Roland-Garros Le boycott d'Osaka, cas isolé ou signe de tensions ?

ATS

1.6.2021 - 18:41

1.6.2021 - 18:41

Moments de vérité, pétage de plombs ou crises de larmes: les conférences de presse qui suivent les matchs de tennis ont parfois donné lieu à quelques moments d'anthologie. Jusqu'à la décision radicale de Naomi Osaka de les boycotter, posant la question de l'effet de cet exercice imposé sur la «santé mentale» des sportifs.

Boycottant la presse à Roland-Garros, Naomi Osaka a préféré déclarer forfait.
Boycottant la presse à Roland-Garros, Naomi Osaka a préféré déclarer forfait.
Keystone

«Cela revient à frapper sur une personne qui est déjà à terre». Naomi Osaka (WTA 2) n'a pas mâché ses mots pour exprimer son angoisse face aux conférences de presse. «Souvent, on nous pose des questions qu'on nous a déjà posées (...) ou qui nous font douter. Je ne vais pas me soumettre à des personnes qui doutent de moi», avait-elle souligné en annonçant son refus de rencontrer les journalistes pendant Roland-Garros, quelques jours avant son forfait.

«Foutaise»

Alors Naomi Osaka, cas isolé ou signe d'une tension latente dans les rapports entre les journalistes et les sportifs ? Venir en conférence est parfois «un moment difficile», admettent certains joueurs. Livrer ses sentiments juste après une défaite, répondre à des questions plus ou moins pertinentes quand on a juste envie d'aller se reposer, n'est pas toujours plaisant.

Certains comme Venus Williams le font d'ailleurs bien sentir, se contentant de répondre par des simples «oui/non». Quand ils ne rembarrent pas carrément les journalistes. «C'est la question la plus stupide que j'ai jamais entendue», avait lancé Nick Kyrgios en janvier 2020, interrogé pour savoir s'il était «possible pour Alex de Minaur de battre Rafael Nadal».



Le roi de Roland-Garros lui-même, pourtant connu pour son professionnalisme, a parfois été agacé par certaines remarques de la presse. Questionné au Masters 2019 sur un éventuel lien entre sa défaite et son récent mariage, l'Espagnol avait rétorqué: «C'est une vraie question ou c'est une blague ? C'est de la foutaise».

À l'inverse, d'autres joueurs font preuve d'un stoïcisme sans faille face à des questions parfois déplacées – Simona Halep s'est vue demander si sa réduction mammaire lui «avait servi sur le court ou en dehors» – voire ubuesques – «à quoi aurait ressemblé Martin Luther King sur Twitter ?» posée à Stan Wawrinka.

Comme au tribunal

Mais parfois, la conférence de presse peut aussi virer au cauchemar. En témoignent les larmes de Gaël Monfils en février à l'Open d'Australie. «Chaque fois que j'arrive ici, je me sens jugé. On me dit: «t'as encore perdu, pourquoi ?» (...) Je suis déjà à terre et vous, vous me tirez dessus», avait déclaré le Français après sa défaite au 1er tour.

«Les sportifs ne sont pas des robots, ils ont leurs failles comme tout le monde. Quand on n'est pas bien, on n'a pas envie de voir du monde ou de parler. Dans ces cas-là, la conférence de presse peut-être un révélateur de leur mal-être, et ils craquent», explique Christophe Bernelle, psychiatre et ancien responsable du pôle mental à la Fédération française.



«Il faut se mettre à leur place: ils sortent du terrain, ils se sont battus, les sentiments sont exacerbés à ce moment-là. Donc arriver comme ça, sans transition ni même le temps de prendre une douche et être soumis à une batterie de questions, ça peut aussi être vécu comme un tribunal», ajoute cet ancien joueur de tennis.

Même Serena Williams, du haut de ses 23 titres du Grand Chelem, a récemment expliqué qu'au début de sa carrière, rencontrer les médias la rendait «inquiète ou préoccupée. (...) Cela m'est arrivé souvent. Parfois, c'est très difficile de rentrer dans la salle» de presse. Avant d'ajouter: «Mais c'est aussi cela qui m'a renforcée».

Trouver l'équilibre

Iga Swiatek a aussi dû «apprendre comment avoir une bonne relation avec les médias et le faire d'une manière qui ne me perturbait pas». Tout est une question «d'équilibre» et de «respect mutuel» et alors «tout le monde pourra en tirer profit», a-t-elle estimé lundi.

Pour Daniil Medvedev, la conférence de presse peut au contraire avoir un certain effet cathartique. «Quand je suis de mauvaise humeur, parfois, je suis de meilleure humeur après vous avoir parlé» a-t-il dit aux journalistes.



Mais pour la plupart des joueurs comme Ashleigh Barty (WTA 1), parler avec la presse fait tout simplement «partie du travail». «Ce n'est pas quelque chose qui me préoccupe. Je n'ai jamais eu de problème pour répondre aux questions ou pour être honnête avec vous. (...) Personnellement, cela ne m'empêche pas de dormir, ce que je vous dis, ou les questions que vous me posez», a-t-elle affirmé juste avant Roland-Garros.

ATS