L'ancien patron mondial de l'athlétisme Lamine Diack, jugé pour corruption à Paris, a assumé jeudi devant le tribunal la décision d'échelonner des poursuites disciplinaires contre des athlètes russes dopés.
Il s'agissait pour lui de «sauver la santé financière» de la fédération internationale (IAAF), tout en réfutant une partie des faits.
Le Sénégalais de 87 ans a notamment refusé d'établir clairement un lien entre la gestion des cas de dopage russe et un financement d'1,5 million de dollars pour contribuer à la défaite de son rival Abdoulaye Wade à la présidentielle de 2012 dans son pays.
Fin 2011, grâce à un nouvel outil de détection, le passeport biologique, le département antidopage de l'IAAF dispose d'une liste de 23 athlètes russes soupçonnés de dopage sanguin.
«Qui a pris la décision qu'il fallait étaler» les sanctions disciplinaires? «C'est moi, tout le monde a dit: 'casse-cou président'», a assumé Lamine Diack, rejoignant la version de l'ancien chef du département antidopage de l'IAAF, Gabriel Dollé, interrogé lundi.
«C'était principalement pour la santé financière de l'IAAF», a ajouté Diack, car la révélation d'autant de cas aurait provoqué un scandale et pesé sur des négociations avec des sponsors.
«Il fallait que la santé financière (de l'IAAF) soit sauvegardée, et j'étais prêt à faire ce compromis», a-t-il insisté, au milieu de réponses parfois décousues et peu intelligibles.
Durant l'enquête, Lamine Diack a déjà reconnu que les sanctions avaient été échelonnées pour ne pas plomber l'image de la Russie avant les Mondiaux 2013 de Moscou, alors que l'IAAF négociait le renouvellement de contrats de sponsoring et de diffusion avec la banque d'Etat VTB et la chaîne RTR, des entreprises russes. Ce retard a permis à plusieurs athlètes de participer aux JO de Londres, et pour certains d'être médaillés.
Les juges d'instruction ont aussi renvoyé certains des six prévenus, dont Lamine Diack et son fils Papa Massata Diack, ancien conseiller marketing de l'IAAF, pour le racket d'athlètes russes, obligés de payer plusieurs centaines de milliers d'euros à des maîtres chanteurs pour pouvoir bénéficier d'une «protection totale» vis-à-vis de l'antidopage. Lamine Diack a réaffirmé qu'il n'était pas au courant.
L'interrogatoire de Lamine Diack se poursuivait jeudi. Son fils, qui a refusé de comparaître, est visé par un mandat d'arrêt international.