Double nationalitéRuedi Baumann: «Ici, nous n'avons que des amis»
Valerie Zaslawski
24.12.2018
Deux décennies plus tôt, Ruedi Baumann tournait le dos à la Suisse en raison, entre autres, de désaccords entre les Verts du Conseil National et la politique suisse. Aujourd’hui, en plus de la Suisse, il se sent attaché à sa nouvelle patrie, la France.
En Suisse, Ruedi Baumann était une véritable star de la politique: il fut à la fois représentant du canton de Berne au Conseil National et Président des Verts. C’est que cet homme de 71 ans a été le premier à de nombreux égards. Il a été ce membre connu de l’UDC qui est parti chez les Verts après que le parti n’a ni apprécié son combat contre les centrales nucléaires ni son amour pour sa femme, Stephanie Baumann, membre du PS. Diplômé d’agronomie, il a été le premier parlementaire fédéral à s’asseoir dans la chambre basse en compagnie de son épouse, ce qui leur a valu des visites récurrentes du «Schweizer Illustrierte».
Ruedi Baumann a aussi été le premier Suisse de l’étranger à poursuivre son travail à l’Assemblée fédérale alors qu’il habitait depuis près de 20 ans dans l’ouest de la France. L’exploitant agricole explique fièrement, à peu de choses près, qu’il profitait des temps de midi lors des sessions pour rentrer chez lui dans sa ferme à Suberg dans le Seeland bernois et faner ses champs. Après son déménagement à Traversères dans le sud-ouest de la France, la route jusqu’au Parlement s’est vite révélée pénible.
La distance géographique ne lui a pas permis de s’impliquer autant qu’il l’aurait voulu. En 2003, il s’est retiré du Conseil national. Aujourd’hui, Ruedi Baumann n’est plus actif en politique et affirme que les Verts n’étaient pas parvenus à grand-chose à l’époque. Peut-être étaient-ils aussi simplement en avance sur leur temps. La vie politique suisse le frustrait, en particulier la politique agricole. C’est une des raisons pour lesquelles il est parti.
Ruedi Baumann se sent toutefois encore concerné par la politique. Cinq ans après son départ pour sa nouvelle patrie, un village comptant 80 habitants, il a demandé la citoyenneté française. Ruedi Baumann avait toujours voulu devenir un citoyen de l’Union européenne, il se battait déjà à l’époque pour que la Suisse en soit membre. «Maintenant je peux en faire partie», dit-il, un peu entêté.
Ruedi Baumann souhaitait aussi obtenir le droit de vote, avoir son mot à dire finalement. Depuis son départ, il n’a jamais manqué un seul vote, même en Suisse, souligne-t-il. «Au bout du monde – am Ende der Welt», c’est ici qu’il vit maintenant, dans sa ferme de 70 hectares où il laboure et vend son foin. Sa femme a également développé une remarquable culture d’orchidées. «La rénovation demande beaucoup de travail», dit-il, mais il aime aussi en discuter.
Ruedi Baumann ne s’occupe plus d’animaux, il veut pouvoir rendre visite régulièrement à ses deux fils en Suisse. «Nous pouvons nous permettre de nous éclipser comme bon nous semble», dit-il soulagé. L’un des fils a repris la ferme à Suberg tandis que l’autre a tourné le film documentaire «Zum Beispiel Suberg» qui narre la transition économique du petit village bernois.
Ruedi Baumann roule chez lui jusqu’en Suisse et revient chez lui en France. Il se sent aussi Suisse que Français aujourd’hui. Même au football, lors d’une rencontre entre la Nati et les Bleus, il se moque du gagnant tant le match, qu’il regarde volontiers avec ses voisins, est divertissant. Les Baumann se sentent bien intégrés dans le village. «Ici, nous n'avons que des amis. En Suisse, nous avions beaucoup d’ennemis politiques», admet-il avec légèreté. Pour autant, il envisage tout de même de retourner en Suisse lorsqu’il se sentira vieux et diminué. Il concède d’ailleurs: «je suis déjà vieux, mais j’espère ne pas être diminué avant longtemps».
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