Avec Milan – Sanremo samedi, le premier «monument» de la saison, les sprinters vont à nouveau jouer le premier rôle, à moins d'une grande surprise. Les rois de la ligne droite d'arrivée sont une denrée rare parmi les Suisses.
La saison du World Tour 2021 n'est pas encore vieille d'un mois que la petite fraction de coureurs suisses a pu se réjouir avec quatre places sur le podium de la plus haute catégorie. Ceci même si Marc Hirschi, le plus grand espoir helvétique, ne reprendra la compétition qu'au Tour de Catalogne la semaine prochaine.
Deux jeunes coureurs de la nouvelle génération helvétique ont émergé sous les feux de la rampe avec Stefan Bissegger et Gino Mäder. Le Thurgovien a fêté sa première victoire chez les professionnels à l'occasion du contre-la-montre de Paris – Nice, après sa deuxième place derrière le champion du monde Filippo Ganna au chrono de l'UAE Tour.
L'étape-reine de Paris – Nice a failli aussi sourire à un Suisse puisque Gino Mäder a été rattrapé et dépassé à 20 m de la ligne par Primoz Roglic. Stefan Küng a lui aussi apporté sa pierre à l'édifice avec son deuxième rang du contre-la-montre de Tirreno où il a devancé Ganna mais a dû plier devant le Belge Wout van Aert.
Ces excellentes performances des Suisses laissent espérer une belle présence dans les classiques du printemps. La première d'entre elles a lieu samedi à l'occasion de la Primavera sur près de 300 km de long. Elle peut être apparentée à une classique pour les sprinters. Des cinq monuments, c'est celui qui se prête le plus à une arrivée groupée sur la Via Roma.
Seul Freuler
D'un point de vue suisse, ce n'est guère un avantage. En cas d'arrivée massive, les chances de victoire d'un coureur helvétique sont quasi nulles. C'est presque une tradition: la Suisse n'est pas un pays de sprinters. Urs Freuler fut la grande exception avec aussi, dans une moindre mesure, Gilbert Glaus au début des années 80.
Freuler, fort de ses dix titres mondiaux sur la piste, s'était aussi fait un nom comme sprinter sur la route. En 1981, il avait remporté la 7e étape du Tour de France à Bordeaux au terme d'un sprint massif. Au Giro, il n'a pas fêté moins de 15 succès d'étape. Il est le meilleur sprinter qu'a connu le cyclisme suisse.
Depuis, la Suisse n'a plus formé un coureur capable d'imposer sa pointe de vitesse en cas d'arrivée massive. Un regard sur la philosophie de la formation de la Fédération suisse livre une explication sur le manque de coureurs de cette définition.
Changement de vision
Avant que Küng, Hirschi, Bissegger et Cie aient lancé leur carrière sur la route, ils ont transpiré sur la piste. Swiss Cycling dirige les coureurs vers une formation axée sur les disciplines d'endurance avec la poursuite par équipes comme étendard. Le résultat de cette stratégie est bien visible: dans les grandes compétitions, les médailles sont régulièrement au rendez-vous, en poursuite individuelle (Küng), en Madison (Marvulli/Risi) ou en Scratch (Marvulli). En revanche, les disciplines de la vitesse (sprint) sont clairement délaissées.
Toutefois, la fédération a quelque peu changé de vision ces dernières années comme Beat Müller, le responsable performance de Swiss-Cycling l'a confirmé à Keystone-ATS: «Nous voulons miser à l'avenir davantage sur les sprinters». La raison est évidente. Un sprinter avec de grandes qualités est un vainqueur en série potentiel. Ou comme le dit Müller: «Un bon sprinter ramène plus souvent un bouquet de fleurs à la maison.» Il est clair que dans un grand tour, les possibilités de gagner une étape au sprint sont plus grandes que de remporter un contre-la-montre, discipline-phare des Suisses.
Pour trouver le prochain Urs Freuler, on attaque le problème par la racine chez Swiss Cycling. On investit dans la détection de talents. Le but n'est plus de dénicher des athlètes avec un fort potentiel d'endurance mais aussi de découvrir des jeunes cyclistes – hommes ou femmes – avec des qualités de sprinter au-dessus de la moyenne.
Samedi, la Suisse s'en remettra à trois coureurs seulement: le routinier Michael Schär et Simon Pellaud et Stefan Bissegger, tous les deux néophytes sur la Primavera, tenteront de passer le Poggio avec les meilleurs pour décrocher un classement honorable à Sanremo.