Face à la Belgique, l'équipe de Suisse a enfin remporté un match couperet. Si cette victoire obtenue dimanche à Lucerne en Ligue des Nations n'efface pas l'affront subi par la Nati contre la Suède cet été lors du Mondial, elle permet néanmoins de conforter Vladimir Petkovic au poste de sélectionneur.
Bien sûr, cette victoire contre la Belgique est fabuleuse. Elle permet à la Suisse de s'inviter pour la première fois à la table des grands, ce Final Four en juin prochain au Portugal avec les trois autres vainqueurs de groupe de cette première Ligue des Nations. Mais elle ne peut pas effacer complètement la terrible désillusion provoquée par l'élimination le 3 juillet dernier devant la Suède en huitième de finale de la Coupe du monde.
Vladimir Petkovic n'a, ainsi, pas voulu "surjouer" après le plus beau match livré par son équipe depuis son intronisation en août 2014. Quelques heures avant le triplé de Haris Seferovic, il avait pu lire dans le plus grand journal du pays un appel à sa démission dont le timing semble aujourd'hui bien malheureux. Le "Mister" est resté mesuré dans l'analyse de cette victoire alors que d'autres auraient pu sauter sur l'occasion pour régler des comptes.
L'hommage de Xherdan Shaqiri
Il aurait pu se le permettre dans la mesure où il est parvenu à changer vraiment la donne lors de cette Ligue des Nations. Le grand mérite de Vladimir Petkovic depuis la Coupe du monde est d'avoir, en effet, donné les clés du camion à Granit Xhaka et à Xherdan Shaqiri. Pour cela, il n'a pas hésité à écarter Valon Behrami pour confier à Xhaka le leadership de l'équipe. Il a, par ailleurs, placé Shaqiri dans son rôle de prédilection, en 9,5 juste derrière l'attaquant. Dimanche après avoir ébloui le match de tout son talent, le joueur de Liverpool a d'ailleurs tenu à rendre hommage à son entraîneur. "Vladimir Petkovic est l'un des sélectionneurs les plus compétents que l'équipe de Suisse n'ait jamais connu. On lui a parfois manqué de respect dans la tenue de certains commentaires, souligne-t-il. Je crois que nous avons apporté sur le terrain la réponse qui convenait."
Dans un monde parfait, Xherdan Shaqiri et ses coéquipiers auraient dû livrer le même match lors de ce funeste 3 juillet. Entre l'équipe qui a été éliminée sans gloire par la Suède et celle qui a renversé la table contre la Belgique, il y a un abîme. Pour l'expliquer, il faut revenir à l'aveu de Granit Xhaka qui affirme que cette Coupe du monde s'est terminée le soir du Suisse - Serbie de Kaliningrad, où la célébration de l'aigle bicéphale albanais sur les deux buts suisses devait déclencher le séisme que l'on sait. "C'est simple: après ce match, on n'a plus parlé de foot", déplore le capitaine.
Une autre explication pour cet abîme a un nom: Kevin Mbabu. Déjà remarquable lors de sa première titularisation en sélection lors du succès 6-0 contre l'Islande le 8 septembre à Saint-Gall, le Genevois a touché au sublime dimanche pour sa deuxième. C'est lui qui provoque le penalty de la "révolte". C'est lui qui va gagner un corner improbable qui amène le 4-2 de Nico Elvedi. C'est lui, enfin, qui dépose délicatement le ballon sur la tête de Haris Seferovic pour le 5-2. "On savait pourtant que le danger allait venir du flanc droit suisse", fulmine Thomas Meunier. Le défenseur du PSG a dû toutefois être impressionné par son vis-à-vis dont la valeur marchande, sur ce seul match, a pris l'ascenseur.
Il n'a pas osé
On peut donc formuler, avec le recul, un reproche majeur à Vladimir Petkovic: ne pas avoir osé emmener avec lui en Russie Kevin Mbabu. Il est vrai que sa présence lors de la Coupe du monde aurait pu bouleverser l'équilibre du vestiaire dans la mesure où sa place était occupée par le capitaine d'alors Stephan Lichtsteiner et par Michael Lang qui sortait d'une magnifique campagne en Ligue des Champions avec le FC Bâle. Il n'empêche que l'on donnerait très cher pour rejouer ce Suisse - Suède avec Kevin Mbabu...
A défaut d'avoir joué la carte Mbabu dès cet été, il faut reconnaître à Vladimir Petkovic un choix gagnant lors de la rencontre de dimanche soir: le retour à une défense à trois après le deuxième but belge. Ce nouveau schéma a permis au Genevois d'exprimer tout son potentiel. Il reste maintenant au sélectionneur de régler un problème très délicat: signifier à Stephan Lichtsteiner que l'avènement de Kevin Mbabu le condamne désormais à ne jouer que les utilités en sélection. Dimanche soir, Vladimir Petkovic est resté mesuré. Il n'a pas voulu parler de "révolution" pour évoquer le cas de ses anciens grognards, Stephan Lichtsteiner, Johan Djourou et Blerim Dzemaili. "Le terme est trop fort, dit-il. Je préfère souligner que la concurrence au sein de l'équipe s'est désormais accrue."