Moto Jacques Cornu: "Quoi, déjà trente ans?"

ATS

2.7.2019 - 06:21

Il y a trente ans, Jacques Cornu remportait le GP de Belgique 250 cm3 sur le circuit de Spa-Francorchamps. Le Neuchâtelois s'imposait alors pour la troisième et dernière fois en championnat du monde.

"Quoi, déjà trente ans?", s'exclame Jacques Cornu à l'évocation de ce succès obtenu le 2 juillet 1989. Désormais âgé de 66 ans, le meilleur motard romand de l'histoire a conservé des souvenirs précis de ce succès acquis sur l'exigeant circuit tracé dans les Ardennes.

«Je me souviens de grosses montées d'adrénaline. Au dernier tour, avant l'ultime virage, les commissaires ont brandi le drapeau rouge et jaune indiquant de l'huile sur la piste. J'avais une avance d'une ou deux secondes sur Sito Pons, mais je voulais tout sauf tomber ou ralentir trop et me faire passer. Cela a donc été très chaud», explique Cornu.

La course s'était déroulée dans des conditions météo difficiles, comme souvent à Spa. «Il y avait des averses, puis la piste séchait par endroits. J'avais choisi de partir avec un pneu mixte devant et un slick derrière. Mais si la pluie était devenue plus forte, je n'aurais pas gagné», rigole le Neuchâtelois, deux fois troisième du championnat du monde 250 cm3 (1988/1989).

Le pilote suisse avait déjà remporté deux Grands Prix en 1988, en Autriche et en France. «Chaque victoire est extraordinaire. Quand tu te retrouves sur le podium et que tu entends l'hymne suisse, c'est quelque chose que tu ne peux pas oublier», dit-il.

La moto lui a tout apporté

Parti de rien, fils d'ouvriers, Jacques Cornu a dû se construire tout seul, sans moyens, mais avec un sens consommé de la débrouille. Sa carrière en moto a constitué une véritable école de vie. «La moto m'a tout apporté. J'ai eu des résultats, mais j'ai aussi appris beaucoup en matière de business et de communication, surtout que j'ai toujours aimé parler!«, glisse-t-il.

«Cela m'a servi ensuite quand j'ai lancé mon école de moto: je savais à quelle porte frapper. J'ai aussi eu la chance de devoir tout faire moi-même au début, notamment bricoler des pièces avec n'importe quoi. Cela me sert encore aujourd'hui», se réjouit-il.

Après la fin de sa carrière sportive en 1990, Jacques Cornu a fondé son école, la Cornu Master School. Avec un objectif bien précis: «Tout au long de mon parcours, j'ai pris conscience que bien des accidents auraient pu être évités avec une meilleure maîtrise de l'engin. C'est pourquoi l'école insiste sur ce point. Elle est destinée à tous, mais pas à ceux qui veulent faire de la compétition. Il y a différents cours, et on accueille environ 1800 personnes par année», explique Cornu, qui a remis la direction l'an passé, mais qui donne encore quelques cours.

Des combis comme des pyjamas

L'ancien champion, dont l'agenda reste bien rempli, profite notamment de son temps libre pour voyager. Mais il ne retourne pas trop sur les Grands Prix, même s'il les suit à la télévision.

«Par rapport à mon époque, les temps se resserrent. Avant, si j'étais en première ligne, les derniers étaient à quatre ou cinq secondes. Maintenant, les écarts sont très faibles. C'est dû notamment à l'assistance électronique au pilotage, précieuse en sortie de virage. Pour faire une différence, les pilotes n'ont que le freinage. Et dans ce domaine, un Marc Marquez est incroyable», commente le Neuchâtelois.

Jacques Cornu évoque aussi l'amélioration de la sécurité des circuits, ainsi que des équipements. «Mes premières combinaisons, c'étaient comme des pyjamas! Maintenant, les matériaux sont bien meilleurs, et il y a même l'airbag dans le dos.»

L'avis du spécialiste

Voix de la moto sur la TSR durant plus de trente ans, Bernard Jonzier a évidemment suivi de près la carrière de Jacques Cornu. Quel regard ce jeune septuagénaire porte-t-il sur le parcours du pilote neuchâtelois.

Bernard, peut-on affirmer que Jacques Cornu a été un artisan majeur de la popularité de la moto en Suisse romande?

«Oui, absolument. Avant lui, il y avait eu une grande époque avec Philippe Coulon, Bruno Kneubühler ou Michel Frutschi. Jacques a longtemps dû courir avec de petits moyens et du matériel peu compétitif. Il a roulé en endurance, où il a été champion du monde, pour sponsoriser sa participation aux Grands Prix. Il a ensuite franchi un cap grâce à l'appui de Michel Mettraux et Burrus, ce qui lui a enfin permis de disposer d'une moto concurrentielle.»

Que gardez-vous en mémoire concernant son troisième et dernier succès à Spa en 1989?

«Les conditions météo étaient difficiles, avec une pluie intermittente. Jacques avait choisi les bons pneus, il avait pris rapidement la tête. En fin de course, Sito Pons revenait fort, mais il a tenu. Je me rappelle qu'on le taquinait ensuite, en lui disant que sa victoire était en fait partagée par trois personnes: le préparateur Jörg Möller, qui lui avait donné une machine très rapide en ligne droite, Michel Mettraux, qui avait obtenu les bonnes infos météo en posant son avion à proximité du circuit, et enfin le pilote!»

Quelles qualités autres que celles de pilote Jacques Cornu possédait-il?

«C'était un personnage public, il était rigolo et avait de l'humour. Et surtout, il a beaucoup été aidé par le fait qu'il parlait parfaitement le suisse allemand et l'allemand. Il a donc eu une exposition médiatique aussi hors de Suisse romande. La TV allemande était même une fois venue le prendre en hélicoptère pour l'amener dans un studio à Munich.»

Pourquoi ne voit-on plus de pilotes romands briller dans les Grands Prix?

«Nous sommes un petit pays, la Fédération suisse a peu de moyens. On a raté le train quand les pays environnants ont créé la filière pocket bike. Il y a eu un trou. Quand cela a enfin été mis en place, Thomas Lüthi a émergé de ce système. Mais il faut être conscient que les Alémaniques sont six à sept fois plus nombreux, donc proportionnellement les chances de voir un Romand en Grand Prix sont moindres. Le prochain sera peut-être le Fribourgeois Jason Dupasquier.»

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