Ajla Del Ponte a vécu des moments difficiles au cours des dernières semaines. Elle était aux Pays-Bas lorsque la crise du coronavirus a éclaté. «J'étais contente de rentrer au Tessin. Etre loin de ma famille, c'est ce qui me pesait le plus», souffle-t-elle.
«J'en ai fait des cauchemars. J'avais de mauvais pressentiments», enchaîne la plus discrète des quatre membres du relais 4x100 m helvétique, 4e des Mondiaux 2019 à Doha. «En voyant que le Tessin était particulièrement touché, j'étais vraiment préoccupée pour ma famille», confie-t-elle.
«Ca m'a fait du bien de rentrer, de voir que tout le monde était en santé. Et je trouve qu'on a bien géré la situation. Les gens ont dans l'ensemble bien respecté les directives du Conseil fédéral», ajoute celle qui est la quatrième Suissesse la plus rapide de l'histoire sur 100 m (11''21, en 2018 à La Chaux-de-Fonds).
La sociétaire de l'US Ascona aura en tout cas appris une chose de cette crise: «J'ai pris conscience qu'il ne sert à rien d'être tout le temps stressée. Même si je le savais déjà. Je l'ai bien compris quand la situation s'est détendue. Mon corps a mieux réagi que je ne le craignais. La forme est là.»
«Ca enlève un poids»
Une certaine normalité est désormais revenue dans son quotidien. Le lundi 11 mai, Ajla Del Ponte a enfin pu reprendre le chemin de l'entraînement, à Macolin. Deux jours plus tard, c'est à Berne qu'elle a enchaîné les sprints de 70 mètres, toujours sous le regard du responsable du 4x100 m féminin suisse, Raphaël Monachon.
«J'aurais mieux fait de rester au Tessin», sourit la championne de Suisse 2020 du 60 m indoor en débarquant au Wankdorf, où Keystone-ATS a pu la rencontrer. La pluie est au rendez-vous, et il n'y a guère que la moitié de la rectiligne qui soit protégée par le toit de la tribune. Ses chronos sont d'ailleurs moyens...
Mais peu importe. Elle est ravie de fouler une piste. «Ca enlève un poids. On peut à nouveau courir dans un stade sans que ça pose problème, et on peut retrouver son entraîneur. C'est aussi une joie d'être dans un stade», lâche Ajla Del Ponte, qui a rejoint son coach Laurent Meuwly – et Lea Sprunger – aux Pays-Bas cinq jours plus tard.
«Ne pas perdre les sensations»
La saison estivale 2020, qui faisait rêver Ajla Del Ponte et ses copines du 4x100 m Mujinga Kambundji, Salomé Kora et Sarah Atcho avec des JO et des Européens au menu initial, est quoiqu'il advienne gâchée. «J'espère qu'on aura quand même des meetings, en août ou au moins en septembre. J'espère pouvoir courir à Lausanne, à Bellinzone, dans d'autres petits meetings», glisse la Tessinoise.
«C'est primordial pour de ne pas perdre les sensations liées à la compétition», ajoute-t-elle. Mais pour l'heure, «mon objectif est d'apprendre à mieux me connaître en tant qu'athlète. Je veux me concentrer sur mes faiblesses, travailler plus à fond des choses que je ne fais pas d'ordinaire».
Des points faibles que son coach Laurent Meuwly pointe clairement du doigt. «Ajla doit être plus efficace dans les dix premiers mètres. Techniquement, son pied doit venir de manière plus directe vers l'avant, sans monter aussi haut derrière. Et sur la deuxième partie d'un 100 m, elle doit parvenir à maintenir une plus haute fréquence, avec plus de relâchement», analyse le Fribourgeois au téléphone.
Tokyo en ligne de mire
Ajla Del Ponte a désormais tout loisir de travailler ces points faibles à Papendal, au Centre d'entraînement de la Fédération néerlandaise, où ses premiers tests chronométriques ont d'ailleurs été plus concluants que ceux du Wankdorf. Elle espère pouvoir rapidement prendre part à des compétitions-tests puis à des meetings officiels que Laurent Meuwly cherche à mettre sur pied aux Pays-Bas.
Mais est-ce que cela a un sens de se fixer un objectif chronométrique pour une saison si spéciale? «Je garde toujours mon objectif chronométrique en tête. Il y aura la qualification pour les JO de Tokyo à aller chercher sur 100 m», rappelle la Tessinoise, qui doit réaliser 11''15 pour satisfaire aux critères de sélection.
«World Athletics a décidé de geler la période de qualification jusqu'au 30 novembre», rappelle Ajla Del Ponte. «Mais si je réussis 11''15 cette année, cela me donnera encore plus confiance pour 2021. Si je bats mon record personnel cet été, alors j'essaierai de le battre à nouveau l'an prochain. Mais je ne veux en tout cas pas voir 2020 comme une saison vide ou perdue», conclut-elle.