Birmanie Des habitants de Rangoun fuient après les violences

ATS

16.3.2021 - 11:46

Keystone-SDA

Des habitants de Rangoun ont fui mardi un quartier en proie à de violents affrontements. D'autres, familles de manifestants pro-démocratie, sont restés pour enterrer leurs morts après «le bain de sang» des derniers jours en Birmanie.

La semaine dernière à Rangoun, les manifestants protestaient notamment contre les violences policières qui ont fait de nombreuses victimes.
La semaine dernière à Rangoun, les manifestants protestaient notamment contre les violences policières qui ont fait de nombreuses victimes.
ATS

Plus de 180 civils ont été tués par les forces de sécurité depuis le coup d'Etat du 1er février contre Aung San Suu Kyi, d'après l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Le bilan s'est considérablement alourdi ces trois derniers jours, la junte semblant plus déterminée que jamais à réprimer la contestation en faisant fi des nombreuses condamnations internationales.



Face à cela, des habitants de la banlieue industrielle d'Hlaing Tharyar, qui abrite de nombreuses usines textiles, ont décidé de partir. Certains ont entassé leurs affaires et leurs animaux de compagnie dans des camions, des tuk-tuks ou sur des deux-roues, d'après des images diffusées par un média local. «On a pu voir des gens sur les routes à perte de vue (qui) fuient pour regagner leur région d'origine», a relevé une autre publication.

Loi martiale

La loi martiale a été décrétée dans ce quartier après l'incendie dimanche de plusieurs usines chinoises par des assaillants. Les forces de sécurité s'étaient alors déployées en nombre, ouvrant le feu et tuant des dizaines de manifestants.

Trois hommes ont été tués par des «foules sans scrupules» et la police recherche des suspects, ont simplement indiqué les médias d'Etat. Désormais, toute personne interpellée à Hlaing Tharyar, et les cinq autres cantons de Rangoun où la loi martiale a été instaurée, risque d'être renvoyée devant un tribunal militaire, avec une peine minimale de trois ans de travaux forcés.

La Birmanie commençait mardi à enterrer les morts des derniers jours, notamment à Shwe Pyi Thar dans le nord de Rangoun où des dizaines de personnes ont déposé des fleurs.

Des veillées ont eu lieu cette nuit à travers le pays. «R.I.P» (Repose en paix), ont écrit avec des bougies des habitants de Mandalay (centre). «Nous soutenons nos martyrs», «on se battra jusqu'au bout», pouvait-on lire sur les réseaux sociaux.

Au moins 20 contestataires ont été tués lundi, d'après l'AAPP. Dimanche a été la journée de répression la plus sanglante avec 74 civils abattus, la junte faisant part de son côté du décès d'un policier. «Beaucoup d'adolescents sont morts et l'usage des balles réelles s'intensifie même la nuit», déplore l'AAPP. Sollicitée, l'armée n'a pas répondu aux requêtes de l'AFP.

«Martyrs»

De petits groupes épars de contestataires se sont rassemblés mardi à Rangoun, dans la capitale administrative Naypyidaw ou encore dans l'état Shan (nord), mais ils étaient peu nombreux par peur de représailles. De plus, la junte a coupé depuis dimanche les connexions internet mobile, rendant aussi plus difficile la coordination entre les protestataires.

Hors du pays, les violences des derniers jours ont provoqué un nouveau concert de protestations internationales. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a dénoncé, par l'intermédiaire de son porte-parole Stéphane Dujarric, un «bain de sang». Il a aussi appelé la communauté internationale «y compris les acteurs régionaux, à se rassembler en solidarité avec le peuple birman et ses aspirations démocratiques».

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a condamné pour sa part le recours aux armes létales. Il a accusé la junte de «brutalement réprimer des manifestants pacifiques» et de «renverser les résultats d'une élection démocratique».

La Chine s'était déclarée «très préoccupée» pour la sécurité de ses ressortissants après les violences de dimanche à Hlaing Tharyar, au cours desquelles 30 usines chinoises ont été attaquées selon les médias d'Etat. Pékin a demandé aux autorités de prendre des mesures pour «éviter résolument que de tels incidents ne se reproduisent».

Le ressentiment à l'égard de Pékin s'est intensifié ces dernières semaines en Birmanie. Certains estiment que sa position vis-à-vis des généraux birmans n'est pas assez ferme.

2200 arrestations

L'armée riposte aussi sur le terrain judiciaire. Hommes politiques, responsables locaux, activistes, artistes, fonctionnaires grévistes: près de 2200 personnes ont été arrêtées depuis le 1er février selon l'AAPP, dont Aung San Suu Kyi, 75 ans, toujours mise au secret.

L'ancienne cheffe de facto du gouvernement civil devait comparaître par vidéoconférence lundi, Mais l'audience a été reportée au 24 mars, faute d'internet. La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 est inculpée pour quatre infractions. Elle est aussi accusée de corruption, le régime affirmant qu'elle a perçu en guise de pots-de-vin 600'000 dollars et plus de 11 kilos d'or.