Swiss League "Le sommet de ma carrière" - Retour sur l'exploit ajoulot

ATS

29.4.2021

Le petit Ajoie a réussi à s'inviter à la table des grands. Promu en National League après avoir écarté Kloten en six matches, le club jurassien va devoir composer avec un budget XXS.

Mathias Joggi célèbre le titre de champion de Suisse du HC Ajoie.
Mathias Joggi célèbre le titre de champion de Suisse du HC Ajoie.
Keystone

Nous sommes en 2021 après Jésus-Christ. Toute la National League est occupée par des clubs aux budgets solides... Toute? Non! Car un club du nord-ouest du pays, peuplé d'irréductibles Jurassiens, espère bien venir bousculer l'ordre établi.

Et il faudra le faire avec un budget minuscule de 7 millions de francs et sans pouvoir aller puiser chez un éventuel relégué, puisque la relégation n'est plus à l'ordre du jour avant, peut-être, 2023. Cela signifie que les Jurassiens auront droit à deux ans dans l'élite, 28 ans après leur dernière incursion qui avait causé mille maux à un club forcé de passer par la case 1re ligue.



Avec une nouvelle enceinte de 4800 places, l'organisation dispose d'un joli outil de travail, mais la professionnalisation d'un club ne passe pas que par les infrastructures. Le président Patrick Hauert le sait, il ne dispose pas de la même potion magique que les grosses cylindrées du championnat. Cette fameuse potion qui permet d'attirer certains joueurs. Mais les Ajoulots veulent profiter de l'instant.

Après les Sangliers, les Aviateurs

Ainsi après avoir chassé les Sangliers de Moutier, les Jurassiens ont détourné l'appareil des Aviateurs pour se faire une place au soleil. Alors qu'au dehors de la patinoire les supporters amassés chantaient "On est en Ligue A!", sur la glace les joueurs peinaient à redescendre de leur petit nuage.

A commencer par le héros Mathias Joggi, auteur du but décisif en prolongation. "C'est le sommet de ma carrière, a glissé le Biennois qui a plus de 800 parties dans les deux meilleures divisions du pays en tirant sur un cigare. J'ai inscrit deux buts en finale de Coupe de Suisse l'an dernier, j'ai fêté un titre de champion avec Davos, j'ai remporté la Coupe Spengler, mais ce but décisif pour faire monter Ajoie en National League vient en première position." La recette du succès est simple pour le joueur de 35 ans: "Famille, esprit d'équipe, combat." Mais le natif de Bienne rappelle que le les Jurassiens ont fini avec le même nombre de points que les Zurichois en saison régulière. "Dans l'une ou l'autre situation, on a certainement bénéficié de la chance, mais nous nous sommes battus", résume-t-il. Pour Jordane Hauert, fils du président ajoulot, la magie de cette promotion est totale: "C'est le Graal, je ne peux pas le dire autrement."



Les irréductibles Jurassiens ont eu le sentiment de s'être battus contre des Romains symbolisés par Kloten et une presse alémanique qui a sorti avant la finale que le duo Hazen-Devos avait un contrat avec les Aviateurs en cas de promotion zurichoise. Alors que leur agent Gaëtan Voisard a confirmé l'information avant le dernier match, les deux Québécois continueront à patiner pour le HCA.

"J'ai pleuré quand j'ai appris la décision du comité de tenter l'aventure, a lancé le top scorer canadien. Je ne voulais pas partir. C'était mon rêve d'être promu et de rester ici." Presque contraint de s'excuser d'avoir logiquement maximisé ses chances de jouer à l'échelon supérieur, Philip-Michaël Devos a simplement avoué: "Je voulais vraiment faire un essai en National League." En six saisons en Ajoie, les deux hommes ont inscrit 440 buts (241 pour Hazen, 199 pour Devos). Ils vont pouvoir maintenant se tester face aux meilleurs joueurs du pays.

Une victoire d'équipe

Ancien junior ajoulot parti à Lugano puis à Fribourg-Gottéron pour connaître une belle carrière en première division, Geoffrey Vauclair connaît bien l'organisation jurassienne. De voir son club de coeur rejoindre l'élite le ravit: "Mais j'ai éteint ma télé lors de la prolongation. Quand j'ai vu que Kloten dominait, je n'ai plus pu regarder. C'était la même chose quand je regardais un match où l'un de mes frères joue. C'est là qu'on se rend compte que c'est bien plus facile à vivre sur la glace et que je comprends mieux ce que mes parents ont vécu à l'époque où ils venaient voir nos matches."



Pour celui qui officie comme consultant sur la chaîne La Télé et sur MySports, le succès jurassien ne se discute pas: "Ils avaient davantage de coeur. C'est vraiment admirable ce qu'ils ont fait. Ces dernières années ils avaient le vent en poupe et plusieurs joueurs demandaient à pouvoir aller jouer à Porrentruy, c'est devenu l'adresse à la mode. Et on a beaucoup mis l'emphase sur les étrangers, mais je trouve vraiment que c'est une victoire d'équipe et qu'il n'y a pas à mettre quelqu'un plus en avant qu'un autre." Et si c'était finalement ça, leur potion magique?