«Pas à 100%» mais «pas pourri non plus», Julian Alaphilippe s'apprête à défendre son maillot de champion du monde de cyclisme avec un sentiment ambigu: celui de «donner le max» pour le garder, tout en avouant que le perdre le libérerait d'un certain poids.
«Quoiqu'il arrive, la semaine prochaine je serai très heureux», en a conclu le Français mercredi à Wollongong, à quatre jours de la course en ligne où il sera moins favori que d'habitude après une saison noire, marquée par une nouvelle chute au Tour d'Espagne qu'il a quitté le 31 août avec une luxation de l'épaule droite.
Comment allez-vous après votre chute en Espagne ?
«Ça va. J'arrive avec beaucoup de motivation, plutôt relax. Je ne suis pas dans les meilleures conditions, ça c'est sûr. La dernière fois que j'étais sur une course, je me suis blessé. Une fois de plus, presque une fois de trop. Je ne suis certainement pas à 100%. Je ne vais pas être pourri non plus, mais je ne vais pas arriver avec les mêmes garanties que les années précédentes.»
Aurez-vous encore un rôle de leader comme ces dernières années ?
«Je suis un des leaders mais je ne suis pas leader unique et ça me va très bien. Tout le monde connaît mon état de forme. Il y a des coureurs de l'équipe de France qui ont plus performé que moi ces dernières semaines et à qui la course correspond très bien aussi. Je serai très heureux de donner le max pour eux. C'est en jouant sur le collectif qu'on ira loin.»
Avec toutes ces chutes, ressentez-vous de l'appréhension sur un vélo désormais ?
R: «Je ne cache pas qu'à certains moments, quand ça roule vite, quand on n'est pas loin de la chute, j'ai peut-être un peu plus peur qu'avant. Car je n'ai pas envie de m'en reprendre une, comme j'en ai trop pris cette année. Je suis toujours un peu marqué par Liège bien sûr.»
Cette chute à Liège-Bastogne-Liège vous a fait relativiser davantage les choses ?
«Oui. C'est surtout ma petite famille et mon petit garçon qui m'ont fait beaucoup de bien dans ces moments très durs. Ça a été une année compliquée. Plusieurs fois j'ai eu envie de poser le vélo dans le garage et d'être déjà en 2023. Mais c'était aussi un peu l'année de la résilience. Je suis revenu à chaque fois, malgré les contre-temps. Et voilà, je suis là, avec les copains et je profite de chaque seconde, de chaque kilomètre.»
Ressentez-vous moins de pression que les années précédentes ?
«La pression, je ne la ressens pas du tout. Là où j'ai eu un peu de pression c'était à Imola (aux Mondiaux 2020). L'année dernière, j'étais motivé et j'ai couru pour gagner mais j'étais prêt à perdre aussi. J'avais zéro pression et j'en ai encore moins ici (rires). Car je sais comment se sont passées les dernières semaines pour moi.»
Mais la victoire reste l'objectif ?
«Bien sûr on vient pour un résultat et ce sera la cerise sur le gâteau si on garde le maillot. Je serais vraiment content de revivre ce qu'on a vécu ces deux dernières années. Et je crois que je serais encore plus content si c'est un des mes collègues qui gagne.»
Parce que ce serait aussi un soulagement de lâcher le maillot arc-en-ciel ?
«Je suis un peu partagé entre deux sentiments ces derniers temps. D'un côté je me dis: vivement l'année prochaine pour que je n'ai plus à porter le maillot et que je puisse, entre guillemets, redevenir un coureur normal, moins connu, moins sollicité, plus tranquille. Mais d'un autre côte, ce maillot est tellement un rêve, quelque chose de tellement énorme que je ne peux pas le laisser comme ça, bien sûr que non! Mais il demande beaucoup, peut-être aussi parce que je prends les choses à cœur et que je donne beaucoup aussi. Donc quoiqu'il arrive, que j'aie le maillot pour une troisième fois ou que je ne l'aie plus, la semaine prochaine je serai très heureux.»