«J'ai l'impression que ça fait six ans que j'ai été opérée»: victime d'une déchirure d'un ménisque en janvier au premier jour d'un camp d'entraînement en Afrique du Sud, Sarah Atcho doit doublement prendre son mal en patience. «Le monde s'est arrêté», souffle-t-elle.
«La vie s'est mise en pause», poursuit la Vaudoise, jointe au téléphone par Keystone-ATS. «Mais on n'est pas les plus à plaindre en Suisse: on peut sortir, on peut courir», rappelle l'une des membres du relais 4x100 m qui a été désigné équipe suisse de l'année grâce à la 4e place obtenue aux Mondiaux de Doha l'automne dernier.
Ce (semi-)confinement, Sarah Atcho le vit à St-Gall, où elle s'entraîne depuis le printemps dernier et où elle partage désormais un appartement avec son compagnon. Elle s'est tout de même permis une brève escapade en terre vaudoise à Pâques, pour voir sa famille. «Mais on a respecté les mesures d'hygiène», précise-t-elle.
«On portait des masques, on gardait nos distances. Mon papa est quelqu'un de relativement à risques. C'est ultra-bizarre de ne pas pouvoir l'embrasser», glisse-t-elle. «Mais je prendrais certainement jamais un tel risque», enchaîne la vice-championne d'Europe M23 du 200 m en 2017.
Un genou à renforcer
Sarah Atcho, qui aura 25 ans le 1er juin, attend sagement son heure. «J'essaie de me maintenir en forme. Je fais encore un peu de rééducation, et j'intègre peu à peu le programme d'entraînement de mon groupe», explique la troisième Suissesse la plus rapide de l'histoire sur 100 m (11''20) comme sur 200 m (22''80).
«J'ai par ailleurs de la chance, car le centre médical dans lequel j'effectue ma physiothérapie n'a pas fermé ses portes», souligne-t-elle. «C'est sans doute grâce à mon statut de sportive d'élite que j'ai pu poursuivre mes séances. Mais j'ai besoin de récupérer 100% de mes capacités physiques.»
Ce qui n'est pas encore le cas. L'athlète de Lausanne-Sports, qui sort d'un exercice 2019 compliqué sur le plan individuel (11''63 sur 100 m et 23''23 sur 200 m comme meilleurs chronos), est forcément loin de son meilleur niveau. Mais le temps joue en sa faveur, avec une saison 2020 coincée dans les «starting blocks».
Sarah Atcho s'entraîne presque exclusivement à domicile. «J'ai une barre de musculation. Et un club de fitness de Lausanne m'a prêté un vélo d'appartement», souligne la Vaudoise, qui teste son genou meurtri sur une «énorme» montée d'escaliers se situant près de chez elle. «Je fais des efforts de 10 à 25 secondes», précise-t-elle.
Difficile de toute manière de penser performance en ces temps de crise. «On ne sait pas si l'on pourra disputer la moindre compétition cet été. Je n'arrive pas à voir un objectif. C'est difficile à accepter quand on avait l'esprit fixé sur une date précise depuis près de quatre ans», souligne-t-elle.
Elle fait évidemment référence au report à 2021 des JO de Tokyo, qu'elle s'imaginait encore devoir préparer dans l'urgence il y a tout juste un mois. «En relais (réd: où elle fait équipe avec Mujinga Kambundji, Salomé Kora et Ajla Del Ponte), on est performantes depuis trois bonnes années. On se dit désormais qu'on a un an de plus pour peaufiner nos automatismes», lâche-t-elle.
Une indépendante qui a des craintes
En attendant de pouvoir retrouver les pistes, Sarah Atcho occupe son temps libre comme elle peut, entre interminables parties de jeux de stratégie et réseaux sociaux. «C'est pour tuer le temps que je suis autant présente sur Instagram ces dernières semaines. Cela n'a absolument rien à voir avec des demandes de sponsors», assure-t-elle.
Coronavirus oblige, la Vaudoise se montre d'ailleurs particulièrement précautionneuse avant de poster la moindre chose. «Je réfléchis à la perception qu'en auront les plus jeunes, qui ne comprennent pas toujours les recommandations du Conseil fédéral. Je suis jeune moi aussi, et ne poste que des images tournées chez moi», explique-t-elle.
Sarah Atcho aura appris une chose depuis le début de la crise: «La stabilité financière peut être bouleversée en deux jours, en deux heures, en deux minutes. Je suis une indépendante. Si mes sponsors me quittaient, cela deviendrait vite compliqué. Heureusement, je ne suis pas dépensière. Et mes sponsors m'ont contactée pour me rassurer. Je les remercie de leur soutien», conclut-elle.