La Super League, projet mort-né? Face au tollé et aux menaces des instances du football, les douze clubs dissidents fondateurs de cette compétition privée rivale de la Ligue des champions ont connu mardi leurs premiers soubresauts, certains de leurs membres étudiant un retrait.
Ils pensaient convaincre le monde du football en proposant plus de matches à fort enjeu, et visaient des revenus colossaux en s'assurant un ticket permanent dans une épreuve quasiment inaccessible aux autres équipes du continent... Mais les douze "mutins", emmenés par le Real Madrid, Liverpool ou la Juventus Turin, ont commencé à douter de manière aussi tonitruante qu'ils avaient fait sécession dans la nuit de dimanche à lundi.
Manchester City est d'ailleurs le premier club à avoir officiellement annoncé mardi soir avoir entamé une procédure pour se retirer du projet. Chelsea serait sur le point de faire de même, selon plusieurs médias britanniques dont la BBC mardi soir. En Espagne, d'autres informations de presse évoquent le retrait à l'étude de l'Atlético Madrid.
Victoire judiciaire pour les mutins
La levée de boucliers générale des supporters, des instances et même des gouvernements semble donc porter ses fruits, alors que dans la soirée, plusieurs centaines de fans de clubs anglais avaient bruyamment manifesté leur désapprobation aux abords du stade Stamford Bridge de Chelsea, à Londres.
"Manchester City est dans mon sang, mon oncle a joué pour City et tout le monde dans ma famille est fan de City. Mais je ne veux pas qu'on fasse partie de cette élite, je préfèrerais encore nous voir en League Two (D4)", a assuré Zac Bookbinder, 16 ans, venu manifester avec des amis.
L'UEFA, qui défend de son côté sa propre réforme de la Ligue des champions, avait tiré lundi à balles réelles sur ces "serpents", "guidés uniquement par l'avidité", des mots mêmes du président de l'UEFA Aleksander Ceferin.
Celui-ci n'avait pas hésité à menacer les douze dissidents de représailles monumentales, comme l'exclusion de ces clubs de toutes les compétitions nationales et internationales, brandissant même un Euro ou une Coupe du monde sans les joueurs internationaux évoluant dans ces équipes. Mais il les avait aussi exhorté à "changer d'avis" après "une énorme erreur".
Le président de la FIFA Gianni Infantino était lui aussi venu au secours d'un foot européen bouleversé, en réitérant son opposition à ce "club fermé". "Soit vous êtes dedans, soit vous êtes dehors", a-t-il lancé mardi matin lors du congrès de l'UEFA à Montreux.
La Super League, emmenée par le patron du Real Madrid Florentino Pérez, semblait avoir anticipé ce tollé et ces menaces. Elle avait même remporté mardi une première victoire judiciaire en obtenant d'un tribunal de commerce de Madrid une décision susceptible de geler provisoirement toute sanction la concernant.
Tollé en Europe
En face, la riposte s'est pourtant organisée à tous les niveaux. Au Royaume-Uni, berceau du sport roi en Europe, le Premier ministre Boris Johnson a assuré qu'"aucune mesure (n'était) écartée" par le gouvernement pour stopper le projet, "y compris l'option législative".
Avec une réunion prévue vendredi du Comité exécutif de l'UEFA, la question de l'exclusion des clubs "mutins" restait sur la table, en particulier pour l'édition actuelle de la Ligue des champions, dont le dernier carré comprend trois clubs concernés (Manchester City, Chelsea et le Real Madrid).
De nombreuses figures du football ont aussi affiché leur opposition au projet susceptible de dynamiter l'édifice pyramidal du ballon rond européen et la redistribution des revenus. L'une des opinions les plus virulentes est venue de Pep Guardiola, entraîneur-vedette de Manchester City.
Pour le Catalan, cette nouvelle coupe d'Europe perturbe l'idée même de compétition. "Ce n'est pas du sport si le succès est garanti ou si perdre n'a aucune importance", a asséné Guardiola.
Ces déclarations résument la profonde ligne de fracture créée par les 12 clubs rebelles, composés de six anglais, trois espagnols, trois italiens... mais aucun allemand ni français. "Toute proposition sans le soutien de l'UEFA (...) ne résout pas les problèmes", a d'ailleurs estimé Nasser Al-Khelaïfi, patron du Paris SG, qui n'a pas suivi les dissidents.