Une «fake news» historique Il y a 80 ans, «La Guerre des mondes» paniquait les Etats-Unis

dpa

30.10.2018

Une pièce radiophonique qui a marqué l’histoire: Orson Welles lors de l’enregistrement de «La Guerre des mondes».
Une pièce radiophonique qui a marqué l’histoire: Orson Welles lors de l’enregistrement de «La Guerre des mondes».
Keystone

Il y a 80 ans, Orson Welles faisait débarquer les Martiens sur Terre. Sa pièce radiophonique adaptée de «La Guerre des mondes», véritable coup de génie, semait la terreur parmi les auditeurs. Une sorte de «fake news» avant l’heure.

Les gros titres des journaux décrivent des scènes de panique et parlent de terreur: «Une émission de radio effraye la nation», peut-on lire à la une du «Boston Daily Globe». «De nombreux habitants quittent leur maison pour «échapper à l’attaque au gaz de Mars»», titre le «New York Times». C’est la réaction à la pièce radiophonique la plus légendaire de l’histoire de la radio, qui, un paisible dimanche soir, semble avoir suscité l’hystérie collective.

Il y 80 ans, le 30 octobre 1938, la troupe du Mercury Theatre dirigée par Orson Welles adapte en direct à la radio le roman d’H.G. Wells, «The War of the Worlds» (La Guerre des mondes). Des airs de tango alternent avec des «bulletins d’information» de plus en plus dramatiques évoquant l’invasion de la Terre par les Martiens. Des journalistes et des témoins oculaires présumés décrivent des monstres extraterrestres gluants qui ont atterri dans la petite ville de Grover’s Mill dans le New Jersey. Des scientifiques sont interrogés, des gens qui crient interrompent la retransmission.

Si l’émission radiophonique d’une petite heure diffusée par CBS la veille d’Halloween semble terriblement réelle, ni les Martiens, ni la panique nationale décrite par de nombreux journaux ne le sont.

«Ce n’était pas de l'hystérie collective»

«Certaines personnes ont peut-être eu très peur, mais ce n’était pas de l'hystérie collective, comme on l’a longtemps supposé», explique Brad Schwartz, historien à l’Université de Princeton. Agé de 28 ans, il est l’auteur du livre «Broadcast Hysteria: Orson Welles's 'War of the Worlds' and the Art of Fake News», paru en 2015.

Aujourd’hui, le terme de «fake news» fait partie du répertoire standard du président américain Donald Trump, ce qui ne l’empêche pas de s’insurger contre les articles et les contributions qui ne sont pas à son goût.

A l’époque, le canular du jeune auteur, réalisateur et acteur Orson Welles (23 ans) n’a été entendu que par quelques millions de personnes. La pièce était programmée en même temps qu’une émission comique très prisée avec un ventriloque diffusée sur la radio concurrente NBC. Mais la panique des quelques personnes qui ont cru à une invasion des Martiens a été exploitée par les médias. «Les journaux ont dû écrire à la hâte leur une du lendemain», poursuit Schwartz.

Dans la course aux lecteurs et aussi pour concurrencer la jeune radio, la couverture médiatique fut théâtrale et sensationnelle, même si on n’a enregistré aucun suicide ni mouvement de panique générale.

Ce n’est que ces dernières années que les «fake news» ont été débarrassées de l’hystérie de masse qui y était associée. Pendant ses études à l’Université du Michigan, Brad Schwartz a évalué pour la première fois plus de 1400 lettres écrites par des auditeurs après l’émission de radio. Nombreux sont ceux qui auraient vanté le génie de Welles, mais aussi qui auraient exprimé leur inquiétude quant aux effets de la communication de masse. «Une femme a écrit qu’elle n’avait pas peur des Martiens, mais qu’elle s’inquiétait du public qui se laissait berner aussi facilement».

Le lendemain: Orson Welles (au milieu) répond aux questions des journalistes.
Le lendemain: Orson Welles (au milieu) répond aux questions des journalistes.
Keystone

Juste une blague d’Halloween

A l’occasion du 80e anniversaire de la pièce radiophonique, les lettres vont être numérisées et mises à la disposition des écoles et des collèges comme matériel pédagogique. «Le matériel peut encore nous avertir aujourd’hui sur l’effet des «fake news», déclare Schwartz. «Une démarche qui pourrait apprendre aux gens qu’il ne faut pas croire tout ce qu'ils lisent sur Twitter».

Orson Welles et son équipe ont levé l’alerte sitôt l’émission terminée, précisant qu’il s’agissait juste d’une blague d’Halloween. La pièce radiophonique est sortie d’un buisson déguisée en fantôme en criant «Bouh!», plaisantait Welles à l’époque. Mais le mal était fait. La police a été submergée d’appels téléphoniques, des véhicules de patrouille ont débarqué devant les locaux de la radio et les journalistes ont jeté leur dévolu sur cette histoire à sensations.

Welles est devenu le prodige des nouveaux médias de l’époque. A 23 ans, il créait cette pièce radiophonique absolument géniale et à 26 ans, il réalisait et jouait dans «Citizen Kane», considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs films de l’histoire du cinéma.

La pièce radiophonique a souvent été copiée, à Hambourg par exemple sous le titre «Ufos über der Elbe» (Des OVNI au-dessus de l’Elbe). A Grover’s Mill, une plaque en bronze fait référence à «l’endroit où ont atterri les Martiens». En relief, on voit Orson Welles derrière son micro, une famille ébahie assise devant la radio et un vaisseau spatial menaçant avec de longs bras tentaculaires.

Retour sur l'affaire Roswell

Retour à la page d'accueil