Donald Trump voulait «assécher le marais de Washington» – et dans les derniers mètres, il revient sur la seule règle qu’il a promulguée au cours de son mandat pour lutter contre la corruption. Pour Trevor Noah, il est temps de faire le ménage.
«L’Amérique a un nouveau papa», annonce Trevor Noah en ouverture de son «Daily Show». Malgré la pandémie, il n’a rien manqué à la prestation de serment de Joe Biden, explique-t-il: «Biden est tellement attaché à l’unité qu’il a même invité des ennemis de l’Etat», affirme Trevor Noah alors qu’une photo du sénateur républicain Ted Cruz apparaît à l’écran.
«Non, je plaisante, je plaisante les amis, je plaisante», corrige le présentateur en riant. «Ted Cruz n’a pas essayé de renverser le gouvernement. Il a juste soutenu les gens qui l’ont fait.» Et pourtant, ajoute-t-il, même Mike Pence a assisté à l’investiture pour honorer la transition démocratique du pouvoir.
Mais avant que le nouveau président n’emménage à la Maison-Blanche, il fallait que son prédécesseur parte: A partir de 2’13’’, l’émission montre des extraits du discours d’adieu de Donald Trump, dans lequel il fait le bilan de ses «quatre années incroyables».
«J’espère qu’ils n’augmenteront pas vos impôts»
"Nous avons créé une nouvelle force appelée Space Force», a déclaré Donald Trump. «Les cours des actions sont en réalité nettement plus élevés qu’ils ne l’étaient avant la pandémie. Donc, euh, on peut dire que nous les avons reconstruits deux fois.»
Donald Trump, qui lègue à Joe Biden un énorme déficit public, joue les oiseaux de mauvais augure: «J’espère qu’ils n’augmenteront pas vos impôts. Mais s’ils le font, je vous aurai prévenus!» Avant de conclure: «Nous vous aimons. Nous reviendrons sous une forme ou une autre. […] Je vous souhaite d’avoir une belle vie. Nous vous verrons bientôt.»
«Je vous souhaite d’avoir une belle vie?», s’interroge Trevor Noah. Ce ne sont pas des mots que l’on attend d’un président sur le départ, dit-il, mais plutôt ceux qu’une adolescente dirait à sa meilleure amie d’école qui commence à sortir avec son ex-petit copain: «J’espère que vous serez heureux ensemble! Je vous souhaite d’avoir une belle vie! Mais s’il te trompe avant le bal de fin d’année, je t'aurai prévenue!»
Late Night USA – Comprendre les Etats-Unis
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50 Etats, 330 millions d’habitants et encore plus d’opinions: comment «comprendre l’Amérique»? Pour garder une vue d’ensemble sans s’échouer, il faut un phare. Les stars des late shows offrent probablement la meilleure aide à la navigation: ce sont de parfaits pilotes qui explorent implacablement les bas-fonds du pays et des gens et qui servent à notre auteur Philipp Dahm de boussoles indiquant sur le ton de l’humour l’état d’esprit des Américains
Par la grâce de Donald Trump
Trevor Noah apprécie également l’annonce d’un retour «sous une forme ou une autre»: «Le gars sait comment vous laisser sur un cliffhanger», lance le présentateur sud-africain d’un ton taquin. «Mais [Donald] Trump n’a pas uniquement passé son dernier jour à pleurnicher et à dérober de l’argenterie. […] Il s’est aussi assuré d’offrir de très jolis cadeaux d’adieu à tous ses amis.»
Le présentateur pense bien entendu aux 143 grâces présidentielles et commutations de peines – comme on peut le voir à partir de 3’43’’. Son ancien conseiller Steve Bannon, accusé d’avoir détourné des dons, bénéficie d’une grâce préventive. Plusieurs responsables politiques, dont un ancien maire démocrate, ont été dispensés de peine. Tout comme les rappeurs Lil Wayne et Kodak Black, condamnés pour possession d’armes.
