Vice-champion du monde du 200 m 4 nages en 2019, Jérémy Desplanches continue à ronger son frein en cette saison 2020 tronquée, le regard toujours rivé sur les JO de Tokyo. «On garde la tête dans le guidon sans lever les yeux», lâche le Genevois de 26 ans dans un entretien téléphonique accordé à Keystone-ATS.

Comment allez-vous?
«Ca va. On a repris l'entraînement de manière intensive après une pause d'une dizaine de jours début août, même si on ne sait toujours pas où l'on va. Mes prochaines compétitions restent prévues en décembre, avec les championnats de France (réd: du 10 au 13 décembre à St-Raphaël) et les championnats de Suisse (réd: dont les dates et le lieu restent à déterminer).»
Commencez-vous à trouver le temps long?
«Un petit peu, clairement. J'aime la compétition. C'est pour cela que je nage. Le seul petit côté positif, c'est d'être libre depuis le samedi à midi jusqu'au lundi matin. On profite de faire des trucs différents entre amis, alors que d'habitude on n'a pas le temps, ou pas l'énergie pour cela.»
Votre coach Fabrice Pellerin a-t-il élaboré un programme plus ludique afin de rompre avec la routine?
«Je n'en ai pas l'impression. Au contraire, même. On a beaucoup de travail à accomplir. Le plus important reste l'entraînement, on est là pour ça. D'habitude, à la mi-septembre, on vient de reprendre après les vacances. Là, on a déjà un bon niveau. On garde la tête dans le guidon sans lever les yeux. Ce n'est pas facile mentalement, car il s'agit maintenant d'étirer cette corde pendant un an, jusqu'aux JO. Mais les Jeux, c'est mon rêve!»
Avez-vous tout de même un chrono de référence sur 200 m 4 nages?
«Oui. C'était à l'occasion du challenge 'A vos plots' (réd: imaginé par son coach), que nous avons disputé fin juillet (réd: le 29). J'avais notamment affronté des gamins. J'avais réalisé 2'00''13, en nageant à fond.»
On imagine que cela vous avait fait du bien...
«Pas trop, non! On nageait encore très peu à ce moment-là. On n'avait pas encore nagé plus que des 50 mètres en mode rapide. Cela avait été très dur de retrouver le rythme après les deux mois de confinement (réd: de mi-mars jusqu'au 20 mai). On a dû reprendre avec les bases, on craignait les blessures.»
Vous évoquiez récemment dans un entretien à la Tribune de Genève la possibilité d'engager un coach mental. Êtes-vous passé à l'acte?
«Toujours pas. Je me pose parfois la question. Mais ça ne m'attire pas. Je ne saurais pas comment aborder une séance, je ne saurais pas quoi dire. Et je n'ai pas non plus envie qu'on me trouve des problèmes (rires). Je n'ai pas de faille pour le moment.»
Vous partagez votre vie avec une nageuse de haut niveau, Charlotte Bonnet, qui est aussi votre partenaire d'entraînement. Est-ce que cela rend la situation actuelle plus difficile à vivre, ou est-ce un avantage?
«Nous sommes tous deux très terre à terre, et nous savons que nous ne pouvons rien faire contre cette situation. C'est donc un plus. Dans les bons comme dans les mauvais moments, nous sommes toujours sur la même longueur d'onde.»
La compétition a pu reprendre presque normalement en athlétisme, des championnats d'Europe ont eu lieu en canoë-kayak et seront bientôt organisés en aviron. Mais le monde de la natation est encore pratiquement à l'arrêt. Votre sport est-il le grand perdant de cette crise?
«Sans vouloir polémiquer, je me demande ce que foutent nos dirigeants! Rien ne bouge. La FINA (réd: Fédération internationale) continue d'annuler ses meetings, et ne prévoit rien avant janvier prochain. Le manque de moyens financiers et de médiatisation sont sûrement en cause.»
Pourquoi ne participez-vous donc pas à l'édition 2020 de l'International Swimming League, la Ligue professionnelle créée l'an dernier en dehors du giron de la FINA?
«J'ai été recruté par plusieurs équipes. Mais j'ai refusé. L'an passé, on s'engageait pour de courtes périodes. Mais la formule a été modifiée, et je devrais partir pendant plus d'un mois. Ce qui n'est pas envisageable puisque mon coach doit rester à Nice pour s'occuper de mes coéquipiers. Mon coach n'aurait pas le contrôle sur le plan technique notamment. Cette année, c'est plus intelligent de ne pas y participer, même si je le regrette. Par ailleurs, que se passera-t-il en cas de test positif au Covid-19? On ne le sait pas. Mais l'ISL a vraiment l'air génialissime cette année.»
Nager en petit bassin constitue-t-il une option pour renouer plus rapidement avec la compétition?
«Je déteste le petit bain (rires). Mais si je dois passer par là pour faire de la compétition, je m'y mettrai.»
L'incertitude demeure concernant les Jeux de Tokyo, reprogrammés du 23 juillet au 8 août 2021. Arrivez-vous à vous projeter jusque-là sans arrière-pensée?
«Oui. Ca ne serait pas possible de me concentrer sur cet objectif si je me prenais la tête. Je pars du principe que ces Jeux auront lieu aux dates désormais prévues. Il y aura de nouveaux venus, mais je serai capable de briller grâce à tous mes efforts.»