Malgré une forte poussée de l’UDC et un recul des partis écologistes, les élections fédérales de 2023 ne vont pas bouleverser le quotidien des Suisses. Politologue et professeur de science politique à l’Université de Genève, Pascal Sciarini revient sur ce scrutin pour blue News.
Fédérales 2023 : retour sur une journée à rebondissements
Les élections fédérales de ce 22 octobre en Suisse ont vu l'UDC triompher et les écologistes chuter.
31.10.2023
L’UDC ressort gagnante de ces élections fédérales. Quelles sont les conséquences de ce succès pour le parti agrarien ?
«Avec cette victoire, l’UDC a le pouvoir de peser davantage sur les décisions politiques. Cependant, il faut prendre en compte le fait que, dans le système politique suisse, même un parti qui s'approche des 30% de voix est incapable de gouverner seul. Dans ce sens, il est obligé de faire des alliances. En d’autres termes, je dirais que plus on est fort et plus on est invité à être modeste et donc à chercher des solutions de compromis. Concernant l'UDC, je ne suis pas certain qu’elle procède de la sorte parce qu’elle a tendance à s’isoler au Parlement depuis plusieurs années.»
Quels ont été les motifs qui ont poussé un grand nombre d’électeurs à voter pour l’UDC ?
«Les préoccupations des Suisses ont changé depuis les dernières élections en 2019. A l’époque, la crise climatique était le souci principal d’une majorité d’électeurs. Aujourd’hui, les enjeux climatiques sont fortement concurrencés par d’autres inquiétudes. La force de l’UDC a été de mettre en avant les problèmes de l’immigration et de l’asile, deux thématiques qui étaient très en retrait il y a quatre ans. Enfin, l’UDC s’est aussi beaucoup profilée sur les questions du coût de la vie et du pouvoir d’achat durant la campagne électorale. Ces différents éléments ont donc plu à la population.»
En revanche, c’est la soupe à la grimace du côté des Vert-e-s et des Vert’libéraux. Comment expliquez-vous ce recul des partis écologistes ?
«C’est un peu l'effet par miroir inversé du succès de l’UDC. Le recul des Verts et des Vert’libéraux est presque logique dans la mesure où ces deux partis ont réalisé un score canon en 2019. De plus, comme je l’ai déjà dit, la crise climatique a été concurrencée cette année par d’autres enjeux telles que les questions d’immigration, d’asile ou encore du pouvoir d’achat. Les partis écologistes n'ont pas une grande réputation sur ces thématiques. Toutefois, il faut noter que les Verts ont perdu beaucoup de voix mais peu de sièges au Parlement.»
Après une faute de calcul de l’Office fédéral de la statistique (OFS), le PLR reste finalement la 3e force politique du pays. Quelles sont les conséquences d’une telle erreur dans un pays qui se veut être un modèle de la démocratie ?
«Cette erreur est très malheureuse puisque la confiance dans les institutions politiques, le respect du vote et la production des résultats électoraux sont des éléments centraux de la démocratie. Heureusement, c'est un phénomène tout à fait inédit en politique suisse. En revanche, il est vrai que les commentaires auraient peut-être été plus mesurés juste après le vote puisque l’UDC a moins progressé, et que les Verts ont moins reculé que ce qui a été initialement annoncé. Certes, les différences ne sont pas énormes mais on n’aurait tout de même pas parlé de débâcle des Verts en ayant immédiatement connaissance des résultats corrects. De plus, comme vous l’avez mentionné, le PLR est finalement resté la troisième force politique du pays. Il faut savoir que tous ces commentaires erronés ont influencé la perception de la population sur ce scrutin.»
«Ces élections ne vont pas changer la vie des Suisses»
Pascal Sciarini
Politologue et professeur en science politique à l’UNIGE
Malgré les crises qui se succèdent, le taux de participation à ces élections fédérales est resté très faible (46,6 %). Comment expliquez-vous ce silence de la majorité de l’électorat ?
«Deux raisons principales expliquent cet abstentionnisme. Premièrement, les élections parlementaires n’ont pas autant d’importance en Suisse que dans d’autres pays car notre gouvernement n’est pas issu de la majorité parlementaire. Deuxièmement, la population helvétique est très souvent appelée aux urnes. Hormis les élections, il y a aussi les votes de démocratie directe qui permettent aux citoyens de se prononcer sur différents thèmes et d’avoir finalement le dernier mot par rapport au Parlement. Ces deux facteurs mettent en exergue le fait qu’on vote très régulièrement. Il y a donc une certaine lassitude qui s’installe. On devient également plus sélectif dans nos votes.»
Pourrait-on dire que les citoyens helvétiques n’ont plus vraiment confiance en la politique ?
«Les citoyens ont éventuellement un peu moins foi en la politique qu’auparavant. Par contre, la confiance des Suisses dans leurs institutions politiques est nettement plus élevée qu’ailleurs. Je ne crois donc pas que cet élément explique la faible participation à ces élections.»
Finalement, quels seront les impacts de ces élections fédérales sur le quotidien des Suisses ?
«Ces élections ne vont pas changer la vie des Suisses parce que, comme je l’ai déjà dit, un parti est obligé de faire des concessions et de nouer des alliances afin de faire passer ses idées. Ce scrutin n’a aussi débouché que sur des changements plutôt modestes en comparaison des élections de 2019 par exemple.»