Pour Trevor Noah, le fait que Donald Trump ne se soit pas gracié est logique – compte tenu de son lourd bilan. D’autant plus que selon des rumeurs, l’ex-président se serait secrètement accordé une grâce afin de pouvoir l’utiliser plus tard en cas de besoin. D’ailleurs, le débat fait actuellement rage quant à la légalité de cette pratique, si tel est le cas. Quoi qu’il en soit, Trevor Noah est certain que Donald Trump gaspillerait ce laissez-passer pour une broutille - comme une amende pour stationnement sur une place handicapé.
Le marais est asséché – longue vie au marais
Le présentateur de late-night show rappelle néanmoins que d’autres présidents américains sortants ont agi de la même manière: «Bill Clinton a gracié son frère et un homme d’affaires véreux dont l’ex-épouse avait fait un don à sa bibliothèque.» Donald Trump est toutefois passé au niveau supérieur, affirme-t-il – et il ne s’est pas arrêté là, comme on peut le voir à partir de 6’53’’.
Au petit matin, Donald Trump a retiré un décret qu’il avait lui-même signé en 2017 dans le but d’assécher le «marais de Washington»: celui-ci interdisait aux anciens fonctionnaires de rejoindre des lobbies au cours des cinq années suivant leur départ.
«Après tout ce temps passé à parler de sa volonté d’assécher le marais, il se débarrasse de la seule règle qu’il a réellement promulguée pour lutter contre la corruption juste avant de quitter ses fonctions», résume Trevor Noah. Cela étant, concède-t-il, les lobbies sont probablement le seul secteur où l’on pourra encore voir des membres de l’administration Trump, compte tenu de leur CV.
Joe Biden fait le ménage
Alors que le New-Yorkais a quitté pour de bon la Maison-Blanche, c’est au tour des équipes de nettoyage d’entrer en scène: tout est désinfecté, les affaires laissées par les anciens locataires sont enlevées et la chambre présidentielle est réaménagée, car le nouveau président et son épouse dorment dans la même pièce. On nous apprend par ailleurs que les matelas sont remplacés.
Les images sont également différentes lorsque l’on compare 2017 et 2021: à l’époque, Barack et Michelle Obama avaient réservé un accueil chaleureux à Donald et Melania Trump et leur avaient remis les clés.
Cette fois-ci, Joe et Jill Biden sont seuls quand ils font signe aux caméras avant de s’installer à la Maison-Blanche. L’homme de 78 ans a tout au moins pu se mettre immédiatement au travail, comme on peut le voir à partir de 9’40’’.
Plein d’entrain, Joe Biden signe son premier décret: une douzaine de modifications sont apportées pour réviser des textes particulièrement controversés de Donald Trump. Joe Biden consacre le retour du pays dans l’accord de Paris sur le climat, lève les restrictions de voyage imposées aux ressortissants de plusieurs pays musulmans, bloque un projet d’oléoduc qui avait alerté les écologistes, renforce les mesures de lutte contre la pandémie et reporte le remboursement des prêts étudiants.
Une conclusion qui donne à réfléchir
Trevor Noah conclut son émission: «Eh bien, mes amis. «Donald "Mon Dieu c’était dingue" Trump a officiellement quitté la Maison-Blanche, pour de bon. Et je sais – je sais que beaucoup de gens sont furieux maintenant à cause de l’état dans lequel il a laissé le pays.»
Mais il faut voir le bon côté des choses, soutient-il. «Premièrement, l’Amérique a survécu à Trump et a ainsi prouvé sa résilience. Et deuxièmement, Le mandat de [Donald] Trump a vraiment mis en lumière de nombreuses failles dans le système américain» sur lesquelles il faut désormais se pencher, affirme-t-il.
Et pour cause: «Avant qu’on ne s’en rende compte, 2024 arrivera et Donald Trump pourrait revenir – sous une forme ou une autre.»