Guerre en Ukraine «Si une attaque massive a lieu, il y aura des déplacements de personnes»

Gregoire Galley

13.3.2023

Suite à l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe le 24 février 2022, la Suisse a accueilli près de 50’000 réfugiés ukrainiens en l’espace de trois mois. Mis sous pression, le système d’asile est parvenu à absorber cet afflux grâce notamment à la mobilisation de nombreux citoyens qui ont décidé de devenir famille d’accueil. Porte-parole de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), Lionel Walter fait le point sur la situation.

La Suisse a accueilli près de 50’000 réfugiés ukrainiens en l’espace de trois mois.
La Suisse a accueilli près de 50’000 réfugiés ukrainiens en l’espace de trois mois.
KEYSTONE

Gregoire Galley

Au début du conflit ukrainien, quels ont été les principaux défis pour la Suisse afin d’accueillir les réfugiés ?

«Le défi principal était évidemment lié à l’arrivée de beaucoup de personnes sur une courte période. On parle de 50'000 réfugiés en l’espace de trois mois. Cela a représenté un énorme défi pour la Suisse. En réponse, le Conseil fédéral a rapidement activé le statut de protection S. Cette décision du gouvernement était juste, mais a aussi engendré des défis puisque c’est la première fois que ce statut a été mis en vigueur. De ce fait, son fonctionnement exact n’était pas encore connu de tous les acteurs.»

«L’hébergement n’était pas non plus organisé de la même manière dans tous les cantons et toutes les communes. Ainsi, certains obstacles ont pu être surmonté plus rapidement dans certains cantons que dans d’autres. Le plus important était que finalement chacun et chacune ait pu avoir un toit sur sa tête et ait pu être hébergé.»

De nombreuses familles d’accueil se sont mobilisées pour venir en aide aux réfugiés ukrainiens. Quels sont les avantages et inconvénients pour eux de vivre chez une famille d’accueil ?

«L’hébergement chez des familles d’accueil comporte de nombreux avantages. D’abord, il favorise l’intégration des personnes réfugiées. Les hôtes apportent aussi leur soutien dans d’autres domaines. Ce n’est pas seulement un hébergement. Dans ce sens, ils offrent leur aide pour l’apprentissage de la langue, pour la recherche d’un emploi,  pour des questions administratives ou de santé et divers aspects de la vie quotidienne.»

«Cette assistance est très positive dans la mesure où elle permet une meilleure compréhension mutuelle entre les personnes réfugiées et les familles d’accueil. En effet, ces dernières possèdent souvent un réseau dans un village ou un quartier par exemple. Cela sert beaucoup aux personnes réfugiées car elles peuvent ainsi rapidement rentrer en contact avec la population locale. C’est une très bonne chose !»

«Certaines difficultés ont pu apparaître et sont principalement liés à la vie en commun entre personnes qui ne viennent pas forcément de mêmes horizons. Les attentes de la famille d’accueil ou des personnes réfugiées sont aussi parfois différentes.»

«Aujourd’hui, encore 35% des personnes réfugiées d’Ukraine vivent dans des familles d’accueil»

Lionel Walter

Porte-parole de l’OSAR

Certains réfugiés ont-ils eu de «mauvaises» expériences ?

«La vie en famille d’accueil fonctionne un peu comme une colocation. Il faut de la compréhension et du respect mutuels. Nous avons dernièrement publié un rapport, en partenariat avec les hautes écoles de Berne et de Lucerne, dans lequel la majorité des familles d’accueil indiquent que la cohabitation est bonne, voire très bonne. Les moins bonnes expériences sont peu nombreuses et apparaissent surtout au début de la cohabitation.»

«Je tiens à préciser que dans la grande majorité des cas tout se passe pour le mieux. Aujourd’hui, encore 35% des personnes réfugiées d’Ukraine vivent dans des familles d’accueil. Cela prouve que ce modèle d’hébergement a été un succès. Il a permis de bien gérer une situation que le système d’asile traditionnel n’aurait probablement pas pu relever.»

Après un an de guerre, quel bilan tirez-vous par rapport à l’accueil des réfugiés ukrainiens ?

«Comme je l’ai mentionné auparavant, le bilan est très positif. Un an après l’invasion russe, les familles d’accueil contribuent encore à loger des personnes venant chercher refuge en Suisse. Cela démontre que c’est un modèle durable qui fonctionne. Ainsi, l’OSAR propose d’ancrer durablement le modèle de famille d’accueil et d’en faire bénéficier d’autres groupes de personnes réfugiées.

Comment se passe leur intégration dans le marché du travail ?

«Selon une étude publiée à la fin du mois de janvier, environ 15% des personnes venant d’Ukraine sont actives sur le marché du travail. Selon l’OSAR, c’est un chiffre relativement bon, moins d’un an après leur arrivée. Néanmoins, plus d’Ukrainien-nes souhaiteraient travailler. Beaucoup sont bien formé-es et représentent un haut potentiel pour le marché du travail. Ce potentiel devrait être mieux exploité. Nous estimons qu’il faudrait prévoir davantage de mesures d’intégration. Actuellement, il y a principalement des mesures pour l’apprentissage de la langue. Cela ne suffit pas !»

«C’est pourquoi, il serait nécessaire d’offrir du «job coaching» et des bilans de compétence,  de mettre en place des programmes d’occupation ou encore un accueil extra-familial. Ce dernier point est essentiel dans la mesure où beaucoup de personnes réfugiées d’Ukraine sont des femmes seules avec des enfants. Dans ce sens, si elles veulent pouvoir travailler, il faut qu’elles aient la possibilité d’assurer la garde de leurs enfants.»

«Pour mettre sur pied ces mesures supplémentaires, il faut que la Confédération mette à disposition des moyens financiers plus conséquents dans le but d’améliorer l’intégration des Ukrainiennes et Ukrainiens sur le marché du travail.»

«Il faut bien comprendre que tout reste lié à la situation sur place»

Lionel Walter

Porte-parole de l’OSAR

Le gouvernement ukrainien craint une attaque massive russe au printemps. Si cela se produit, faut-il prévoir un afflux important de réfugiés en 2023 ?

«Il est compliqué de faire des prévisions. D’abord, nous nous attendions à une augmentation des arrivées de personnes durant l’hiver. Finalement, cela ne s’est pas produit. Il faut bien comprendre que tout reste lié à l’évolution de la situation sur place. Si une attaque massive a lieu, il y aura des déplacements de personnes. Seront-ils uniquement internes ou s’étendront-ils à d’autres pays voisins ou en direction de l’Europe de l’Ouest ? Tout cela est très difficile à prévoir.»

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