Vladimir Petkovic n'est pas un entraîneur dogmatique. Le sélectionneur de l'équipe de Suisse laisse souvent son feeling décider des systèmes de jeu tout en demeurant fidèle à un précepte: la volonté d'aller de l'avant.
Cela peut paraître anecdotique, mais la capacité de l'équipe nationale d'évoluer en différentes configurations n'est (et de loin) pas une chose habituelle. De Roy Hodgson à Ottmar Hitzfeld, tous les prédécesseurs de Petkovic avaient opté pour un schéma et, sauf cas exceptionnel, s'y tenaient.
Après s'être assuré que ses joueurs maîtrisaient sur le bout des orteils un système de base – un 4-3-3 qui a vite glissé en 4-2-3-1 -, le Mister a pu étoffer la panoplie de sa sélection. Jusqu'à intégrer un changement plutôt radical d'un point de vue tactique: la défense à trois. Comme cela a été le cas, en cours de match, contre la Belgique en novembre dernier. Une faculté d'adaptation qui a pesé lourd sur une rencontre remportée 5-2 par les Suisses.
«Pas une obsession»
«Il ne faut pas en faire une obsession», tempère d'emblée Vladimir Petkovic lorsqu'on lui demande s'il a finalement décidé de privilégier une défense à trois. A croire que le Tessinois ne parviendra jamais à se «débarrasser» de son passé chez les Young Boys, qu'il alignait à chaque fois en 3-4-3. On avait du reste tout de suite prêté cette même intention au sélectionneur dès sa nomination, oubliant que sa Lazio se présentait presque toujours avec quatre défenseurs sur le terrain.
Le Mister s'en remet avant tout à son instinct pour choisir un schéma. «Il faut sentir les choses pour être sûr qu'il s'agisse de la bonne solution», explique-t-il. En faisant progresser son équipe pas à pas, Petkovic s'est ouvert le champ des possibles et s'est offert, aujourd'hui, plusieurs options intéressantes.
Cette modularité impressionne certains homologues du Tessinois. A commencer par Ludovic Magnin, lequel «trouve ça fou de le faire en équipe nationale», sachant que le temps à disposition d'un sélectionneur est vraiment réduit par rapport à un entraîneur de club. «C'est pour cela que je trouve très courageux que Petkovic ose le faire, poursuit le coach du FC Zurich. Cela traduit aussi une intelligence de jeu très haute de la part des joueurs.»
Il est vrai que la plupart des internationaux suisses ont une panoplie large. Les centraux peuvent jouer indifféremment à deux ou trois, certains latéraux peuvent glisser dans l'axe (Lang, Rodriguez) ou alors monter d'un cran dans le couloir (Rodriguez, Mbabu). Les milieux centraux sont polyvalents et les attaquants, sauf peut-être les avants-centres types que sont Seferovic et Gavranovic, ont les moyens de passer de l'axe aux couloirs (Shaqiri, Mehmedi, Embolo, etc.), voire de reculer (comme Zuber contre la Belgique).
A tel point que même eux, parfois, ne savent pas vraiment quels joueurs ils sont. «Je me pose encore la question», concède un Breel Embolo pour qui l'étiquette ne compte finalement pas. «Ce qui est important est de se sentir bien sur le terrain et de pouvoir prendre nos propres décisions.»
«J'adore!»
Là aussi réside une des clefs de la réussite de Vladimir Petkovic: ménager une plage de liberté à ceux censés créer le danger. «Nous avons bien sûr des consignes tactiques, mais le coach nous laisse libres, détaille Embolo. C'est aussi pour cela que nous sommes nombreux à pouvoir marquer et à faire marquer. Les adversaires ne savent pas toujours d'où va venir le danger.»
Maîtrise des bases, liberté accordée et intégration de nouveaux systèmes: une formule payante qui peut conférer à une équipe «une âme supplémentaire», estime Ludovic Magnin, faisant écho à tous ces internationaux convaincus que chaque joueur peut, un jour ou l'autre, faire la différence. Un sacré plus pour la confiance. «J'adore ce que Petkovic fait!», clame encore Ludovic Magnin. «Souvent, la chance ou le succès sourient aux gens qui ont du courage.»
Confirmation à l'entraînement
A priori, Vladimir Petkovic ne va pas changer de méthode de sitôt. La première véritable séance de ce rassemblement, mardi matin au Letzigrund, a confirmé que le Mister entend à la fois entretenir le mystère et poursuivre le travail de plusieurs systèmes. Si une défense à quatre demeure l'option no 1, les mises en place, avec des hommes de couloir capables d'avoir un fort impact physique, ont démontré que le Tessinois était encore en phase de réflexion.
Le rappel de Kevin Mbabu à la place de Xherdan Shaqiri renforce cette impression, même si le latéral des Young Boys, qui ne s'est pratiquement pas entraîné de toute la semaine passée et qui se trouvait encore à Genève lundi soir, n'est pas (encore) dans un état de fraîcheur optimale.