Pourra-t-il rebondir ? Au lendemain de la défaite historique en huitièmes de finale de la Coupe du monde face au Portugal (6-1), l'avenir de Murat Yakin à la tête de l'équipe de Suisse s'inscrit en pointillés.
Murat Yakin s'est fourvoyé le soir où il aurait pu devenir le plus grand sélectionneur de l'histoire du football suisse. Son choix de jouer pour la première fois avec une défense à cinq en match officiel a non seulement dérouté tous les observateurs, mais il a également choqué son vestiaire. «L'entraîneur a changé de plan. Nous avons dû nous adapter, soulignait Xherdan Shaqiri. Mais au final, cela n'a pas fonctionné.»
Comme ses coéquipiers, le Bâlois aurait souhaité évoluer dans ce système en 4-2-3-1 qui avait parfaitement fonctionné quatre jours plus tôt face à la Serbie. Mais le forfait de Silvan Widmer et les interrogations sur l'état de forme de Fabian Schär et de Nico Elvedi ont conduit le sélectionneur à faire une sorte de banco sur la table. A confier à Edimilson Fernandes et à Ruben Vargas le rôle essentiel dans un 3-5-2 de pistons pour lequel ils ne sont malheureusement pas taillés.
«L'idée était à la fois d'empêcher les Portugais de combiner dans l'axe et de prendre la profondeur pour les surprendre», avance Murat Yakin pour sa défense. Le sélectionneur a plaidé non-coupable pour mettre l'accent sur le manque de fraîcheur de ses joueurs. «Nous avons abandonné bien trop de forces dans la phase de poules», ajoute-t-il.
Un feu qui couve
On doute que ces arguments suffisent à éteindre le feu qui couve dans le vestiaire de l'équipe de Suisse. La manière avec laquelle Xherdan Shaqiri est monté au front dès la fin de match témoigne d'un réel malaise. Le dépit manifesté par Yann Sommer et l'espèce de sidération qui a pu saisir le capitaine Granit Xhaka à plusieurs reprises lors de ce tournoi renforcent ce sentiment étrange qui se dégage autour de cette équipe. Comme si le côté un peu «flambeur» de Murat Yakin a trop vite lassé. Il est vrai que la transition est brutale avec ce sélectionneur qui n'hésite pas à tout chambouler la psychorigidité de son prédécesseur.
Le péché originel ne provient-il toutefois pas de la structure étonnante de la liste des vingt-six sélectionnés ? Murat Yakin a pris le pari de venir au Qatar avec seulement deux latéraux de métier, Silvan Widmer et Ricardo Rodriguez. Il n'a pas voulu emmener au Qatar Kevin Mbabu et Jordan Lotomba coupables au mois de juin d'avoir livré un match bien médiocre au Portugal – défaite 4-0 – et d'avoir également commis un écart disciplinaire.
La fin de l'état de grâce
Si l'un des deux avait été présent à Doha, jamais le sélectionneur n'aurait tenté le diable avec une défense à cinq contre un Portugal presque sublimé par l'absence de Cristiano Ronaldo. A l'arrivée, ce 6-1 ôte à Murat Yakin une grande partie de son crédit. Il signifie la fin de l'état de grâce. Il commande une véritable remise en question avant d'attaquer en mars prochain la campagne de qualification l'Euro 2024. Et aussi un mea culpa auprès de son vestiaire.