Il fut le premier Suisse à inscrire son nom au palmarès de la Vuelta. Le 17 mai 1992, Tony Rominger était couronné au terme de trois semaines de course devant les Espagnols Montoya et Delgado.
Lorsque Tony Rominger a pris le départ du Tour d'Espagne en avril 1992, il comptait déjà quelques beaux succès à son actif. Il avait remporté une étape du Giro (1988), le Tour de Lombardie (1989), le Tour de Romandie (1991) et Paris – Nice (1991).
Le Zougois n'avait pourtant pas encore apporté la preuve qu'il pouvait passer le cap d'une course de trois semaines avec une place sur le podium. Que ce soit au Giro, au Tour de France ou à la Vuelta, après un début tonitruant, il connaissait toujours une baisse de régime qui lui enlevait toute chance de bien figurer.
Pour sa huitième participation à un grand tour, tout allait changer. Rominger ne fut pourtant pas épargné par les ennuis lors des premiers jours de cette 47e Vuelta. Après une chute survenue lors de la 5e étape, il se plaignait de douleurs à l'épaule et au genou. Diminué, il avait concédé beaucoup de temps à l'opposition lors du contre-la-montre de la première semaine. Il se retrouvait loin du vainqueur, le Néerlandais Erik Breukink.
Rominger allait effacer ses coups durs. En montagne, il était nettement supérieur à tous ses adversaires. Quand à deux jours de la fin se présenta le contre-la-montre de Fuenlabrada, il avait retrouvé toute sa puissance dans son exercice de prédilection. Il a déclassé ses plus redoutables concurrents, Pedro Delgado et Jesuis Montoya. Il devenait le premier Suisse à gagner une étape sur la Vuelta et à endosser le maillot de leader. «Désormais, seule une chute peut m'arrêter», avait-il lâché le soir de sa prise de pouvoir.
Rominger avait le droit de fanfaronner. Le lendemain, il s'adjugeait avec le soutien de son équipe Clas l'étape de montagne parsemée de trois cols qui se terminait à Ségovie. Le dimanche 17 mai 1992, il était sacré à Madrid.
Succès déclencheur
Pour le cyclisme suisse, ce triomphe a pris une ampleur historique. Depuis Carlo Clerici, qui avait remporté le Giro en 1954, plus aucun Suisse n'était parvenu à s'imposer dans un des trois grands tours.
Avec son succès au général, Rominger, qui compte 94 victoires à son palmarès professionnel, donnait le coup d'envoi à une formidable série de succès suisses au Tour d'Espagne. Le Zougois réussissait le triplé avec ses victoires finales en 1993 et 1994. Il est toujours le seul coureur à avoir réussi trois succès de rang. Seul Roberto Heras compte une victoire de plus.
Alex Zülle a perpétué la bonne série helvétique en 1996 avec un podium entièrement suisse où on trouvait Laurent Dufaux, 2e, et Rominger, 3e. Le Saint-Gallois gagnait encore une fois en 1997. C'est la dernière fois qu'un Suisse a inscrit son nom au palmarès d'un grand tour.
Homme discret mais dans la lumière
Rominger n'a jamais été un homme à faire beaucoup de tintamarre. Il ne recherchait pas trop le contact avec le public et les journalistes. «Je préfère rester tranquille dans mon coin», avait-il souligné après son premier succès à la Vuelta.
Ses exploits ne servaient pas ses intentions de rester en marge de la popularité. En 1995, il a réussi une performance exceptionnelle au Giro en endossant le maillot rose le deuxième jour pour le conserver jusqu'à la fin. Seule la victoire au Tour de France s'est toujours refusée à lui. Il a toujours buté sur un Miguel Indurain qui a enquillé cinq succès entre 1991 et 1995. Il avait livré un duel de toute beauté avec l'Espagnol en 1993 où il avait terminé dauphin du rouleur de la Banesto.
Même après sa retraite en fin de saison 1997, l'intérêt sur sa personne ne s'est pas estompée. Un mariage suivi d'un divorce avec la chanteuse folklorique Francine Jordi ou une paternité non désirée ont fait les choux gras de la presse «people». Après sa carrière, l'ancien recordman de l'heure a été consultant pour Eurosport Allemagne ou directeur de course au Tour de Suisse. Il a également été le manager de coureurs pris dans la nasse du dopage comme Alberto Contador ou Alexandre Vinokourov. Lui-même n'a jamais été contrôlé positif bien que tous ses succès aient été acquis à une période où l'usage de l'EPO était largement répandu dans le peloton.
Aujourd'hui à 59 ans, le Zougois organise des vacances cyclistes. Celui qui fut élu à quatre reprises «Sportif suisse de l'année» reste ainsi connecté au monde du vélo.