«Guanziroli au tribunal» Comment s’organise le trafic de crystal meth, la «drogue du zombie»?

Silvana Guanziroli

19.2.2019

La crystal meth rend les consommateurs gravement dépendants. Rares sont ceux qui parviennent à s’en défaire.
La crystal meth rend les consommateurs gravement dépendants. Rares sont ceux qui parviennent à s’en défaire.
Keystone

Elle est considérée comme la drogue présentant le potentiel destructeur le plus élevé. Des individus ayant été en contact avec cette drogue rapportent qu’ils y sont devenus dépendants dès la première consommation. Cette drogue dure est également disponible depuis longtemps en Suisse. Ce mercredi, un trafiquant comparaîtra devant un tribunal.

Il y a cinq ans, la crystal meth n’était guère un problème pour les responsables de la lutte contre les stupéfiants et les forces de police suisses. Les experts en étaient certains: la «drogue du pauvre» était même trop peu coûteuse pour les junkies, comme ils l’ont estimé à plusieurs reprises. En 2015 seulement, Streetwork, centre de consultation pour les jeunes de la ville de Zurich – qui analyse les drogues consommées lors de soirées – n’a relevé que six échantillons de crystal meth.

Entre-temps, la situation a beaucoup changé. La «drogue du zombie», nom donné à la substance en raison de son effet sur les personnes dépendantes, est finalement arrivée en Suisse. Ainsi, le Département fédéral de l’intérieur définit Neuchâtel et Bienne comme les points chauds de la méthamphétamine dans le pays. Cette conclusion dérive des analyses des eaux usées effectuées par l’université de Lausanne, qui ont permis d'y déceler des doses plus élevées de méthamphétamine. En effet, les relevés sont même plusieurs fois plus importants à Neuchâtel que dans d’autres métropoles européennes telles que Londres ou Paris.

Des stupéfiants distribués par un gestionnaire de risques

Mais la crystal meth ne touche pas uniquement la Suisse romande. A Zurich aussi, la substance est beaucoup plus répandue dans le milieu de la drogue. Ce mercredi, un trafiquant présumé doit comparaître devant le tribunal de district de Zurich. Il est accusé d’avoir organisé un trafic à grande échelle de cette substance.

Comme l’indique le parquet de Zurich-Limmat dans son acte d’accusation, l’homme de 38 ans aurait vendu environ 500 grammes de méthamphétamine entre octobre 2016 et février 2017. L’homme, qui travaillait comme gestionnaire de risques dans une grande entreprise suisse, a donc été inculpé de crimes et de délits contre la législation sur les stupéfiants. L’autorité requiert une peine de trois ans d’emprisonnement.

Pour distribuer la substance, cet Allemand d’origine achetait les stupéfiants à Zurich auprès d’un intermédiaire. Dans le cadre de l’enquête, cet homme a également pu être arrêté et doit comparaître dans le cadre d’une procédure judiciaire séparée.

Le prévenu portionnait et emballait la drogue chez lui, dans le centre-ville de Zurich. Un gramme suffit pour dix portions et vaut environ 400 à 500 francs dans le milieu. Le prévenu aurait vendu environ 30 grammes par mois dans le secteur de la ville. Selon le parquet, il aurait généré un bénéfice de plus de 20 000 francs entre octobre 2016 et juin 2017. L’homme utilisait cet argent pour subvenir à ses besoins et pour sa consommation personnelle de drogue. Il trafiquait également de la cocaïne, du GHB, de la kétamine et de la MDMA.

Lors de son arrestation en juin 2017, la police a confisqué au prévenu 82 grammes de crystal meth, 14 grammes de cocaïne ainsi que de la MDMA et des amphétamines.

Même en cas de condamnation, le trafiquant de méthamphétamine et toxicomane zurichois devrait tout d’abord échapper à la prison. Le parquet de Zurich requiert le report de la peine de prison au profit d’une mesure d’hospitalisation dans une clinique de désintoxication.

Ce qu’il faut savoir sur la crystal meth

Quelle est la substance contenue dans la crystal meth? Il s’agit d’une substance de synthèse, la N-méthyl-amphétamine, ou chlorhydrate de méthamphétamine. Cette substance est utilisée à la fois comme composant de médicaments et comme drogue.

