Droits humains Nils Melzer s'en prend au Conseil fédéral

ATS

11.9.2020 - 17:17

Le rapporteur spécial de l'ONU contre la torture Nils Melzer et plusieurs de ses collègues estiment que le projet de loi antiterroriste en Suisse pourrait être utilisé par des gouvernements autoritaires (archives).
Le rapporteur spécial de l'ONU contre la torture Nils Melzer et plusieurs de ses collègues estiment que le projet de loi antiterroriste en Suisse pourrait être utilisé par des gouvernements autoritaires (archives).
Source: KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI

Le projet de loi antiterroriste du Conseil fédéral continue à s'attirer les critiques de plusieurs experts indépendants onusiens. Le rapporteur spécial suisse de l'ONU Nils Melzer et quatre de ses collègues ont déploré vendredi à Genève de ne pas être entendus.

Actuellement discuté au Parlement, le durcissement souhaité par le gouvernement avait déjà préoccupé plusieurs acteurs internationaux ces derniers mois. Il pourrait être responsable «d'un dangereux précédent pour la répression de la dissidence politique dans le monde», affirment le rapporteur spécial de l'ONU contre la torture, le Zurichois Nils Melzer, et ses collègues.

Ceux-ci déplorent le refus des autorités suisses de modifier les composantes controversées du projet de loi. Fin mai, ils leur avaient envoyé une lettre officielle de 16 pages avec plusieurs recommandations.

Aucune «n'a été mise en œuvre», affirment-ils. «Aucune réponse satisfaisante n'a été donnée à nos principales préoccupations concernant l'incompatibilité du projet de loi avec les droits humains et les meilleures pratiques internationales en matière de lutte contre le terrorisme».

Le dispositif selon lequel l'activité terroriste n'exige plus du tout le scénario d'un crime inquiète les experts. Il pourrait viser des activités légitimes de la société civile ou de militants politiques.

Selon le Conseil de sécurité de l'ONU, le terrorisme est toujours associé à l'intimidation ou la coercition d'une population ou d’un gouvernement par la menace ou la perpétration d'actes de violences provoquant des décès, des blessés ou des prises d'otages.

Danger avec les autocraties visé

«L'élargissement» de la question du terrorisme dans le projet de loi «va bien au-delà de l'actuel droit national suisse et contrevient aux normes internationales», affirment les spécialistes indépendants. Ceux-ci ne s'expriment pas au nom de l'ONU, mais sont mandatés par elle.

Cette approche suisse pourrait être utilisée par les «gouvernements autoritaires qui cherchent à réprimer la dissidence politique, notamment par la torture», ajoutent-ils. Les experts ont également mis en garde contre certaines composantes du projet de loi qui donneraient à la police fédérale un pouvoir étendu pour désigner des «terroristes potentiels». Elle pourrait alors décider de mesures préventives à leur encontre sans contrôle judiciaire significatif.

Les spécialistes regrettent aussi que le Conseil fédéral ait refusé l'assistance technique qu'ils lui avaient offerte. Ils appellent les parlementaires à rejeter la loi.

Les propositions de modifications complémentaires du code pénal sur le soutien aux organisations terroristes inquiètent également les experts. Comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ou l'Appel de Genève, ils estiment que ce dispositif aurait un impact important pour les organisations humanitaires.

Le Conseil des Etats s'est dit mardi favorable à une exception pour celles-ci. Le Conseil national, qui avait proposé ce réaménagement, doit lui à nouveau se prononcer sur cette question.

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