L'immense succès du documentaire «The Last Dance» dans le monde entier en confinement a dopé les ventes d'objets de collection liés à la légende de la NBA Michael Jordan. Certains se négocient aujourd'hui à plusieurs centaines de milliers de dollars.
«Le timing, c'est l'essentiel. Et le bon moment, c'est maintenant!», résume Jordan Geller. Dimanche, le collectionneur sera plus riche d'au moins 240'000 dollars, grâce à la vente chez Sotheby's d'une paire d'Air Jordan 1, le premier modèle créé spécialement par Nike pour Michael Jordan, qui faisait alors ses débuts en NBA, en 1984.
Ces deux chaussures, portées en match par le joueur des Chicago Bulls, pourraient même établir un nouveau record pour des sneakers, battu l'an dernier par la Moon Shoe de Nike vendue 437'500 dollars. Les différentes Air Jordan étaient déjà très prisées depuis 30 ans, de même que maillots et cartes de collection.
Pour beaucoup de spécialistes, l'icône du sport moderne a même largement contribué à créer le marché des baskets de collection, où seules des personnalités non sportives, comme Kanye West ou Travis Scott, peuvent aujourd'hui rivaliser avec lui. Mais le documentaire d'ESPN en dix volets sur la saga Jordan, «The Last Dance», qui a profité de l'audience mondiale de Netflix, diffuseur hors des Etats-Unis, «a changé la donne», selon Chris Ivy, responsable des objets sportifs au sein de la maison d'enchères Heritage Auctions.
«Jamais rien vu de tel»
Sur la plateforme de revente de chaussures StockX, le modèle Air Jordan 1 Chicago se vend désormais jusqu'à 1'500 dollars, contre 900 en mars (le premier épisode de «The Last Dance» a été diffusé le 19 avril). «C'est largement attribuable au documentaire, parce que c'est une chaussure qui est sur le marché depuis des années», estime Jesse Einhorn, économiste chez StockX.
Une carte de collection de l'éditeur Fleer datée de 1986 s'est vendue 96'000 dollars début mai chez Heritage, alors qu'elle ne valait encore «que» 20 à 30'000 dollars en début d'année. «Beaucoup de gens qui collectionnaient des cartes enfants ont retourné leur grenier pour retrouver leurs vieux cartons», s'amuse Geoff Wilson, fondateur de la plateforme Sports Card Investor. «Je n'ai jamais rien vu de tel», avoue Chris Ivy. «On parle d'un joueur qui a pris sa retraite depuis longtemps (2003).»
Et l'engouement s'étend au-delà de ce qui concerne directement Jordan et du monde des collectionneurs. Les ventes d'articles siglés Bulls sont en hausse de 400% en mai (par rapport à l'an dernier) sur le site de vente de produits dérivés sportifs Fanatics.
«The Last Dance» a resitué Michael Jordan dans l'histoire du sport pour une génération qui se nourrit d'immédiateté et n'a pas connu le no 23 joueur. «Il est certain que le documentaire a fait grimper l'intérêt pour Jordan, mais je ne pense pas que tout ceci va retomber», dit Chris Ivy au sujet des objets de collection.
Bientôt le million?
«Aujourd'hui, les vieux collectionneurs (américains) veulent du baseball, pour acheter (les cartes de) leurs héros de jeunesse», explique Geoff Wilson. «Mais les héros des jeunes collectionneurs, ce sont Michael Jordan, LeBron James ou Kobe Bryant.»
Le marché des sneakers de collection arrive à maturité, soutenu par une nouvelle génération d'amateurs, comme le montrent l'émergence de plateformes d'échange et les prix réalisés lors de ventes aux enchères ces trois dernières années. A la différence du baseball, sport largement cantonné aux Etats-Unis et au Japon, le basket a une portée mondiale, et les collectionneurs se manifestent sur toute la planète, souligne Chris Ivy.
«Collectionner des baskets et les revendre, c'était une activité confidentielle, qui concernait quelques passionnés», explique Jordan Geller. «Mais c'est devenu grand public maintenant.» Et le mouvement n'a pas échappé aux équipementiers, qui ont adapté leurs stratégies de marketing et de promotion en conséquence. «Les marques sortent de plus en plus d'éditions limitées, en petites quantités et la demande flambe», abonde Geller.
«Depuis dix ans, l'importance des baskets a explosé et des collectionneurs jusqu'ici intéressés par des catégories d'objets plus traditionnels suivent ça de près», souligne Brahm Wachter, responsable du développement du commerce en ligne pour Sotheby's. A l'image de la paire vendue chez Sotheby's, des objets d'époque ou ayant appartenu à Jordan se situent dans une autre catégorie de prix que les séries limitées de «sneakers» qui sortent régulièrement.
Franchira-t-on un jour le million de dollars? «Je le pense», dit Chris Ivy, qui tente actuellement d'organiser la vente d'un objet qui pourrait, selon lui, atteindre ce prix.