La méthamphétamine est-elle interdite en règle générale? La substance peut également être importée légalement en Suisse. En règle générale, seules les sociétés titulaires d’une licence de l’Institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic) sont autorisées à fabriquer et à traiter de la méthamphétamine.

Comment agit cette drogue? La crystal meth provoque la libération de substances messagères du corps telles que la dopamine dans le cerveau et d’adrénaline dans le reste du corps. Cela entraîne en premier lieu une sensation d’euphorie. Elle réduit le besoin de sommeil et les sensations de faim, de soif et de douleur.

Comment consomme-t-on cette drogue? La crystal meth peut être reniflée, fumée ou injectée.

Quel niveau d’addiction la crystal meth provoque-t-elle? Elle est considérée comme une substance présentant l’un des potentiels de dépendance les plus élevés. A cela s’ajoute le fait que le corps développe rapidement une tolérance, ce qui entraîne une augmentation rapide des doses. Des individus ayant été en contact avec cette drogue rapportent qu’ils y sont devenus dépendants dès la première absorption.

Quel est le niveau de toxicité de la crystal meth? Les experts décrivent cette drogue comme la substance présentant le plus grand potentiel destructeur sur le plan physique. Une consommation chronique provoque des arythmies cardiaques, des hallucinations, une agressivité injustifiée, des lésions rénales et tissulaires, des troubles anxieux, des dépressions et une désintégration complète des capacités cognitives et de la mémoire.

Drogués pendant la guerre

La crystal meth n’est pas une drogue moderne. La substance active est connue depuis longtemps et a été utilisée par les Allemands dès la Seconde Guerre mondiale. Les comprimés étaient alors appelés «Stuka-Tabletten», «Hermann-Göring-Pillen» ou encore «Panzerschokolade». La «Pervitin», un médicament contenant surtout de la méthamphétamine, a été conçue. Cette substance était considérée comme un remède miracle au sein de la Wehrmacht: elle réduisait le besoin de sommeil des soldats ainsi que les sensations de faim et de soif. Même le dirigeant nazi Adolf Hitler aurait consommé abondamment des comprimés de méthamphétamine jusqu’à sa mort.

Ces célébrités ont également été confrontées à la crystal meth:

Le tennisman Andre Agassi
Le tennisman Andre Agassi
Keystone

Dans son autobiographie publiée en 2009, la star du tennis André Agassi a reconnu avoir consommé de manière excessive de la crystal meth dans les années 1990. Lorsqu’il a été contrôlé positif en 1997, il a affirmé avoir absorbé la substance par inadvertance. A l’époque, l’ATP a renoncé à une suspension.

Le 35e président des États-Unis, John F. Kennedy.
Le 35e président des États-Unis, John F. Kennedy.
Keystone

La consommation présumée de crystal meth de John F. Kennedy a fait l’objet de nombreuses spéculations. L’homme d’Etat souffrait de graves douleurs au dos et s’en serait donc remis aux mystérieuses seringues de son médecin de famille officieux, Max Jacobsen.

Marilyn Monroe en visite chez les militaires en 1954.
Marilyn Monroe en visite chez les militaires en 1954.
Keystone

L’icône hollywoodienne Marilyn Monroe aurait été sous l’influence de la crystal meth lors de ses grandes apparitions. C’est du moins ce que prétendent Richard A. Lertzman et William J. Birnes dans leur livre «Dr. Feelgood».

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La rédactrice «Bluewin» Silvana Guanziroli est chroniqueuse judiciaire accréditée aux tribunaux zurichois. Dans sa série «Guanziroli au tribunal», elle écrit sur les procès les plus palpitants, se penche sur des affaires criminelles peu ordinaires et s'interroge sur le rôle de la justice en compagnie d'experts. Silvana Guanziroli travaille en tant que journaliste depuis plus de 20 ans et a étudié à l'école de police de la police cantonale de Zurich. silvana.guanziroli@swisscom.com
La rédactrice «Bluewin» Silvana Guanziroli est chroniqueuse judiciaire accréditée aux tribunaux zurichois. Dans sa série «Guanziroli au tribunal», elle écrit sur les procès les plus palpitants, se penche sur des affaires criminelles peu ordinaires et s'interroge sur le rôle de la justice en compagnie d'experts. Silvana Guanziroli travaille en tant que journaliste depuis plus de 20 ans et a étudié à l'école de police de la police cantonale de Zurich. silvana.guanziroli@swisscom.com
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