Vendée Globe «J’étais à bout de forces» - Un marin évoque son calvaire

AFP

21.12.2024

Guirec Soudée (Freelance.com), 29e (sur 36) du Vendée Globe à plus de 4500 milles du leader, a raconté samedi dans un nouveau carnet de bord pour l'AFP son séjour difficile aux îles Kerguelen pour réparer son voilier endommagé par les tempêtes du grand Sud.

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"Je viens de passer le Cap Leeuwin en Australie et les conditions sont plus agréables, avec une mer moins agitée. La semaine dernière, j'ai pris une première tempête en pleine face qui a causé pas mal de dégâts sur le bateau, notamment sur une voile.

J'ai décidé d'aller me mettre à l’abri aux Kerguelen pour grimper au mât et effectuer des réparations. Là-bas, il y a énormément d'algues , c’était un vrai cauchemar pour avancer. Mais c'était aussi un endroit que j'avais toujours rêvé de voir. J'ai été accueilli par des dauphins pandas - petits, noir et blanc - et des dizaines d'oiseaux, dont pas mal d'albatros. C'était magnifique, même si la navigation était un vrai casse-tête, la topographie y est assez mal détaillée.

Après avoir longé la côte nord-est pour trouver un endroit un peu plus calme, je suis monté en haut du mât. Mais entre les algues dans mes safrans et les rafales à 35 noeuds, le bateau a commencé à se coucher.

J'étais à seulement quelques milles des côtes ! A vingt minutes près, si j'avais eu un souci dans le mât et que j'y restais coincé un peu trop longtemps, je m'échouais aux Kerguelen. Je n'avais quasiment pas de marge d'erreur. J'avais en tête l'histoire de Bernard Stamm (en 2008, ndlr) qui a décidé de s'arrêter ici et y a perdu son bateau...

Heureusement, j’ai réussi à régler mon problème de voile à temps. Ensuite, j'ai dû choisir: soit je restais coincé deux jours aux Kerguelen, soit je repartais pour affronter une nouvelle tempête assez violente.

J’ai choisi la deuxième option, mais j’ai été cueilli directement par des vents violents, avec des rafales à plus de 70 nœuds (plus de 130 km/h, ndlr) et des creux de plus de dix mètres. C'était vraiment chaud. J'ai fait plusieurs pointes à plus de 30 noeuds, je n'arrivais pas à ralentir le bateau, il était en survitesse tout le temps. J’étais hyper stressé, je croyais que le bateau allait (se) casser en plusieurs morceaux.

Quand j'ai sorti la tête de l'eau, j'ai réalisé que j'avais perdu beaucoup de distance sur mes concurrents. Pour tenir le choc pendant la tempête, je suis resté sous-toilé. Avant les Kerguelen, j’étais bord à bord avec Louis Duc, et après cette nouvelle tempête, j’avais 600 milles de retard.

J'ai dû monter encore deux ou trois autres fois au mât pour régler des problèmes de voile. Cela m’a bien épuisé, et je me suis fait mal aux cuisses à force de taper dans le gréement. Entre les montées au mât, le coup de vent et la houle, j’étais à bout de forces. Mais après quelques jours de repos, j’ai pu enfin renvoyer de la toile et repartir à bonne vitesse.

Avec le recul, je me dis que stratégiquement, je n'aurais peut-être pas dû m'y arrêter dans ces îles. Mais je suis trop content de l’avoir fait. Maintenant, je peux dire que je les ai vues, et ça restera gravé dans ma mémoire."

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