Interview Tania Chytil: «Est-ce que l’on a envie de tous devenir des moutons?»

Aurélia Brégnac/AllTheContent

21.11.2018

Des milliards de données sont collectées dans le monde par le biais du Web et des réseaux sociaux. Des informations personnelles sur nos goûts, nos habitudes, notre identité récupérées par des tiers et susceptibles d’être réutilisées. Pour mieux comprendre cet enjeu de société qui pourrait, demain, changer nos vies, Tania Chytil, en compagnie de Stéphane Gabioud, ont proposé cette semaine «DataLand», une grande émission de décryptage.

La présentatrice nous a dévoilé, avant la diffusion de l'émission, les questions que soulèvent ces avancées technologiques et l’intelligence artificielle. Risquons-nous d’être prochainement tous fichés?

Vous présenterez ce mercredi soir l’émission «Data Land», une grande soirée nationale consacrée au Big Data, aux évolutions technologiques et à leur impact sur notre vie quotidienne. Quels seront les points mis en avant?

Tania Chytil: On parlera de la récolte des données, de l’intelligence artificielle, de ses promesses et ses dangers. Que peut-on espérer et que peut-on craindre de ces technologies? On ira notamment voir, à travers des reportages, comment l’intelligence artificielle est déjà utilisée dans différents pays comme la Finlande, l’Irlande ou encore la Chine.

Justement, comment cette intelligence artificielle, capable de penser à notre place, de tout savoir sur nous, est capable de bouleverser nos modes de vie?

J’ai en fait l’impression que tous les domaines de notre vie vont être concernés. On verra comment, en Finlande, la révolution de la médecine est en train de se faire grâce à l’intelligence artificielle. En collaboration avec les médecins, ces avancées permettent aujourd’hui de détecter plus tôt des maladies. La machine arrive par exemple à anticiper des septicémies chez les nouveau-nés prématurés. On doit cependant, pour cela, accepter de donner nos données aux machines. La Finlande est un pays en avance dans ce domaine de la technologie médicale, car il y a une confiance des citoyens envers le gouvernement, qui récolte en fait l’ADN de ces derniers pour pouvoir l’analyser, mener des recherches, et l’utiliser à bon escient.

«Chez nous, cela concerne déjà les assurances-maladies, pour qui on peut être un bon ou un mauvais assuré.»

Outre la santé, des applications plus dérangeantes, comme le contrôle de l’identité et des comportements, se dessinent. Quels sont les dangers de cette intelligence artificielle?

C’est à travers l’exemple de la Chine que l’on observe déjà certaines dérives. On se croirait dans le roman d’anticipation «1984» de George Orwell! Il y a là-bas un contrôle des citoyens qui est mis en place, un véritable un «rating» (classement, ndlr). Vous êtes un bon ou un mauvais citoyen. Tout dépend de ce que vous publiez sur les réseaux sociaux, des achats que vous faites… Toutes vos données sont collectées par l’Etat. Ce qui peut vous permettre ou vous empêcher, par exemple, de prendre un billet d’avion, un crédit… Ce sont des dérives qui existent. Ici, chez nous, cela concerne déjà les assurances-maladies, pour qui on peut être un bon ou un mauvais assuré.

Ces dérives sont donc liées au climat politique des pays?

Effectivement, dans des pays comme la Chine, les gens sont habitués. Même si chez nous, on n’a pas cette habitude, on est quand même surveillés par les géants du net, des entreprises technologiques. Alors mieux vaut-il laisser collecter nos données par ces monopoles ou par le gouvernement? On va expliquer aux gens comment garder le contrôle et se protéger.

«En fonction de vos données, on pourra vous dire «Non, on n’a pas envie!». C’est horrible!»

Cela impacte notamment nos modes de consommation?

Oui! Les publicités ciblées peuvent, dans certains cas, sembler intéressantes. Mais ça peut aller plus loin. On va savoir ce que vous aimez, ce que vous n’aimez pas, pourquoi, comment… Idem lorsqu’on demande un crédit ou bien la location d’un logement. En fonction de vos données, on pourra vous dire «Non, on n’a pas envie!». C’est horrible!

L’émission mettra en avant des experts de ces questions, tous triés sur le volet. Que vont-ils nous apprendre?

Ils vont nous expliquer, parce que nous ne sommes pas encore bien au courant, comment ces entreprises technologiques agissent, parfois sans même que l’on s’en aperçoive. Aujourd’hui, on utilise tous les réseaux sociaux, mais personne ne lit les conditions générales des sites, parce que c’est long, ça nous gonfle… Il faut donc faire informer les gens, les mettre en garde.

«Je ne vois pas l’intérêt de poster mes photos de vacances, dire ou je suis allée, ce que j’ai mangé...»

Mais il n’est pas déjà trop tard, vu le succès de Facebook et Twitter, par exemple?

Non, vous pouvez toujours vous désabonner, même si ça n’efface pas tout. Mais c’est surtout pour la nouvelle génération qui arrive. Leur donner les tenants et les aboutissants de ces outils pour qu’ils sachent à quoi ils s’exposent et les laisser libres de décider de dévoiler ou non certaines informations personnelles. Certes, il y a les bons côtés de cette technologie. Mais, finalement, est-ce que l’on a envie de tous devenir des moutons?

Et vous, personnellement, êtes-vous sur les réseaux sociaux?

Je m’en protège. Je ne twitte qu’en tant que journaliste, dans le cadre de mon métier. Je ne vois pas l’intérêt de poster mes photos de vacances, dire ou je suis allée, ce que j’ai mangé… Ça concerne surtout les jeunes, les étudiants, et on va d’ailleurs, dans l’émission, savoir comment ils le vivent et ce qu’ils en pensent.

C’est aussi important de vulgariser toutes ces notions technologiques, c’est flou, parfois très technique, pour les générations plus anciennes…

C’est sûr! Vous parlez «algorithme» aux gens, ils disent: «Merci beaucoup, mais je me barre». Ça nous paraît tellement virtuel. Il faut expliquer tout ça.

«Data Land» est disponible en replay.  Avec Swisscom TV Air, vous profitez gratuitement de Swisscom TV sur votre ordinateur, votre tablette et votre Smartphone. Ainsi, vous pouvez regarder Swisscom TV, vos enregistrements inclus, où que vous soyez.

Ces choses à ne pas poster sur Facebook

Les pires méchants des séries télévisées

Retour à la page d'accueil