Le président de la FIS Johan Eliasch qualifie les Mondiaux de ski alpin qui viennent de s'achever à Courchevel et Méribel de «meilleurs de tous les temps», dans une interview accordée à Keystone-ATS. Ses priorités sont de devenir plus global et de briser la domination de pays alpins comme la Suisse et l'Autriche.
Johan Eliasch, quel jugement portez-vous sur les Championnats du monde de Courchevel et de Méribel ?
«Ce sont les meilleurs championnats du monde de l'histoire de la FIS. J'ai eu le sentiment que les gens étaient très, très heureux, que ce soit les athlètes, les entraîneurs ou les spectateurs. Cela n'aurait pas pu être mieux. Les audiences télévisées ont également été excellentes».
Même s'il s'agissait des meilleurs championnats du monde, la compétition par équipe et les courses parallèles ont fait et font encore l'objet de discussions.
«Oui, j'ai entendu cela. Ce qui est intéressant, c'est que les nombreux spectateurs ici, les coureurs – tous ont adoré les courses. Cela ne facilite pas la décision».
Vous faites allusion à la décision qui pourrait être prise prochainement par le conseil d'administration de la FIS d'adapter le futur programme des championnats du monde et de supprimer ces compétitions ?
«Il s'agit d'une discussion en cours depuis un certain temps déjà. Ici à Méribel, nous avons vu que la compétition par équipes ainsi que les courses parallèles sont des événements populaires et qu'ils attirent beaucoup de monde. Maintenant, nous devons voir ce que nous en faisons».
Où en est le combiné, qui fait l'objet de controverses depuis des années ?
«Si nous avons des athlètes qui sont compétitifs à la fois en slalom et en super-G, c'est une discipline formidable. Mais le fait est qu'il y avait trop peu de coureurs sur les listes de départ de ces courses et que la décision dans la deuxième manche était déjà prise après seulement cinq coureurs. Si nous voulons continuer avec le combiné, nous devons trouver le bon format pour cela».
Lequel par exemple ?
«Des discussions sont maintenant en cours pour que nous organisions un combiné par équipe (réd: avec un coureur pour le super-G et un autre pour le slalom, comme cela a déjà été appliqué au niveau des championnats du monde juniors). Nous devons tester cela encore plus».
Le Secrétaire général Michel Vion a fait des déclarations ces derniers jours laissant à croire que ce changement est déjà pratiquement acquis...
«Non. C'est actuellement en discussion dans les instances compétentes».
Lors de ces championnats du monde, les médailles ont été remportées par des coureurs de seulement neuf pays.
«C'est précisément pour cette raison que je m'efforce de rendre le ski de compétition plus global. Pas seulement dans le domaine alpin, en Autriche ou en Suisse. De toute façon, tout le monde skie déjà en Autriche et en Suisse. Dans ces deux pays, il ne faut pas s'attendre à beaucoup de croissance avec notre sport. Nous devons donc générer de la croissance ailleurs».
Où ?
«En Asie. Dans des pays comme la Chine. Mais aussi aux États-Unis. Là-bas, les gens font du ski, mais ils ne sont pas intéressés par les épreuves de la Coupe du monde».
Pensez-vous vraiment qu'à l'avenir, les Américains suivront avec enthousiasme les courses de ski, en plus du football américain, du basketball ou du baseball ?
«Nous devons essayer. Car nous sommes également menacés dans les pays clés du ski, c'est-à-dire l'Allemagne, la Suisse et l'Autriche, et nous devons rivaliser avec d'autres sports pour attirer notre public. Ce combat, nous devons et voulons le gagner».
Pouvez-vous expliquer cela plus en détail ?
«Il s'agit de nombreuses choses qui doivent mieux fonctionner ensemble. Prenons par exemple les retransmissions télévisées des courses de ski: celles-ci doivent devenir plus passionnantes. C'est pourquoi on utilise désormais des drones et davantage de données. La télémétrie aussi. Des gadgets cools, en somme. Des séries documentaires sur les athlètes. Nous voulons être plus interactifs avec le téléspectateur devant sa télévision. Notre objectif est aussi d'être plus attractif pour les fans sur place, afin qu'ils viennent plus nombreux aux courses».
Y a-t-il d'autres points à aborder ?
