Une méthode traditionnelle Les sirènes sud-coréennes sont-elles en voie de disparition?

Fabienne Rüetschi

24.2.2018

Les Haenyeo vivent sur l’île de Jeju-do. Ces sirènes plongent sans oxygène pendant plusieurs minutes pour ramasser des fruits de mer. Aujourd’hui, leur réussite est en train de causer leur perte.

On les appelle les dernières sirènes de Corée, les Haenyeo. Aujourd’hui, il n’en reste plus que quelques centaines sur l’île de Jeju-do. La plupart ont entre 60 et 80 ans. Malgré leur âge avancé, elles sont capables de performances sportives impressionnantes. Ainsi, tandis qu’elles sondent les fonds marins à la recherche de poissons, d’algues ou de crustacés, elles peuvent retenir leur respiration jusqu’à quatre minutes grâce à la seule force de leurs poumons.

Les ormeaux constituent une prise de choix. Il s’agit de gastéropodes dont les pattes sont particulièrement appréciées. On leur prête même des vertus aphrodisiaques. Cependant, comme ces mollusques tant convoités ne peuvent être capturés au moyen de méthodes conventionnelles, leur pêche est réservée aux plongeuses.

Une technique de respiration singulière

Les Haenyeo plongent sans bouteilles d’air comprimé. Leur équipement se compose exclusivement de lunettes de plongée, de palmes, d’une combinaison en néoprène, d’une ceinture de plomb, d’un râteau pour détacher les animaux marins des rochers, d’un filet pour ramasser leur pêche et d’une corde munie d’une balise pour signaler leur emplacement. Lorsqu’elles remontent à la surface, elles émettent des sifflements provoqués par l’expulsion de l’air. Cette technique de respiration des plus singulières leur permet de replonger en eaux profondes. Mais ces sifflements ont également un autre avantage: ils les aident à communiquer entre elles en cas de mauvaise visibilité.

Pour rentabiliser leurs plongées, les Haenyeo restent entre trois et cinq heures sous l’eau. Elles revendent ensuite les fruits de mer récoltés à des restaurants prestigieux ou dans de grandes villes, comme à Busan, une métropole située sur la côte sud de la Corée.

Un avenir incertain

L’organisme de ces «sirènes» est un petit miracle biologique. Des scientifiques ont découvert qu’elles maîtrisaient des méthodes qui leur permettaient d’augmenter le volume de leurs poumons. Leur truc? Elles utilisent par exemple leur rate pour stocker de l’oxygène. Elles peuvent ainsi rester plusieurs minutes sous l’eau. Cependant, ce n’est pas sans danger. Lorsqu’elles remontent à la surface, elles risquent la syncope; c’est pourquoi elles ne plongent jamais seules.

Les Haenyeo sont toujours restées fières et indépendantes. La plupart d’entre elles sont aujourd’hui grands-mères, mais leurs descendantes souhaitent suivre leur propre voie. Paradoxalement, leur réussite est en train de causer leur perte. Depuis les années 70, les plongeuses peuvent se permettre d’envoyer leurs filles dans de bonnes écoles. Ces dernières veulent aujourd’hui s’installer dans les grandes villes, y étudier et y faire carrière. La tradition va donc probablement disparaître.

Images du jour

Retour à la page d'accueil