Consultant RTS et ancien coureur professionnel, Daniel Atienza dresse pour Bluewin.ch le bilan d'un début de saison exceptionnel. Le Moudonnois revient évidemment sur le phénomène Mathieu van der Poel et se projette sur le Giro ainsi que sur le Tour de France. Interview.
Daniel Atienza, quel bilan dressez-vous de ce début de saison, notamment des classiques?
"Nous avons, avant tout, vécu une belle saison de classiques. Depuis le nombre d'années que je suis le cyclisme, en tant qu'acteur dans un premier temps puis en tant que passionné et consultant maintenant, il s'agit d'une des plus belles saisons de classiques depuis très longtemps. Les favoris ont toujours attaqué de loin. Nous avons vu des courses de très haut niveau, avec du spectacle et du suspense. J'ai, d'ailleurs, eu le privilège de commenter l'Amstel Gold Race. Je peux vous assurer que je ai rarement vu une course avec autant de suspense. Tout le monde pensait que l'échappée irait au bout, c'est finalement revenu de l'arrière avec la victoire de Mathieu van der Poel. Au niveau du spectacle, nous ne pouvions difficilement rêver mieux."
Pouvons-nous résumer ces classiques en un duel entre Julian Alaphilippe et Jakob Fuglsang?
"Et Mathieu van der Poel! Ce dernier est une découverte, Julian Alaphilippe est une confirmation, alors que Jakob Fuglsang se révèle à 34 ans. D'autres coureurs ont tenté d'animer les classiques, mais ces trois-là étaient au-dessus du lot. Il ne faut toutefois pas oublier le triomphe de Philippe Gilbert sur Paris-Roubaix. Beaucoup de grands champions se sont illustrés."
Beaucoup de coureurs ont donc brillé. Y a-t-il néanmoins des cyclistes qui vous ont déçu? Nous pensons notamment à Peter Sagan...
"Je pense plutôt que c'est la marque des champions. Des fois, nous sommes bien, des fois nous sommes moins bien. Peter Sagan a été malade, sa condition physique n'est ensuite jamais arrivée. Il avait également des problèmes personnels. Donc, pour ces différentes raisons, c'était une année sans, tout simplement. Cela montre aussi au public que les champions sont comme tout le monde. Je pense tout de même que Sagan a les moyens d'encore réaliser une grande saison. Il a certes loupé sa campagne de classiques, mais cela ne veut pas dire qu'il va se rater sur le Tour de France ou lors des Championnats du monde. Il faudra faire le bilan de la saison de Sagan à la fin de l'année. Pour l'instant, nous pouvons dire que le Slovaque s'est clairement manqué sur les classiques. Cela peut arriver, mais il reste un immense champion."
En parlant de champion, vous avez évoqué Mathieu van der Poel tout à l'heure. Jusqu'où peut-il aller?
"Il s'agit d'une révélation au niveau de la route, mais il était déjà un champion hors du commun en cyclocross. Ce qu'a montré Mathieu van der Poel en ce début de saison dépasse beaucoup de choses que nous avons pu voir dans le cyclisme. Au-delà des résultats, je pense que c'est son caractère de champion qui est impressionnant. Par exemple, sur le Tour des Flandres, il tombe et revient en solitaire. Sur l'Amstel Gold Race, tous les suiveurs et tous les coureurs pensaient que la course était pliée, c'est encore lui qui ramène tout le monde et qui trouve des ressources pour aller sprinter et gagner. Mathieu van der Poel a des qualités physiques hors du commun, mais il a également démontré que, mentalement, il était au-dessus du lot. C'est pourquoi nous sommes au devant d'un grand champion qui va marquer sa génération."
Un grand champion qui va marquer sa génération uniquement sur les classiques ou peut-il également viser les courses par étapes?
"Mathieu van der Poel est purement un coureur de classiques. Il est grand, musclé et dispose d'un gabarit imposant. A mon avis, il ferait une erreur en se spécialisant sur les courses par étapes. Il peut, en effet, se construire un palmarès extrêmement important sur les classiques."
Outre la route et le cyclocross, Mathieu van der Poel est aussi très fort en VTT. Le Néerlandais a d'ailleurs annoncé viser l'or en cross-country aux Jeux olympiques de Tokyo 2020. Comment doit-il gérer ces trois disciplines?
"Cette polyvalence fait sa force. Pour avoir discuté avec son entourage, Mathieu van der Poel est quelqu'un qui se détache complètement de ce qu'il fait. Par exemple, il s'amuse encore sur son téléphone une demi-heure avant le départ d'une course de Coupe du monde de cyclocross. Il ne laisse aucune énergie en dehors de la compétition et veut tout simplement s'amuser. Il aime faire joujou en VTT, en cyclocross ou sur la route. Pour lui, son métier est un jeu. Tant qu'il garde cette mentalité, qu'il ne se met pas de pression, il sera redoutable."
Redoutable, Egan Bernal l'a également été en ce début de saison. Quels autres coureurs vous ont marqué depuis la reprise?
"Il y a effectivement Egan Bernal. Il a remporté le Tour de Colombie et, surtout, Paris-Nice. Je citerais aussi la révélation Alberto Bettiol, qui a gagné le Tour des Flandres. En début de saison, nous sommes toujours un peu focalisé sur les classiques. Mais des cyclistes comme Adam Yates brillent aussi sur les courses par étapes. Cette année, nous avons vraiment une grande palette de coureurs de très haut niveau qui se sont déjà montrés. Les grands noms ont été présents dès le début de la saison."
Le Tour d'Italie débute samedi à Bologne. A quoi pouvons-nous nous attendre?
"Primoz Roglic a montré sur le Tour de Romandie qu'il fera partie des favoris. Adam Yates et Vincenzo Nibali seront également des prétendants à la victoire finale. L'Italien s'est, d'ailleurs, préparé spécifiquement pour ce Giro et devrait être très fort. Le Tour d'Italie sera d'un très haut niveau cette année."
Finalement, l'évènement que tout le monde attend est évidemment le Tour de France. Le Team Ineos va-t-il encore dominer cette course?
"Depuis plusieurs saisons, la Grande Boucle est chasse gardée pour Ineos. Cette année, on prend les mêmes et on recommence. Christopher Froome devrait être très fort, Geraint Thomas est monté en puissance sur le Tour de Romandie après un début de saison catastrophique. Il est largement dans les temps pour arriver au top de sa forme début juillet. L'équipe Ineos sera donc très difficile à battre. Les autres formations devront donc provoquer quelque chose, mais je dirais que ce Tour de France va encore tourner autour d'Ineos et de ses leaders."