Le sport était à l'arrêt en ce premier week-end d'avril. Triple sportive suisse de l'année (2008-2010), Ariella Kaeslin avait vécu il y a tout juste 11 ans le plus grand moment de sa carrière en s'adjugeant le titre européen au saut, le 5 avril 2009 à Milan.
«J'étais extrêmement nerveuse avant la finale du saut. Et après ma victoire, un énorme poids était retombé de mes épaules», raconte dans un entretien accordé à Keystone-ATS la Lucernoise de 32 ans, pour qui ce sacre continental fut le fruit d'une décennie de travail mais aussi et avant tout un soulagement.
Car sa carrière sportive n'a pas seulement été marquée par la joie, comme elle l'a révélé dans sa biographie «Leiden im Licht» (souffrir dans la lumière) publiée en 2015. Epuisée tant physiquement que mentalement, elle avait d'ailleurs annoncé sa retraite à la surprise générale en juillet 2011, trois mois après avoir glané une dernière médaille européenne – en bronze – au saut de cheval.
«A l'époque, nous avions l'habitude de plaisanter: tout peut arriver. La fin du monde est peut-être proche, mais la salle de gym restera toujours ouverte», explique un sourire aux lèvres Ariella Kaeslin, qui a souffert pendant près d'une décennie dans un Centre d'entraînement de Macolin désormais fermé en raison de la menace du coronavirus.
«Baisser le rythme effréné de la vie quotidienne»
La Lucernoise, dont la nouvelle carrière de physiothérapeute se trouve aussi fortement impactée par la pandémie, a évidemment conscience de la difficulté de la tâche qui attend les gymnastes et la Fédération suisse (FSG). Après seulement deux semaines sans entraînement aux engins, trois mois de préparation sont ainsi nécessaires pour rattraper le temps perdu.
Comme pour tous les autres sports, l'incertitude est totale. Nul ne peut pour l'heure s'entraîner avec l'intensité et la méticulosité requises. Rien n'indique que des championnats d'Europe pourront être organisés cette année. Et le report des JO de Tokyo brise totalement le cycle olympique. «C'est impossible de maintenir le même niveau pendant une année», lâche Ariella Kaeslin.
Adepte désormais des sports d'endurance comme le ski de fond, le triathlon ou le VTT («je recherche mes limites, sans ambition, juste pour le plaisir»), la vice-championne du monde 2009 de saut est persuadée que quelque chose de positif ressortira de cette immense crise. «Cela fait du bien de baisser pour une fois le rythme effréné de la vie quotidienne», juge-t-elle.
Ariella Kaeslin, dont l'«héritière» Giulia Steingruber (26 ans) brille depuis près d'une décennie désormais, refuse par ailleurs de se voir comme une pionnière de la gymnastique suisse. «Giulia, Pablo (réd: Brägger, champion d'Europe 2017 à la barre fixe) ou Oliver (Hegi, champion d'Europe 2018 à la barre fixe) ont tous dû s'entraîner très dur en suivant leur propre parcours», glisse-t-elle. Un parcours que le coronavirus ne va pas simplifier.