J'ai une fille de 15 mois. Et vu que mon épouse travaille et que les crèches sont fermées, je me suis transformé en puériculteur. Or mes journées sont toujours axées sur la pratique du sport. Je galère un peu pour récupérer», lâche Thomas Koechlin (canadien mono).
«Physiquement et mentalement, on va revenir plus forts», assure Thomas Koechlin, qui parvient tout de même à s'entraîneur en milieu aquatique: «Je fais parfois du fractionné en piscine dans mon jardin. C'est une piscine de 4 m de diamètre. Il y a juste la place pour y mettre mon canoë, que j'attache à un arbre», rigole-t-il.
Un équilibre financier fragile
Les deux amis, qui fêteront leurs 29 ans cette année, partagent un projet commun depuis qu'ils ont manqué la qualification pour les JO de Rio 2016. Ils ont pu créer leur propre cellule, avec un entraîneur – le Français Benjamin Buys – dont le salaire est pris en charge à environ 70% par la Fédération suisse (Swiss Canoe).
«Je me consacre à 100% au sport depuis 2015», explique Martin Dougoud. «A l'époque, je misais tout sur Rio. Mais je me suis rendu compte qu'une année ne suffirait pas pour préparer des Jeux. J'ai donc très vite fait de Tokyo 2020 mon grand objectif», glisse le 6e des Européens 2018, qui a validé son ticket pour le rendez-vous japonais en terminant 19e des Mondiaux 2019 à La Seu D'Urgell.
«Je n'aurais jamais imaginé que Pau devienne une sorte de base arrière de la Fédération suisse. Quand je suis arrivé en 2011, je n'avais aucun plan précis. Je savais juste que j'avais besoin de venir ici pour progresser», explique pour sa part le vice-champion d'Europe 2017 Thomas Koechlin, qui a décroché sa qualification pour les prochains JO en se classant 7e des derniers Mondiaux.
Les deux hommes voient le report des JO comme une opportunité de poursuivre leur progression pendant douze mois supplémentaires. Mais leur stabilité financière reste précaire. «Pour cette année, on a eu des craintes, mais notre budget semble assuré», glisse Martin Dougoud, qui souligne notamment le soutien sans faille du président d'honneur du Canoë Club Genève Martial Chabbey.
«On nous soutient sur le long terme. Mais qu'adviendra-t-il en 2021 si la crise perdure?», se demande Thomas Koechlin, conscient que les aides fournies par les autorités genevoises, le Team Genève ou l'Aide sportive suisse (les deux hommes bénéficient de la carte argent de Swiss Olympic, soit de 30'000 francs pour 2020) pourraient être remises en cause dans un avenir proche.
«Pour l'heure, je préfère me dire que 2021 sera une année très chargée pour nous avec des championnats du monde, des championnats d'Europe ainsi que les Jeux olympiques. Ca sera énorme», positive toutefois Thomas Koechlin, pour qui «le fait d'avoir une petite fille et une famille en bonne santé permet de tout relativiser.»
Un coup de gueule
L'éventualité d'une saison 2020 blanche ne les effraie en tout cas pas sur un plan financier. «Nous économiserions de l'argent» grâce à l'annulation de nombreux déplacements, assure Thomas Koechlin, qui espère toutefois bien évidemment pouvoir rapidement retrouver le chemin du stade d'eaux vives de Pau.
«J'accepte notre situation. Mais on pourrait trouver des solutions pour pouvoir reprendre l'entraînement. En kayak, la distanciation sociale est plutôt bien respectée. On a zéro contact physique, notre entraîneur est au bord de l'eau», explique Martin Dougoud.
«On a mis tous les sports dans le même panier. Mais le canoë, ce n'est pas du foot dans un stade plein», lâche Thomas Koechlin. «J'ai l'impression qu'on oublie le sport et les valeurs qu'il véhicule. Comme si le sport n'était plus qu'un hobby. Mais s'il y a autant de subventions, c'est que le sport est important.»