«Nous devons également investir davantage dans les fédérations nationales de ski du monde entier afin de les aider à faire en sorte que le ski puisse se développer dans leur pays. La FIS compte 142 associations membres».
Cependant, seule la moitié d'entre elles environ sont des membres à part entière.
«Cela n'a pas d'importance. D'une manière générale, nous, à la FIS, devons nous préoccuper de pouvoir mettre à la disposition de nos membres plus de ressources qu'auparavant.»
Votre objectif déclaré est d'organiser davantage de courses aux États-Unis, en Asie et même en Amérique du Sud. En même temps, vous voulez réduire l'empreinte carbone. Comment cela peut-il réussir ?
«Cela semble contradictoire. Mais grâce au sport, on est plus entraîné et en meilleure santé, et on se nourrit aussi plus sainement. Une alimentation saine a justement un impact immense sur notre empreinte carbone globale. Donc, plus nous convaincrons de gens pour le sport, mieux ce sera».
Le calendrier de la Coupe du monde de ski alpin, qui prévoit cet hiver une deuxième incursion de l'Europe vers l'Amérique du Nord chez les hommes, pourrait toutefois être mieux planifié...
«En fait, nous devons nous efforcer d'organiser le calendrier de la manière la plus efficace possible, afin de ne pas nous déplacer inutilement. Nous devons également remettre en question nos schémas de manière très précise pour savoir quand nous allons où».
Pour l'instant, en tant que personne extérieure, on a l'impression que la FIS est peu unie. Il y a de grandes associations nationales qui ne sont pas satisfaites de la voie que vous avez choisie. Quel est votre concept pour ramener ces fédérations dans le bateau ?
«Il y a trois fédérations, c'est-à-dire la Suisse, l'Autriche et l'Allemagne, qui ont une vision différente des choses concernant la direction dans laquelle la FIS doit évoluer».
Ne sont-elles vraiment que trois ?
«Peut-être quelques-unes de plus. Mais nous savons qu'une très grande majorité des membres est d'accord avec la direction dans laquelle la FIS se dirige désormais. Et beaucoup me demandent: pourquoi y a-t-il des retards et pourquoi n'avance-t-on pas plus vite?»
Que leur répondez-vous ?
«Que dans toute démocratie saine, il y a des opinions différentes. Mais une fois que la majorité a décidé de la direction à prendre, les autres doivent aussi participer et suivre cette direction. Ce n'est malheureusement pas le cas chez nous. Mais à la FIS, nous devons faire ce qui est le mieux pour le sport, pas ce qui est le mieux pour certaines personnes ou certaines fédérations».
Si les désaccords persistent et s'amplifient, craignez-vous une scission au sein de la FIS si, par exemple, l'organisation des fédérations de ski des pays alpins, qui réunit 13 nations et qui devrait bientôt s'agrandir, devient de plus en plus importante ?
«Au final, le nombre de fédérations qui se regroupent en sous-organisations n'a aucune importance. Ce qui compte, c'est la vision majoritaire des membres de la FIS, qui déterminent la direction à prendre. Celui qui veut participer aux Championnats du monde FIS, à la Coupe du monde FIS ou aux Jeux olympiques doit être membre de la FIS».
Comment décririez-vous votre relation avec le président de Swiss-Ski, Urs Lehmann ?
«Dans une organisation comme la FIS, on pourrait s'attendre à ce que quelqu'un contribue à faire avancer les choses. C'est décevant de voir que ce n'est pas le cas d'Urs Lehmann».
La centralisation que vous souhaitez pour les droits médiatiques est également un point de discorde. En tant que président de la FIS, vous ne voulez tout simplement plus tenir compte de contrats dont certains sont encore valables plusieurs années.
«Permettez-moi de m'expliquer: ces droits appartiennent à la FIS. C'est la FIS qui transmet ces droits – année après année – par exemple à Swiss-Ski. Si la FIS décide maintenant, ici et maintenant, qu'il n'en sera plus ainsi à l'avenir, ces fédérations n'auront plus de droits à transmettre».
Or, les fédérations que vous avez citées voient clairement les choses différemment.
«Il y a déjà un jugement d'un tribunal de Zoug qui soutient notre point de vue. Cela signifie que la FIS a toute latitude pour faire ce qu'elle veut de ces droits».