Vainqueur du géant de Beaver Creek à 35 ans, Thomas Tumler entre dans une nouvelle dimension que personne n'imaginait. Pour le Grison, cette première victoire en Coupe du monde est surtout une récompense pour n'avoir pas abandonné.
Les yeux de Thomas Tumler sont forcément humides. Cette Birds of Prey où il avait décroché son premier podium il y a six ans, vient de lui offrir son premier succès en Coupe du monde. Alors les sentiments se bousculent dans la tête et les mots s'entrechoquent dans la bouche. Mais le Grison est fier de ce qu'il a accompli à 35 ans. Interview.
Thomas, est-ce que devez vous pincer pour réaliser ce qui vous arrive? Troisième du géant des finales de la Coupe du monde à Saalbach en mars dernier et maintenant la victoire à Beaver Creek.
«Cela fait tout simplement du bien d'avoir réussi. J'étais généralement loin des meilleurs. Souvent, il semblait que je ne pourrais plus jamais y arriver. Le fait que cela se soit passé comme ça, c'est un rêve qui devient réalité.»
Vous avez réalisé une première manche de rêve...
«Mon premier run était sensationnel, mais j'aurais préféré me retrouver dans la position du chasseur et pas du chassé. Je suis très fier d'avoir su gérer une situation inconnue pour moi. Le sentiment est incroyable. Entre les deux manches, je me suis changé les idées sans faire les choses différemment. Mais c'était très spécial d'être le dernier en haut. Les intervalles sont longs alors on a le temps de réfléchir, mais j'ai réussi à me concentrer. Avant, je voulais souvent trop en faire. Je réussissais un bon inter, mais je faisais une grosse erreur. Maintenant je suis plus calme et je gère mieux le stress et la pression.»
Vous aviez prédit cette victoire?
(il rit) «Lorsque le calendrier de la Coupe du monde a été publié, j'ai dit à ma femme «C'est bien, le géant de Beaver Creek est de nouveau au programme. Je vais le gagner». Quand j'étais assis sur le fauteuil de leader, ces phrases me sont revenues.»
Qu'est-ce qui vous a permis de rester dans le sport de haut niveau, vous étiez convaincu qu'un jour cela finirait par arriver?
«A l'entraînement, j'ai toujours eu le sentiment que beaucoup de choses étaient possibles. Mais lors des courses, je n'avais souvent pas le dossard qui m'aurait permis de me classer parmi les dix premiers. Il a souvent fallu peser le pour et le contre. D'une part, je voulais marquer des points en Coupe du monde, et d'autre part, je voulais plus. Cette dualité m'a souvent freiné.»
Quand est-ce que ça a basculé?
«Voici deux ans, j'ai terminé 31e lors des deux géants d'Alta Badia. Avec un peu plus de chance, j'aurais pu obtenir des points importants pour améliorer mon dossard. C'est là que j'ai hésité. Puis il y a eu le géant d'Adelboden, où j'ai obtenu pour la première fois un bon résultat, et celui de Schladming, où je me suis qualifié pour les Mondiaux. D'avoir obtenu une place au sein d'une équipe aussi forte m'a donné un coup de fouet. Je dois aussi dire merci aux entraîneurs qui ont cru en moi. Il y a trois ans, je ne remplissais aucun critère pour rester dans le cadre de Swiss-Ski. Ils auraient pu me renvoyer au niveau régional et ma carrière aurait été terminée.»
Comment va votre dos qui vous a souvent ennuyé?
«La semaine avant Sölden, je pensais que ma carrière était définitivement terminée. J'avais attrapé un lumbago, mais cela ressemblait à une hernie discale. Je ne pouvais plus bouger et je pouvais à peine sortir de la voiture. C'était comme si le monde s'écroulait. Heureusement, je me suis vite rendu compte que c'était un souci musculaire et deux jours après, tout était rentré dans l'ordre.»
Est-ce que les longues pauses forcées que vous avez connues par le passé vous aident à être en meilleure condition physique à un âge avancé que si vous aviez couru dix hivers d'affilée?
«Peut-être, oui. La motivation est certainement plus grande. Mais je me sens très bien physiquement, pas comme un coureur de 35 ans. Comme je ne fais plus que les géants, j'ai beaucoup moins de stress. Quand je vois le programme de Marco Odermatt, Justin Murisier ou Gino Caviezel, je me dis de temps en temps que je n'y arriverais plus. C'est aussi pour ça que j'ai décidé de ne plus faire les Super-G malgré quelques résultats intéressants.»