Y a-t-il des challengers en Super League? La question se pose avant l'entame de la saison ce week-end, Young Boys partant avec une certaine avance sur la concurrence.
Peter Zeidler se veut lucide: «Normalement, ce n'est pas possible de refaire la même saison.» La Super League va reprendre et, à l'heure de mentionner les favoris, on se demande bien ce que va pouvoir faire son FC Saint-Gall. Dauphin l'an dernier et, surtout, auteur d'un exercice fantastique en matière de jeu et de résultats au point d'aller contester le titre à Young Boys jusqu'à l'avant-dernière journée, le club de l'est de la Suisse a le devoir de confirmer. Mais sans Cedric Itten, Ermedin Demirovic et Silvan Hefti, la tâche est d'une autre ampleur.
C'est peu dire que les Brodeurs portent beaucoup d'espoirs sur leur dos. Il n'est pas impossible d'imaginer que la troupe de Zeidler soit la seule à pouvoir contester l'hégémonie désormais bien en place de celle de Gerardo Seoane. Avec trois titres consécutifs de champion à son palmarès, plus une Coupe la saison passée, Young Boys est passé dans une autre dimension. Il est le club qui rafle tout, qui domine le football suisse. Quiconque aurait pour ambition de lui contester sa suprématie s'expose à se faire piller.
Tel le FC Bâle de la décennie passée, YB fait le vide autour de lui, quitte à affaiblir ses concurrents directs. Silvan Hefti cartonne avec Saint-Gall, dont il est l'enfant du club et le capitaine? Les Bernois vont le chercher, autant pour renforcer leur couloir droit que pour mettre un concurrent direct dans la difficulté. C'est le jeu de la Super League, et le club de la capitale l'a bien fait comprendre à l'opposition. Il l'a mérité, aussi, lui qui a continué à bien travailler après ses deux premiers titres.
Contraste entre YB et Bâle
Et puis, YB profite aussi d'une période où Bâle a trouvé le moyen de se mettre dans la difficulté. Financière surtout, sachant que le FCB a affiché un déficit de près de 20 millions de francs sur l'année 2019. Contraste saisissant, YB a lui présenté un bénéfice de 21 millions. Entre les deux leaders du football suisse, la comparaison ne tient plus. La lumière n'a sa place qu'au-dessus du Wankdorf. Saint-Jacques vit lui dans l'obscurité et seules les banderoles incendiaires à l'égard de la présidence de Bernhard Bürgener attirent l'attention des badauds.
Le contexte est hostile sur les bords du Rhin, et ce ne sont pas les choix de la direction qui sont de nature à susciter l'espoir. Face à la démission du candidat désigné Alex Frei à la succession de Marcel Koller, Bâle a répondu avec Ciriaco Sforza. Le nom claque encore un peu, mais il est surtout estampillé Grasshopper, et cela ne rend jamais une figure populaire auprès des fans bâlois. Et puis, son passé sur un banc est relatif, lui qui végétait en Challenge League (Wohlen, puis Wil) depuis plusieurs saisons.
Bâle lui a prêté un statut de post-formateur et croit en lui pour lancer des jeunes. Pourquoi pas. Il fera avec ce qu'il aura, et même si on a tenté de reconquérir les coeurs des supporters en prolongeant Taulant Xhaka et Valentin Stocker, deux joueurs identifiés «rotblau», cela ne s'annonce pas évident. Sforza a une chance: la pression n'est pas la sienne (il n'aurait peut-être jamais dû se retrouver là), mais celle de sa direction. Il n'a pas grand-chose à perdre et beaucoup à gagner pour se refaire un nom. Le contexte économique, amplifié par la crise sanitaire, lui offre l'opportunité qu'il n'attendait plus.
L'effectif qu'il aura à disposition n'est pas vraiment susceptible de pouvoir contester celui de Young Boys. Surtout quand Seoane peut encore compter sur la présence de Jean-Pierre Nsame, même si le mercato (qui court jusqu'au 12 octobre) peut encore faire bouger les lignes. Reste qu'YB a déjà anticipé en se faisant prêter Jordan Siebatcheu par Rennes. Bâle, lui, a toujours Cabral dans ses rangs, qu'il a acquis à titre définitif, et il s'agira de pouvoir le garder pour commencer cette saison et espérer créer une certaine surprise.
La crise engendre le calme
Car la liste des prétendants pour ne serait-ce que gêner Young Boys est courte. Il faut dire que le coronavirus est passé par là, et même si les stades peuvent être ouverts aux deux tiers dès le 1er octobre, les finances sont fragiles. Personne n'a recruté du lourd.
Servette, par exemple, très joli quatrième l'an passé, a comblé une brèche au poste de latéral gauche (en prenant Arial Mendy), mais les Genevois annoncent vouloir s'appuyer sur leurs jeunes. Risqué, surtout quand la deuxième saison en Super League est réputée pour n'être jamais aussi simple que la première.
Le Lausanne-Sport, du moins tant qu'il a encore Andi Zeqiri dans ses rangs (Aldin Turkes a lui prolongé), espère s'inspirer de son voisin lémanique. Pour ces deux-là, la saison s'ouvrira sur un derby (dimanche 16h00 à la Pontaise), qui permettra de jauger les forces en présence.
Pour Sion, le déplacement à Saint-Gall aura aussi allure d'un premier test. On tentera de comprendre où Fabio Grosso veut aller avec cette équipe qui, il faut le relever, a perdu plusieurs éléments-clés: Maceiras (YB), Lenjani (GC) et Kasami (encore en recherche d'un club) sont partis en fin de contrat, alors que Bastien Toma a été vendu à Genk. Rayon arrivées, seule celle de Dennis Iapichino (au terme de son bail à Servette) est à signaler, même si Serey Dié et Gaëtan Karlen avaient déjà signé pendant l'été.
Il faut alors imaginer que les surprises viendront d'ailleurs. Mais les inconnues sont nombreuses. Le très jeune FC Zurich de Ludovic Magnin, qui s'est fait sortir en Coupe à Chiasso dimanche, va-t-il trouver une constance? Fabio Celestini peut-il imposer définitivement sa patte à Lucerne? Le Lugano très pragmatique de la fin de saison passée a-t-il mis au point une formule pertinente pour un championnat entier? Et quid de Vaduz, qui s'est invité là où personne n'avait envie de lui? En plus de l'hégémonie, Young Boys a surtout ses certitudes. Pas grand monde ne peut en dire autant.